Partie 9

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Gilda passa une main affectueuse dans mes cheveux pour me féliciter avant de me répondre :

— Je voulais que tu sois capable de communiquer avec eux et que tu sois habituée à vivre à l'Abbaye. Maintenant que tu sais écrire, même si ton orthographe et ta conjugaison sont encore hasardeux, je pourrais te laisser un peu plus de libertés si tu en as envie. Il est probable que tu commences bientôt ton entraînement magique, également.

« Tu crois que ji ariverai ? »

— À faire de la magie ? Si toi tu n'y arrives pas, personne ne le peut, Astrid, rit ma tutrice.

Comme toujours quand elle prononçait mon prénom, mon cœur bondit. Ça faisait si longtemps que je ne l'avais confié à personne. Mais l'écrire à Gilda avait été naturel. Je tenais beaucoup à elle et je voyais en elle une grande sœur que je n'avais plus.

« Pourquoi ? »

— Parce que la magie en toi est puissante, tous les gens comme nous peuvent le sentir. Maintenant essayons de continuer un peu la conjugaison, hm ? On va...

On toqua à la porte de la salle de classe et je me retournai pour voir Cal entrer.

— Bonjour mesdemoiselles, la Dame blanche m'envoie vous dire qu'elle aimerait beaucoup mesurer les progrès de notre magicienne en herbe, vous êtes convoquées à la quatorzième heure tapante.

— On y sera, merci Cal.

Le jeune homme hocha la tête et repartit aussi vite. La fin de la leçon se déroula sans événement notable. Après le repas et un passage par les chambres pour se rafraîchir, nous nous rendîmes dans la salle d'attente. Nous fûmes vite introduites dans le bureau. La Dame n'avait pas changé d'un fil depuis notre dernière entrevue. Gilda et moi nous inclinâmes à l'unisson devant elle et cela l'amusa.

— Je vois que Gilda est une excellente enseignante, même si j'avais toute confiance en elle.

Je hochai la tête pour indiquer mon approbation.

— Elle n'est pas une élève difficile, ma Dame, c'est un plaisir pour moi de veiller sur elle, affirma ma tutrice.

La magicienne hocha la tête et sourit.

— Bien, puisque maintenant tu te débrouilles avec les lettres, je suppose que nous allons pouvoir passer à l'étape suivante. Il est important que tu apprennes les bases de l'histoire, la géographie et la politique de notre continent. Pour cela, tu suivras les cours que nous dispensons aux enfants des notables de la ville.

Je levai aussitôt les yeux vers Gilda, inquiète.

— Gilda restera ta tutrice, me rassura la femme. Elle pourra t'aider pour tes classes.

— Merci, ma Dame, souffla la concernée.

La magicienne balaya les remerciements d'un geste de la main.

— Inutile, vous vous entendez bien et votre duo est plus que productif, il serait idiot de vous séparer maintenant.

Elle posa son regard sur moi puis sur mon amie et ajouta :

— J'aimerais avoir quelques minutes avec notre jeune amie, je te la rends tout de suite après.

Gilda s'inclina et après un geste rassurant sur mon épaule, sortit de la pièce.

La magicienne contourna son bureau pour s'asseoir sur un fauteuil au coin de la cheminée et me fit signe de prendre l'autre. Je m'y assis, mon ardoise sur mes genoux et son regard glissa sur mes pieds, chaussés d'une paire de confortables chaussons en peau avec une semelle de cuir.

— Je vois que tu as trouvé quelque chose de plus confortable, sourit-elle.

Je hochai la tête et lui sourit. Elle me détailla du regard et vit la même chose que moi il y a quelques jours. J'avais pris du poids et même un peu de formes. Vu l'état dans lequel j'étais à mon arrivée, ça ne pouvait pas me faire de mal.

« Je confirme. »

« Eh ! »

La voix rit avant de me recentrer sur mon interlocutrice.

— Comment vas-tu ? Tu te plais ici ? m'interrogea-t-elle.

Je fis rouler mon bâton de craie entre mes doigts avant d'écrire avec application :

« Mieu que deor. »

Je lui présentai l'ardoise, peu sûre de moi, mais elle me réconforta d'un hochement de tête.
— Je ne te demande pas d'écrire parfaitement en moins de deux mois. Ça me fait plaisir que tu te sentes bien avec nous. Tu me poses néanmoins un problème par rapport à ton entraînement magique.

Je l'interrogeai du regard.

— Il est d'usage que ce soit un mage plus fort qui prennent en charge l'apprentissage d'un nouveau potentiel. Des rares capables de te surpasser en terme de puissance brute, aucun n'a de temps à te consacrer. Sauf moi.

Je sursautai à ces derniers mots.

— Ce rôle ne devrait pas me revenir puisque il serait mal vu que je montre une préférence. Néanmoins personne ne pourra venir t'enseigner avant le printemps. Comme il y a toujours le risque d'une combustion, il est hors de question d'attendre jusque là.

« Combussion ? » traçai-je

Elle me corrigea du bout des doigts.

« Combustion ? »

— La combustion est un phénomène qui apparaît chez les potentiels qui ne maîtrisent pas leur don. Leur pouvoir les consume et ils finissent par brûler vif.

« Comme si j'allais laisser ça t'arriver, tsss. » 

« Sérieusement ? Ça pourrait m'arriver ? »

« Pas avec moi pour veiller sur toi. Quoique apprendre à contrôler ta magie sera une sécurité supplémentaire. »

Devant mes yeux écarquillés, la Dame blanche posa une main sur ma tête.

— Cela ne t'arrivera pas, pas si je suis là pour veiller sur toi.

« Écho, hm. »

Je soufflai et me détendit avant d'écrire à nouveau.

« Quand ? Comment ? »

— Tu es pressée de commencer, constata-t-elle avec un sourire.

Je haussai les épaules en ajoutant sur le bas de l'ardoise :

« Je ne veu pas brulē. »

— Et je n'ai pas envie que cela t'arrive. C'est pour cela que nous allons commencer tout de suite, souffla la magicienne.

Sa phrase terminée, elle chanta. Comme au premier jour de mon arrivée, la mélodie enchanta mes oreilles, embruma mon cerveau. J'avais l'impression d'être emballée dans un cocon chaud. Quelque chose au fond de ma poitrine réagissait aux notes, montant et descendant à l'unisson de la chanson. Quand je redevins consciente de mon environnement, j'étais assise sur les genoux de la magicienne, son menton posé sur ma tête. Entre nos mains dansait une petite lueur qui disparut aussitôt.

— Ta magie est incroyable, ronronna la magicienne. Tu vas apprendre très vite.

L'Âme du Cavalier RougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant