Chapitre 15.

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La nuit venue je n'arrive pas à dormir. Je me retourne encore et encore dans mon lit. L'assassin ne viendra pas dans le petit salon ce soir et nous ne pourrons donc pas être informé de son prochain méfait. Je me remémore ses dernières paroles « Puisqu'il en est ainsi, c'est moi qui m'en occuperais et il n'y aura plus de prochaine fois... » et si le moment où il est si sûr de réussir est demain ? Mais malgré mon pré sentiment je ne vois vraiment pas comment il pourra s'y prendre. À moins que...ce soit le prince. Peut-être qu'il a eu un choc psychologique à la mort de sa mère et que donc il a plusieurs personnalités, des moments où il veut m'aider, me sauver et des moments où il veut...me tuer ? Mais non... c'est absurde...je raconte n'importe quoi. Je ferai mieux de dormir.

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J'ouvre les yeux. Mes habits de bonne sont aux pieds de mon lit. Je les enfile rapidement en pensant que ce serait formidable si cette journée pouvait être la dernière que je passe en 1780. Mais je pense aussi au présent modifié que je retrouverai à la fin de la mission, jusqu'à quel point sera-t-il différent ? Quelles personnes disparaîtrons ? Et puis j'ai un petit pincement au cœur en pensant au prince que je ne pourrai plus revoir.

Danica entre dans la pièce. Elle est vraiment ravissante avec sa robe de couleur rose fuchsia et ses gants de crinolines. Je soupire en pensant à l'amitié qui commençait à poindre à l'horizon. Elle mérite bien le prince. Je secoue la tête pour chasser mes pensées mélancoliques ce qui la fait sourire.

— Vous êtes triste parce que vous pensez que nous allons faire échouer les plans de l'assassin et que par conséquent vous devrez revenir dans votre époque.

— Je ne sais pas si nous réussirons, quoi qu'il en soit, avant de partir j'aimerais que nous nous tutoyions comme...des amies.

Le visage de Danica s'éclaire d'un grand sourire.

— Avec grand plaisir, je suis heureuse que tu me considère comme une amie.

Gina arrive en coup de vent dans la pièce.

— C'est l'heure de manger !

Je la regarde avec surprise.

— Déjà ? Mais je me suis levée il y a à peine une heure !

Danica se met à rire.

— C'est parce que vous...tu t'es levée à onze heure !

Gina me maquille rapidement pour déformer mes traits. Puis je mange en sa compagnie et celle de Danica, Marvine étant en train de nourrir les prisonniers. Je demande :

— Quel est le programme d'aujourd'hui ?

— Promenade dans le parc, tu vas chercher les biscuits et la crème pour le goûter à la cuisine, goûter, l'assassin apparaît, tu nous appelle à l'aide avec ton SOS, on récupère l'assassin et puis en revient dans notre époque, on le met en prison avec ses complices, et puis, et bien en se dit au revoir.

Je n'arrive pas avaler la nourriture, j'ai un nœud dans l'estomac. Je me lève brusquement en disant :

— Je vais faire un tour dans le parc comme prévu.

Marcher dans le parc me fait vraiment du bien mais le mauvais pré sentiment subsiste. Je vois sans les voir des amandiers, des pêchers, des cerisiers aux fruits bien mûrs. J'imprègne dans ma mémoire chaque élément du jardin.

L'heure passe et arrive le moment de servir le goûter. Je cours à la cuisine pour demander la nourriture pour le goûter du prince et de la princesse, on me la donne sur un plateau. Je monte doucement l'escalier pour ne rien faire tomber. J'arrive devant le salon aux rideaux pourpres, je suis introduite par un valet. Je regarde mes pieds en avançant de peur de rencontrer le regard bleu du prince. Je pose délicatement le plateau sur la petite table, puis je viens me mettre contre le mur attendant que l'on me donne des ordres. Le prince se lève et prend la main de Danica. Il lui dit :

— Voici venue la veille de notre mariage. C'est un mariage arrangé mais j'ai appris à vous connaître et même si vous paraissez différente quelque fois je crois pouvoir dire sans mentir que je vous aime. Je n'ai jamais pensé pouvoir faire un jour un mariage d'amour mais notre mariage le sera ou du moins...de mon côté.

Des larmes coulent doucement sur ma joue, mon maquillage s'en va mais je m'en moque mon cœur bat violemment, quelle personnalité de Danica préfère t'il elle ou moi ?

Danica est rouge de confusion elle répond en balbutiant :

— De mon côté aussi naturellement.

Que n'aurais-je donné pour être à sa place, recevoir tous les mots doux de l'être que j'aime.

Mais ils se rassoient sans un regard pour la pauvre bonne au cœur brisé qui assiste à la scène. Tout à son bonheur Danica a sans doute oublié que je suis là. Le valet annonce :

— Le thé est servi !

La reine entre avec dans les mains un plateau portant deux tasses de thé fumant. Les tasses sont posées sur la petite table et Danica boit. Pourquoi la reine fait-elle la bonne ? Quand je comprends enfin, il est trop tard. Danica tombe par terre. Je hurle :

— Danica noooon !

Elle arrive à murmurer :

— Camille... tu as été pour moi une amie...une très bonne amie...tu as fait ce que tu as pu... tu n'y es pour rien...adieu...

Ses pupilles se dilatent. Je crie entre deux sanglots :

— Danica je ne t'oublierai jamais !

Ses muscles de raidissent, elle perd connaissance. Son souffle devient haché puis il s'arrête. C'est la fin.

Le prince dit serrant les dents :

— Elle a été empoisonnée par de l'acide prussique.

L'assassin c'est la reine, c'est sans doute elle qui a tué la vraie reine Elizabeth pour prendre sa place. En un éclair je me tourne vers la reine qui jusqu'à-là était restée médusée par son geste et qui reprend ses esprits avec un dangereux objet métallique à la main qui plus est très proche du prince. Je lui tire le bras et je le pousse hors de la pièce pour le mettre en sécurité, le même geste que j'avais fait quelques jours plus tôt lors de l'incendie. Tout en courant vers le parc il me dévisage avec surprise. On entre dans une petite cabane que l'on ferme à double tour. Puis il me dit :

— C'est vous, c'est vous qui m'avez protégé lors de l'incendie sous le costume de la princesse Danica et c'est votre caractère, c'est vous que j'aime. Je m'étais rendus compte qu'il y avait à certains moments des changements de caractères. Mais celle que j'aime entre Danica et vous, c'est vous...Camille ?

J'acquiesce. Mes larmes ont enlevé tout le maquillage et je ressemble trait pour trait à Danica, l'amie que je viens de perdre. Mon cœur bat la chamade : le prince m'aime, l'héritier au trône, le prince Alexandre de France m'aime moi, petite lycéenne de rien du tout ! Son visage se penche sur le mien et je sens ses lèvres effleurer les miennes.

Mais des bruits de pas devant la cabane me ramène à la dure réalité : la mission a échoué ! J'appuie sur le bouton SOS de mon appareil. Mais rien ne se produit. Je le sors et je regarde les signes vitaux de Marvine puis de Gina, les mêmes résultats s'affichent : aucun signe vital. La ligne qui monte lorsque le cœur bat est terriblement droite. Soit elles sont décédées, sois elles ont été happées dans le temps pour je ne sais quelles raisons, sois elles m'ont abandonnée.

Je suis prisonnière d'une époque qui n'est pas la mienne sans aucun moyen de revenir dans le présent et à cause de notre échec dans le présent la guerre entre l'Autriche et la France va être déclarée. La seule façon d'empêcher la destruction du monde dans le présent par les Autrichiens est que je me fasse passer pour Danica toute ma vie, à cette époque, en 1780. Mais l'image de la peinture du prince me hante, je l'ai déjà vu quelque part, sûrement pas dans le présent. Ce qui voudrais dire que je serai déjà venue ici, avant ? Mais qui suis-je réellement alors ?

Amour ImposteurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant