Chapitre 5

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12 mai 1967

En cette belle après-midi de printemps, Harry et Severus préparent des gâteaux pour aller goûter dans le jardin. Si Severus aime les potions, il aime tout autant la cuisine. Harry prépare la pâte, tandis que le plus jeune s'occupe de la pièce maîtresse de leurs pâtisseries: des pépites de lait condensé. Le Survivant divise sa pâte agrémentée d'amandes et de noix en plusieurs boules sur un papier sulfurisé. Le plus jeune, une toque sur la tête, un tablier autour du cou, arrive avec un petit bol. Il prend les précieuses sphères nacrées et les dispose avec délicatesse sur les boules de pâte. L'aîné enfourne le tout dans un four chauffé préalablement. Les deux pâtissiers rangent la cuisine avec soin et préparent un panier pour le goûter.

Severus et Harry s'assoient à l'ombre d'un érable, sur une grande serviette gris clair. Harry leur sert deux bols de cacao tout en rajoutant la pointe de lait concentré sucré qui va avec. Severus sort un tupperware et en extirpe leurs cookies encore chauds. Il en tend un à l'aîné. D'un regard entendu, ils trempent les biscuits dans leur bol et croquent une bouchée. Les petites billes nacrées explosent dans leur bouche pour déverser le lait concentré sucré. Ils se sourient et Harry déclare:

« Eh bien ! Ces billes sont une véritable réussite Severus ! Dis-moi comment tu as fait un truc pareil ?

- Oh euh... C'est pas très compliqué tu sais. J'ai mis le lait dans des petits moules où j'avais mis de la pâte de sucre. C'est une sorte papier à base de sucre qui ne fond pas à la cuisson, une invention sorcière. Comme ça, il y avait aucun risque que le lait condensé durcisse, il est resté intact, enveloppé dans la pâte.

- Waw. Tu m'impressionneras toujours Severus. »

Harry le regarde avec des yeux émerveillés. Le petit garçon rougit devant tant d'attention ce qui lui donne une bouille irrésistiblement mignonne. Harry le gratifie d'un sourire tendre et engloutit le reste de son cookie.

Après ce délicieux goûter, il est l'heure du bain pour le jeune Severus. Harry fait couler une eau tiède jusqu'à la moitié de la baignoire d'angle. Il incorpore de la mousse et appelle Severus. L'enfant arrive et se met prudemment dans le bain. Il semble satisfait de la température puisqu'il se détend en laissant échapper un petit soupir de contentement. Harry sourit et fait signe à Severus de s'allonger pour mouiller sa chevelure sombre. Encore une fois, Harry a un petit pincement au coeur en pensant que Severus ne joue pas comme n'importe quel autre gamin avec la mousse ou des jouets de bain. Non, Severus est là pour se laver, se détendre éventuellement, mais voilà où s'arrête sa conception d'un bain. Le jeune homme savonne avec affection les cheveux du plus petit.

« Dit, tu me liras la fin de Hunger Games ce soir ?

- Oui bien sûr !

- Chouette ! Merci Harry.

- De rien Severus. »

Harry s'empare du pommeau de douche et rince avec douceur les cheveux de Severus. Il aide ensuite l'enfant à se savonner. Alors qu'il frotte le dos du plus jeune, Harry remarque des traces rouges qui zèbrent sa peau de porcelaine.

« Severus, qu'est-ce que tu as sur le dos ? »

Harry sent le petit se crisper. Severus se retourne brutalement, les bras croisés sur son torse.

« Rien qui ne te regarde.

- Severus... ? Répète Harry les yeux plissés.

- Je te dis que ce n'est rien !

- Je ne te crois pas. Qu'est-ce que c'est ?

- Tant pis pour toi, je ne dirai rien de plus. »

Sur ce, Severus se rince et sort du bain, la mine renfrognée.

Quelques minutes après, Eileen les appelle pour le dîner. Le repas se fait dans un silence morne. Si Tobias qui a encore une fois abusé plus que de raison sur l'alcool, n'aide pas, Harry n'est pas dupe, Severus s'est refermé sur lui-même et il va falloir qu'il fasse des efforts pour retrouver le gosse souriant qui se délectait des cookies il y a quelques heures.

Une fois le repas terminé, Harry et Severus retourne dans la chambre. Severus se prépare à aller au lit dans le silence. Harry le regarde faire, pareil à un adolescent qui ne sait pas comment aborder la fille qui lui plaît. Sauf qu'il ne s'agit pas d'une fille qu'il trouve jolie mais d'un gosse de sept ans. Et ce n'en est que plus blessant. Le Survivant attend sur son lit, le regard dans le vague. Peut-être que Severus finit par avoir pitié de lui parce qu'il s'avance jusqu'à lui et lui tend un épais roman, timidement.

« Alors, on le finit ce livre ? »

La voix de l'enfant se voulait assurée, mais Harry note tout de même l'hésitation dans ses gestes et la légère rougeur de ses joues. Harry lui offre un sourire franc pour le détendre avant de s'exclamer:

« Un peu qu'on le finit ! Je veux savoir ce qui arrive à Katniss et Peeta moi ! »

Le plus jeune se détend et il se glisse dans son lit en laissant une place pour Harry. Le Gryffondor s'installe confortablement et ils plongent ensemble dans l'univers de Suzanne Collins.

Après une demi-heure forte en émotions et en rebondissements, Harry ferme le livre et le pose sur la table de chevet. Il s'extirpe des couvertures pour caresser avec douceur les cheveux soyeux de Severus, le regard attendri. Le Survivant hésite un instant puis, se penche doucement pour déposer un baiser sur le petit front de Severus. L'enfant lui adresse un sourire timide, tandis que ses joues se colorent d'une teinte rose tout à fait délicieuse. Harry éteint la lampe de chevet avant de se diriger vers l'armoire, à tâtons. Il fouille quelques instants puis finit par trouver ce qu'il cherche. Son balais. Cela fait une semaine qu'il n'a pas touché à son Éclair de Feu et voler lui manque un peu. Il s'éclipse alors avec discrétion de la chambre, son balais à la main. Alors qu'il arrive au premier étage, il entend des cris provenant du bureau de Tobias. Harry hésite. Il sait pertinemment que c'est mal d'écouter aux portes et en même temps il aimerait en connaître un peu plus sur le drôle de personnage qu'est Tobias Rogue. Finalement, sa curiosité dévorante l'emporte et il se glisse sur la pointe des pieds dans le couloir sombre.

Arrivé devant le bureau, il entrebâille légèrement la porte. Et ce qu'il voit l'horrifie. Eileen est étendue au sol, le corps lacéré de traces rouges. Debout devant elle, Tobias ricane, sa ceinture à la main:

« Tu te crois maligne à faire la cuisine avec tes pouvoirs maudits ? Tu fais ça juste pour te vanter hein ?! T'as fait ça pour me rappeler que je suis ordinaire. Bah ouais, moi je suis normal ! Je suis pas un monstre comme toi et le gosse !

- Laisse Severus en dehors de ça !

- Sinon quoi Eileen ? Reconnaît qu'il est aussi monstrueux que toi. Vous n'êtes que deux anomalies qui n'auraient jamais dû voir le jour ! »

Il ponctue sa phrase par un puissant coup de ceinture. Harry plaque une main devant sa bouche pour réprimer un cri d'effroi. Alors c'était donc ça les marques sur le corps de Severus. Un haut le cœur le prend violemment. Comment peut-on faire ça à un enfant ? Pas étonnant que le petit soit distant et froid. Même l'adulte d'ailleurs. Comment peut-on se construire autrement que sur le contrôle quand toute son enfance est réduite à ce simple mot ? Horrifié, le Survivant sent des larmes dévaler lentement la courbe de ses joues alors qu'il sort dans le froid mordant.

Voler lui fera du bien. Oui, voler pour oublier... L'espace d'un instant du moins.

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