L'oisiveté promeut souvent un état d'esprit qui absorbe les énergies et les passions. L'inaction pétrie certains de mauvaise foi de la sorte qu'ils dérogent à la droiture, à la vertu et sombrent dans la décadence.
Ceci dit le chômage avait rendu mon oncle Sidy pâle et méconnaissable. Il n'en parlait pas mais son renvoie n'était pas tout à fait gratuit, il y avait sûrement une raison obscure derrière cela mais qu'il n'abordait jamais même pas avec Adja. Il était clair sans l'ombre d'un doute que sa forfaiture était dû à une faute grave étant qu'il n'avait reçu aucune compensation financière, aucune indemnité, pas un sous depuis qu'il était congédié, ce qui était un peu étrange.
Il était ruiné et cela se voyait clairement comme de l'eau de roche. Et certaines habitudes telles que les festins, les coquetteries nuptiales, les achats hors de prix, toutes les exhibitions furent révolues au fil des mois. Inlassablement il était devenu constamment aigri et acerbe. Il avait une humeur froide et glaciale, un air vicieux et tourmenté. Il avait un comportement bipolaire qui m'inspirait une terreur absolue, une sorte d'ombre que je redoutais plus que tout. J'avais peur de le croiser seule dans la cour. Impulsif qu'il était, j'avais le sentiment qu'il allait rejeter la faute sur moi. Je craignais qu'il noue les vices de sa femme qui à moindre infortune disait que j'étais une malédiction, une poisse, un être maudit qui n'apporte que la malchance dans le foyer.Par ailleurs malgré la discorde Moustapha semblait lui développer une certaine empathie à l'égard de son frère. L'animosité s'était donc apaisée si vraie qu'on aurait affirmé que le deuil avait frappé la famille. En tout cas un climat de paix régnait la demeure même si cette tranquillité était certes morose et fragile. Quoi qu'il en soit il n'avait rien de surprenant de cette situation car la précarité imposait à Sidy l'abstention à tout recours conflictuel. Il savait qu'il était plus désormais en mesure de tenir tête à son frère qui lui même n'avait plus l'appétit de se quereller, il avait déjà suffisamment de problèmes à régler.
D'un autre coté il faut reconnaitre qu'en dépit de tous ses vices, Moustapha n'était pas vraiment un rancunier, certes il était loin d'être un sain, très loin de là même, mais quoi qu'il était un parasite certifié, une misérable créature dénudée de principes et de vertus, un ivrogne, une crapule, il n'avait cependant pas l'habitude de garder de la rancœur contrairement à son aîné. Mais si la dissidence a perduré trop longtemps c'est parce que les femmes s'en sont mêlées et refusaient de lâcher prise.
Ceci dit un moment j'ai eu à constater que Moustapha voulait se réconcilier. Il avait entrepris une démarche sobre pour y parvenir. Ainsi chaque matin il achetait à manger pour toute la maison mais Adja jetait tout ce qu'on leur donnait par la fenêtre sinon dans la poubelle au lieu de refuser tout court. Elle était d'une méchanceté dévorante si tant est qu'elle préférait se nuire, mourir de faim plutôt que de ravaler sa fierté et d'accepter les efforts de son beau-frère.
Malgré tout le mépris qu'il récoltait, Moustapha ne s'était pas découragé dans son élan. Un jour accompagné de Rokhaya, il est venu présenter solennellement ses excuses afin de se réconcilier une bonne fois pour toute mais Adja lui a craché en pleine figure. Sidy lui a préféré bouder et sortir de la maison après avoir perdu son sang froid et menacer de brûler vive son cadet et sa petite famille si jamais ils ne se tiendraient pas à carreaux. Il voyait cela comme une provocation alors qu'en réalité c'était juste une main sincère qu'on leur avait tendue.
En boudant ce jour-là il bouscula Khadija enceinte de quatre mois. La pauvre elle s'est écroulée aussitôt par terre heureusement que la chute n'a pas été brutale pour elle.
Cette fugue enragée démontrait qu'une sorte de noirceur revêtait l'âme de mon oncle et le rendait tant soi peu violent et imprévisible. Il n'arrivait plus à bien digérer son sort et il rejetait la faute sur les autres. Il se sentait trahi par le destin certainement. Il vivait mal cette situation inconfortable de se retrouver sans emploi surtout à son âge. Mais ce qui l'agaçait par au dessus tout était la lassitude et l'ennui qui l'accablaient et le forçaient à errer quotidiennement dans la maison, cloitré entre quatre murs lisant incessamment des journaux dans l'espoir de dénicher un éventuel emploi qui correspondrait à son profile sur les annonces journalières car il n'en pouvait plus d'être resté inoccupé à longueur de temps. Mais rien ne coïncidait à ses souhaits malheureusement.
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Mélodrame
MaceraLe parcours plein de rebondissement d'une Saint-Louisienne à l'épreuve de sa destinée. Histoire formellement interdite aux -🔞 ans. Il y a des scènes qui peuvent choquer les âmes sensibles.