Chapitre 1: Adriel

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Vendredi 16 Août 2019:

Adriel:

Assis sur ma valise, je pianote sur mon portable. Mon grand-frère me harcèle de messages, depuis qu'il sait que j'ai atterri en France. Seulement Tarek devra attendre encore un peu avant de me revoir. Après avoir refusé, une fois de plus, sa proposition de venir me chercher à l'aéroport, je navigue sur les réseaux sociaux, histoire de rattraper le temps perdu.

Je souris, amusé de voir que ma petite soeur a toujours l'air de m'en vouloir de ne pas l'avoir emmené avec moi à Leicester. J'ai déjà justifié un nombre incalculable de fois mon refus. Premièrement, notre mère n'a pas les moyens d'entretenir Mélodie pendant un mois à l'étranger. Deuxièmement, du haut de ses seize ans, elle se serait sacrement fait chier pendant que je passais mes journées avec ma grand-mère dans une maison de retraite.

Après Tarek, c'est à Léna -ma mère adoptive- de s'inquiéter. Pourtant, ce n'est pas faute de lui avoir expliqué en long et en large mon organisation du retour. Je sais pertinemment qu'après quatre semaines, elle aurait aimé me revoir la première. Malheureusement, j'ai d'autres projets avant de rentrer à la maison.

La patience n'a jamais été l'un de mes points forts. Le temps me paraît donc durer une éternité. L'avion de Sam a pourtant atterri depuis quelques minutes, mais c'est tellement la galère pour sortir du tarmac et rejoindre le terminal, que je ne suis pas étonné du temps que met mon meilleur ami à arriver. Mais la chaleur présente dans l'aéroport, dû à la foule humaine, commence à sérieusement m'étouffer. Et puis rester seul n'est pas bon pour mes pensées qui carburent à mille à l'heure.

Après une année aussi riche en émotion, un mois loin de la France ne pouvait qu'être bénéfique pour moi. Leicester, malgré le climat bien différent de Lyon, m'a procuré un bain de vitalité. Déjà, revoir ma grand-mère, seul membre encore en vie qui me rattache à ma famille biologique, m'a fait le plus grand bien. J'ai pu faire le point sur les mois qui viennent de s'écouler.

La notification sur mon portable me fait relever les yeux et me coupe dans mes réflexions. Je réprime un sourire en voyant Samuel, une valise à la main, dans l'escalator. Mon meilleur ami n'a pas changé. Son teint habituellement blanc, dû à ses origines asiatique, a pris de légères couleurs durant l'été. Ses cheveux noirs sont un peu plus long que lorsque nous nous sommes quittés. Avec sa silhouette svelte, sa taille moyenne, son air enfantin, son visage lisse comme de la porcelaine et complètement imberbe, il ressemble à un adolescent au milieu des adultes qui l'entourent.

Ce constat me déclenche un petit rire moqueur. Je ne perds jamais une occasion de le charrier sur le fait qu'il est le stéréotype du Thaïlandais vu par les Européens. Il ne faut surtout pas se fier à son air juvénile, du haut de ses dix-neuf ans - même si d'aspect,  il en parait cinq de moins -, Samuel peut se montrer très coriace.

Je finis par me redresser pour accueillir mon meilleur ami, qui me rejoint un grand sourire aux lèvres. L'asiatique m'étreint sans retenu, ce qui me fait lever les yeux au ciel. Les effusions en public, très peu pour moi. Et après que l'on ne vienne pas me dire que les Asiates sont pudiques. Résigné, parce que je sais très bien que la teigne qui me sert d'ami ne renoncera pas, je lui tapote doucement le dos. Notre câlin de retrouvailles se termine vite, à mon plus grand bonheur.

- Tu penseras à te couper les cheveux, je lui lance tout en ébouriffant ses mèches noires, en guise de salutation.

- Tu m'as manqué aussi Ad, fait-il en chassant ma main, sans la moindre trace d'offense.

Plutôt me couper un membre que d'avouer à Sam qu'il m'a manqué également. C'est le cas bien sûr, mais inutile de le dire à voix haute. Je préfère largement choisir l'indifférence, même si Sam n'est pas dupe et qu'il me connaît assez bien pour savoir lire entre les lignes. Avec un sourire attendri, il me dévisage.

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