Chapitre 10

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Chapitre 10

(PDV de Nihal)

Cela faisait maintenant trois jours que j'étais coincée dans cette cellule. Ils ne m'avaient enmené ni à manger, ni à boire. Et cette privation me faisait tellement souffrir! Lanie, elle, n'avait rien mangé depuis une semaine. Selon les hommes qui nous retenaient, il ne servait à rien de nous nourrir, nous ne servions à rien. Lanie avait énormément maigri, et pas dans le bon sens. Ses os étaient proéminents, elle, d'ordinaire l'air tellement sympatique, avait maintenant un air à faire peur. Elle paraissait aussi plutôt vieillie. Les traits tirés, les cernes sous les yeux. Je n'aimais pas du tout ce que je voyais.

Également, un autre changement que je remarquai chez elle : sa hargne. Constamment, elle injuriait les hommes qui passaient. Elle était violente, passionnée, courageuse, et je l'admirais énormément pour ça, même si voir son visage naguère si doux se transformer en masque de haine me faisait frissonner de peur chaque fois. Mais elle restait cette adorable tante que j'idolâtrais avec moi, se changeant en tigresse lorsque ce n'était pas le cas.

Pour nous distraire, je racontais une histoire que mon père, le Roi Kamraan le Grand, nous lisait lorsque nous ne voulions pas nous endormir, Fayçal et moi. Elle m'écoutait, le sourire aux lèvres, les yeux brillants, et cela me faisait du bien de me savoir utile pour au moins quelque chose, aussi banal que ce le soit.

-Et Arhiman le Juste, le Terrible, permis, dans toute sa miséricorde, au pauvre pêcheur l'accès à l'Au-delà, et le refusa par la même occasion au Roi cruel et sans coeur qu'était devenu l'homme autrefois honnête, finis-je doucement l'histoire.

-Tu as un véritable don de conteuse, ma belle. Dis-moi, que ressens-tu envers Leith? m'interrogea-t-elle après un moment.

Je pris le temps de réfléchir profondément. Je me devais de lui donner une réponse honnête.

-De la tristesse, soufflai-je à la fin.

Elle n'hocha que la tête, acceptant ma réponse comme la seule.

-Tu sais, Nihal, je suis trop vieille pour être d'un quelconque intérêt pour le Roi, ou pour Leith, mais toi, tu es jeune et tu es incroyablement jolie. Peut-être... Peut-être pourrais-tu supplier le Roi Malek de te prendre dans son harem.

-Tu crois que je pourrais t'abandonner ici? Mais as-tu perdu la tête? m'écriai-je, bouleversée.

-Lorsqu'on a des enfants, il est de l'instinct de mère de les protéger. Et toi, ma fille, tu fais partie de mes enfants. Je ne veux que ta sécurité et ton bonheur, tu comprends?

-Je comprends, tante Lanie, mais jamais je ne pourrais être heureuse si je te laissais ici toute seule.

-Très bien, mais réfléchis-y. Ce n'est certes pas la vie que j'espérais pour toi, mais ce serait tout de même mieux que de pourrir dans cette prison.

-J'y réfléchirai, répondis-je.

Mais ma décision était irrémédiable. Je levai brusquement la tête en entendant des pas de gardes se rapprochant de notre cellule. Ils étaient quatre, et assez lourdement armés. Un d'entre eux avait mal à la jambe, d'après ce que je pouvais en entendre. Ces réflexions défilèrent rapidement dans ma tête. Finalement, ils s'arrêtèrent devant notre porte. Il y eut le cliquetis caractéristique d'une serrure que l'on débloque, et une bouffée d'air frais entra en même temps qu'un des gardes.

-La petite Princesse vient avec nous, railla le garde.

-Sache que la "petite Princesse" te fera exécuter lorsqu'elle sortira d'ici, crachai-je.

Du coin de l'oeil, je vis ma chère tante essayer de cacher en vain un sourire fier. Le garde ne fit que grogner, puis me prit le bras brusquement pour me faire sortir du cachot. J'étais inquiète, vraiment, mais le sourire de Lanie me donnait des forces. Je me devais d'être comme elle. Je relevai le menton, redressa le buste, et souris aux gardes, qui froncèrent les sourcils.

Les Héritiers de Perse - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant