Chapitre 3.

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Les portes s'ouvrent lentement. La machine disparaît. Nous sommes au fond d'une cuisine, en face d'une grande porte en bois massif.

Tout à coup celle-ci s'ouvre. Un homme entre. Celui qui semble être le chef cuisinier s'approche :

— Que désire le roi ?

— Le roi aimerait avoir du cacao pour ses filles, répond le serviteur en tendant la main.

— Voilà, voilà.

Un cuisinier donne le précieux cacao au serviteur qui s'en va sans fermer la porte. C'est le moment ou jamais, les marmitons se sont remis à leurs fourneaux, je fais signe à mes dames de compagnies de me suivre et je sors de la cuisine.

Je marche comme me l'a demandé l'Agent, mes dames de compagnies sur les talons. Je me dirige vers des bruits de voix. J'entends le roi Alexandre IV qui vient de recevoir le cacao demandé et qui parle avec ses filles :

— Aimée, Marguerite, venez donc. Je tenais à vous faire goûter moi-même de ce nouvel aliment que l'on appelle le cacao.

— Mais père ... c'est amer !

Une voix de femme commence à gronder la petite fille mais le roi lance d'une voix joyeuse :

— Laissez, laissez, je désire que mes filles disent ce qu'elles pensent et non ce qu'elles doivent penser !

Un homme ouvre la porte en s'inclinant, le roi va quitter la pièce ! Rapidement, je me glisse dans le couloir le plus proche et manque de tomber sur le portrait d'un jeune homme. Mes dames de compagnies m'aide à reprendre mon équilibre, mais mon regard ne peut se détacher de ce portrait...il me semble familier... je l'ai déjà vu quelque part... ses yeux bleu profond, fixés vers un point lointain, ses traits fins, cette perruque poudrée dont sort une petite boucle blonde que le peintre c'est cru obligé de peindre pour attirer le regard et ainsi camoufler la tristesse du jeune homme et... mais je n'ai pas le temps de l'observer plus longtemps, la reine Elizabeth en personne se trouve à côté de moi. Je me rappelle douloureusement que je n'ai pas appris mes fiches de vieux français...

Ne sachant que faire, je fais une révérence que j'ai vue à la télé.

— Très chère Danica ! Quelle bonne surprise ! Nous ne vous attendions pas si tôt. Le portrait de mon fils vous plaît ? Il a été fait il y a quelques années, nous vous en avons envoyé un plus récent, celui-ci ne sera envoyé à personne vous vous en doutez bien avec la boucle que le peintre a eu l'audace de rajouter !

Ainsi donc ce jeune homme est son fils. La reine semble pressée de changer de sujet, néanmoins, je lui pose la question qui me brûle les lèvres :

— Pourquoi semble-t-il si triste ?

La reine paraît gênée, touchais-je un point sensible ?

— Ce que vous prenez pour de la tristesse est de la rêverie, sans doute pense-t-il à la chasse ou d'autres occupations de son âge.

Elle ment, mais pourquoi ? C'est vrai qu'elle ne me connaît pas mais je suis sensée rentrer dans sa famille ! Ce n'est pas la peine de lui poser d'autre questions sur le sujet, ce serait indélicat et cela pourrait nuire à notre projet, le seul moyen d'en savoir plus et de demander au principal intéressé : le prince.

La reine tourne la tête vers ses dames de compagnies qui s'empressent de donner des informations aux miennes, sans doute sur l'emplacement de mes appartements. Elles partent toute ensemble. La phase deux du plan commence. Puis, elle se tourne vers moi et avec un sourire forcé me dit :

— Veuillez me suivre. Nous allons attendre mon fils en haut de l'escalier impérial.

Cela doit être une tradition. Je la suis. On traverse ainsi de nombreuses pièces immenses, remplies de meubles magnifiques, de décorations précieuses toujours dans les tons rouges et or, de longs rideaux de velours, de grand portrait d'aïeux prestigieux. J'inscris dans ma tête chaque détail, j'ai conscience qu'il n'est pas donné à tout le monde de voir en vrai ce qu'étaient les châteaux autrefois. La reine doit remarquer mon admiration car elle me dit :

— Pour la place de chaque meuble, de chaque décoration, nous avons fait appel à un artiste de talent, Antoine Beaufort qui a, semble-t-il, bien rempli sa mission. Nous avons malheureusement dû, après le portrait qu'il a fait d'Alexandre, le renvoyer.

Pauvre homme, c'est donc lui le peintre qui a tenté de cacher la tristesse du prince. S'il a tenté de la cacher c'est qu'il y a une raison et je la trouverai.

Nous sommes arrivées en haut de l'escalier impérial. Une domestique met autour des épaules de la reine un lourd manteau de velours entouré de fourrure d'hermine. Et sur les miennes le même en plus petit. Dehors on entend des bruits de sabot et des hennissements de chevaux : le prince est rentré de la chasse. Comme je n'ai, bien entendu, pas reçu le portrait du prince dont me parlait la reine, je me demande quel âge il peut bien avoir depuis que son portrait a été fait par Antoine Beaufort, vingt ans ? Mais entre dans la salle un jeune-homme d'environ 17 ans. Un crieur annonce :

— Sa majesté le prince Alexandre !

Et derrière moi, un autre se met à crier, me faisant sursauter :

— Sa majesté la princesse Danica !

Après avoir entendu « mon nom », le prince monte l'escalier impérial et arrivé à ma hauteur me prend le bras. La reine sourit et dit :

— Allez dans le petit salon pour faire plus ample connaissance !

Ce qui signifie qu'elle ne nous suit pas et que je suis seule avec le prince.

Amour ImposteurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant