quand l'horreur devient poétique

VIII

rdv au cimetière de la jeunesse

on s'est donné rendez-vous,
pas dans un café ni un bar,
on s'est donné rendez-vous,
comme le font les anciens étudiants,
on s'est donné rendez-vous,
au cimetière de la jeunesse.

la paperasse s'accumule dans nos têtes
et l'envie de jouir de la vie s'éteint.
le quotidien nous paraît bien morbide,
cependant il ne paraît pas, il l'est.
et le téléphone sonne à maintes reprises,
c'est Responsabilité qui m'appelle.

les jours passent sans qu'on puisse
en voir la fin.
le début en est fondu et la fin aspirée,
comme un discours trop vite balancé.
le temps est capricieux et mélancolique,
il me rappelle ma jeunesse pleurante.

seul dans le noir, je me tourmente
cette vie est-elle désirée ?
après tout, ne pourrais-je pas plutôt
me donner rendez-vous au Bistrot.
oui, ce restaurant au coin de la rue,
qui sent les frites et le steak cramé.

la réponse est non,
Responsabilité me relance.
désirant toujours plus,
elle m'explique maintenant
qu'il faut que je me rende
au cimetière des Deux Rues.

ce n'était pas Responsabilité,
mais le temps camouflé,
derrière un combiné.
j'ai passé ma jeunesse au cimetière,
j'y passerai le reste de ma vie.
Responsabilité m'a dupé.