Chapitre 1

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Le jeune homme entra dans la grande salle, la mort aux dents et le cœur au bord des lèvres. Mais c'était normal. 

La dame lui indiqua un siège pour s'asseoir, ce qu'il fit. Il eût le temps de remarquer à travers la fenêtre prédominante de la pièce qu'aujourd'hui était une belle journée pour le ciel, bien que pour lui, et depuis bien longtemps, ce soit le contraire. Il s'autorisa un autre coup d'œil pour regarder l'azur avec plus de minutie. Il remarqua cependant que le ciel était maculé d'épais nuages, pour assombrir ce paysage presque trop parfait. Cela lui plaisait bien, si la notion de plaire était différente.

Le fauteuil était d'un jaune éclatant, surtout pour le narguer de la morosité de son âme, se dit-il avec une ironie presque vexante. La salle en elle-même n'était pas déplaisante, avec ses murs de couleurs chaudes, son sol tapissé et son bureau imposant en bois. Mais le client ne semblait pas y trouver le confort qu'il recherchait. Sans doute n'existait-il pas. 

La dame était elle aussi assise dans un fauteuil, toujours aussi jaune, en face du noiraud. Elle avait en main un cahier usé ainsi qu'un stylo neuf, l'ancien avait sans doute finit sa longue vie d'encre. Elle était prête à tout noter ; ce que son client allait lui dire, mais aussi ce qu'il ne lui dirait pas.

Le noiraud n'avait ni hâte ni envie. Il se contenta de regarder à travers la grande vitre le paysage -presque parfait- qui s'offrait à lui. Il n'avait aucune soif de discussion, ainsi le dialogue ne pourrait pas couler simplement. La dame se contentera de quelques goûtes.

- Nous pouvons commencer la séance. 

***

La musique dans les oreilles, forte. Le pas d'un endroit à l'autre, rapide. Le visage immobile et sans expression, indifférent. Tout ça, c'est Minho. Marchant le long des rues, comme son médecin, son psychiatre ainsi que ses parents le lui ont conseillé. Parce que oui, il lui faut faire de l'exercice, pour être en bonne santé. Et malheureusement, Lee Minho ne l'est pas. Depuis des mois et des mois il n'a plus d'envies, de désirs. Ses sentiments sont depuis bien longtemps enfouis, trop enfouis en lui. 

Il marche, erre, sans aucun but ou endroit précis. Il marche juste, pour faire partir ce vide qui prend une très grosse place à présent dans sa poitrine. C'est insoutenable, il en suffoque presque. Maintenant, il court. Aussi vite qu'il peut, pour obliger cette sensation d'oppression logée dans son thorax à partir. Les écouteurs tombent, son téléphone menace de s'envoler, mais il s'en fiche. Rien n'est important, tout est second. Rien n'est important, tout n'est que bêtises et imbécillités. Et ça, il l'avait déjà compris. 

Le souffle saccadé, il est obligé de s'arrêter et même de s'asseoir sur un banc, pas si loin de son ancien lycée. Celui auquel il ne se rend plus. Celui duquel il a peur. Celui qu'il a fui depuis quelques mois, quelques années, en désaccord avec l'avis de tout le monde. De toute façon, qui pourrait bien le comprendre ? Ou du moins essayer de le comprendre ? Il est seul, affreusement seul, plus que seul. Il est isolé du monde, de leurs pensées et de leurs actions. 

Il ne faut pas qu'il reste trop longtemps ici, il le sait. Sinon une de ses fréquentes crises d'angoisse allait s'inviter. Et il ne le voulait pas. Il n'en avait pas envie. Vraiment pas.

- Lee Minho ! 

Il tourne la tête, peut-être trop brusquement, pour apercevoir ces gens. Des gens comme tout le monde. Des gens qu'il ne semble pas reconnaître, s'il les connaît. 

- Ça fait plaisir de te voir ! Et longtemps aussi ! Qu'est-ce que tu deviens depuis ? commence le premier, une demi-douzaine de têtes toutes aussi curieuses les unes que les autres derrière lui.

Passing time - MinsungOù les histoires vivent. Découvrez maintenant