Chapitre 12

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Il regarde à travers la fenêtre. Cette sensation d'être écouté, au centre du sujet, ça ne le dérange plus. Enfin, il la supporte, disons. Il est arrivé plusieurs fois, plusieurs rendez-vous dans lesquels Minho n'a pas daigné sortir un seul son d'entre ses lèvres. Cela s'est passé plus de fois qu'il ne voudrait bien le croire, à vrai dire il ne compte plus ses rendez-vous. Et lorsqu'il n'est pas d'humeur, ça se voit, même très rapidement. La dame le sait, elle a appris à le connaître. Et cette fois, elle pense que le noiraud a besoin d'extérioriser, de parler, de faire le point. Alors pour cette séance, elle le pousse, juste un peu, afin de débloquer quelque chose, certainement une peur, enfouie au plus profond de son être. Juste un peu, cela semble important.

- De quoi avez-vous peur, Minho ?

De quoi pourrait-il avoir peur ?

De tout, peut-être ?

De vivre, se tromper, l'échec, la peur en elle-même, tout.

Seulement, une réponse sort de l'ordinaire. Une réponse, une hypothèse, se détache du reste. N'est-ce pas évident, au final ?

Il se le demande.

- De tout

- Voulez-vous bien m'expliquer ? S'il vous plaît.

- Qu'est-ce que j'aurais à dire ?

- Détaillez-moi. "Tout", c'est-à-dire ?

Il lâche un soupir agâcé. Il n'a pas forcément envie de parler de tout ça, peut-être pas maintenant, en tout cas.

- De me tromper, de l'échec. Qui dit que dès demain, tout le monde ne sera pas déçu par tout ce que je fais ? Peut-être que je me trompe là maintenant, c'est plus que probable, mais je n'aimerais pas faire les choses mal. Je veux contrôler ce que je fais, ce que je pense, ce que je dis, mes gestes, mes paroles. Si je déçois tout le monde, ça voudrait dire que je n'ai pas su contrôler tout ça. Pas du tout. Et c'est un problème.

Lorsque la dame ouvre la bouche pour répondre, le noiraud la coupe.

- Je n'ai pas fini.

Il ose enfin la regarder, dans les yeux. Oui, il est agâcé, alors il aimerait lui montrer qu'il sait faire, et que sa peur est valable. Il aimerait surtout qu'après qu'il lui en ait parlé, elle le laisse tranquille, pour qu'il puisse aller se reposer dans sa chambre. C'est tout ce qu'il demande.

- J'ai peur d'avoir peur. Je sais que la peur paralyse, fait perdre ses moyens, son sang-froid. Et si je n'ai pas le temps de me rattraper, si ça passe trop vite. S'il se passe des choses, que je n'ai pas le temps de les voir, de les comprendre. Et puis, tout arrive bientôt. J'ai perdu du temps. Bientôt je devrai sortir d'ici, me confronter à mes parents, retourner en cours, les études, une vie normale. Mais j'aimerais prendre mon temps pour tout ça, sauf que je n'en ai pas assez. Je n'en aurai jamais assez, pour quoique ce soit.

- Le temps donc.

Le temps.

Est-ce vraiment ce qui fait peur à Lee Minho ?

Oui. Pourquoi pas, après tout.

***

Le rouquin, allongé dans son lit, observe son camarade. Celui-ci répond aux questions -non sans peine- d'une infirmière, venant voir si tout va bien. Elle l'a fait le matin-même avec Jisung, ce qui n'a pas été extrêment agréable pour lui, étant donné qu'en ce moment, sa santé ne fait que chuter. C'est compliqué, disons. Alors il le regarde, l'observe, l'épie dirait-on.

Depuis tout à l'heure, le noiraud a l'air agacé, contrarié. Depuis son rendez-vous, il ne lui a presque pas adressé la parole, alors c'est dire la manière dont il répond à l'infirmière que ne fait que son travail. Y réfléchissant, Jisung décide de demander à son camarade ce qu'il se passe. Mais lui demander en lui posant simplement des questions, ce n'est pas drôle, voyez-vous. Il faut donc qu'il trouve une manière de rendre la chose amusante.

Passing time - MinsungOù les histoires vivent. Découvrez maintenant