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Attention : violence parentale, attouchements, mutilation


Je sens quelques regards sur moi mais refuse d'y prêter attention. Je refuse d'y prêter attention malgré ces ronces qui grandissent toujours plus autour de mon cœur. Je refuse d'y prêter attention, mais je n'ai pas le choix.
Je n'ai pas le choix, je subis sans pouvoir rien n'y faire. Il est facile de penser que l'on vaut mieux qu'eux, mais quand le monde se retourne pour te pointer du doigt... Comment penser que tu n'es pas l'erreur ? Comment est-ce que je pourrais ignorer ces ricanements ? Comment pourrais-je faire abstraction de ces chuchotements lorsque l'on passe à côté de moi ?
Je sens la pointe de mes pieds atteindre le béton, puis mon talon s'y déposer. Chaque pas est une nouvelle torture. Chaque pas se fait la peur au ventre.
Chaque pas est une nouvelle porte que je me refuse d'ouvrir, une appréhension de ce qui se trouve derrière grandissante à l'intérieur de moi.
Alors je n'avance plus. Je reste là, au milieu de cette rue.
Mais les regards sont toujours tournés vers moi. Les ricanements parviennent toujours à mes oreilles.
Et si je n'étais pas la cause de cette attention ? Si la paranoïa m'avait envahi ?
Mais cette impression d'être toujours observé... Elle vient bien de quelque part, non ? Peut-être que je me mets moi-même en victime ? Peut-être que je suis assez faible pour que mon cerveau invente cette douleur ?
Et si je me mentais à moi-même ? Si je n'étais pas qui je prétends être ?
Seo Changbin... Arrêtes de te poser des questions... Avance. Tu dois avancer. Tu dois aller chercher cette foutue baguette de pain.

- Bonjour, mademoiselle !

Je souris, contre mon gré, à la vendeuse. Je suis mal à l'aise. Elle me dévisage. Je lui demande une baguette et elle me la tend, hésitante.
Est-ce qu'elle croit que je mords ? Que je vais l'infecter ?
Je ne rétorque pas et la paye, sortant rapidement de la boutique. Je me dépêche de rentrer chez moi, mettant mon immense capuche pour cacher mes cheveux.
Une fois la porte de chez moi fermée, je soupire longuement, pensant mon calvaire terminé. Je n'attends qu'une chose : monter dans ma chambre, mettre un casque sur mes oreilles et ne plus jamais sortir.

- Haneul !
Mais ce n'est pas pour tout de suite.
- Viens m'apporter le pain et m'aider pour le dîner !

Mon corps se met à trembler mais je me calme, caressant de mon pouce l'écart entre mon pouce et mon index. Je me dirige lentement vers la cuisine et ma mère me sourit en me voyant. Je lui tends le pain et elle soupire.

- Pourquoi est-ce que tu continues de cacher tes beaux cheveux noirs ?

- Parce que je ne les aime pas, maman. Ils me gênent, je préférerais les couper.

Elle fronce les sourcils.
- Mais ma chérie. Je t'autorise à mettre les vieux vêtements de ton frère mais je ne vais pas t'autoriser à faire la même coupe ! Tu dois être féminine ! Comment est-ce que tu comptes plaire à un homme, sinon ?

J'attache mes longs cheveux en une queue de cheval haute puis vais me laver les mains. J'aime sentir l'eau couler sur ma peau, c'est rafraîchissant et ça me permet de penser à autre chose.

- Pourquoi est-ce que je dois forcément plaire à un homme ?

Son regard est sévère et je sais que je dois arrêter de poser des questions. Alors je me tais et commence à préparer le repas.
Je coupe les légumes finement avant de les faire revenir dans une poêle. La chaleur de la plaque caresse mon bras et des larmes me montent aux yeux, mais je les ravale. Je ne dois pas y penser, pas maintenant.

- Je te préfère silencieuse. Quand tu seras mariée, ne parle pas trop. Sauf si tu dois demander à ton mari comment s'est passé sa journée !

- Et si je veux lui raconter la mienne ?

Elle hausse les épaules.
- Ton père ne veut jamais connaître la mienne parce qu'il la trouve inintéressante.

Je baisse le regard, voyant que son dernier morceau de viande n'est pas coupé droit. Elle tremble. Elle se sent mal. Elle se sent prisonnière, mais ne peut pas se libérer.
Je la comprends tellement.
Je suis prisonnier de mon propre corps et je ne peux rien y faire.

Lorsque le repas est dans le four, je monte m'enfermer dans ma chambre. Je m'allonge sur mon lit, rabaissant ma capuche, et enfonce mes écouteurs dans mes oreilles. Ma musique vibre dans ma boîte crânienne et j'ai l'impression d'être enfin moi.
D'être enfin Seo Changbin.
Des larmes perlent au coin de mes yeux et je sens mes lèvres trembler. J'ai peur, tellement peur. Je n'ai envie que d'une chose : m'enfuir. Très loin.
Mais je ne peux pas.
Parce que le très loin où je veux aller risque de détruire ma mère. Et je l'aime plus que tout.
Oui, elle est dure. Elle ne comprend pas ce que j'essaie de lui expliquer depuis plusieurs mois. Mais comment comprendre ? Comment est-ce qu'elle pourrait comprendre quelque chose d'aussi complexe voire improbable ? Bien sûr qu'elle est dure et qu'elle m'en veut d'être différent. Mais moi-même, je me déteste pour ça. Alors je comprends son sentiment.
L'aversion des gens pour la personne que je suis est une chose à laquelle je me suis habitué. C'est une chose que je comprends, même si elle me terrorise et me tue à petit feu.
Je regarde l'heure. Je dois aller mettre la table.

Je descends les escaliers à pas de loup, ne souhaitant être remarqué. Mais mon père est dans la salle à manger.

- Haneul ! Viens me voir !
Je baisse la tête et obéis.
- Le lycée m'a appelé. Tu continues de refuser de mettre ta jupe ?

- Je ne me sens pas à l'aise, dedans.

Il ricane.
- Comment ça « pas à l'aise » ? C'est très bien, une jupe ! Très confortable ! Pourquoi tu refuses de la mettre ?

Mes jambes tremblent et j'ai l'impression de pouvoir m'écrouler d'une seconde à l'autre.
- Je n'aime pas qu'on puisse voir mes jambes.

Je sens à l'odeur qu'il dégage qu'il a bu. Pas beaucoup, il n'est pas ivre, mais juste assez pour être facilement énervé.
Il me regarde de haut en bas.

- C'est quoi ce look de garçon manqué, Haneul ? On t'a déjà dit d'arrêter avec tes conneries !
Il m'attrape par le col et m'oblige à le regarder. Je me mords la lèvre inférieure pour ne pas fondre en larmes face à lui.
- Tu es une putain de fille, Haneul ! Une fille qui va se faire fourrer par un gars avec du fric et tu vas dégager de cette maison pour qu'on soit tranquilles !
Je ne peux pas retenir mes larmes plus longtemps. Il attrape ma poitrine avec ses grandes mains.
- Ça, tu vois, ça prouve ce que je te dis. Tu es une fille, avec des seins et avec une putain de jupe ! La prochaine fois que tu ne mets pas de jupe au lycée, tu n'es plus ma fille.

Je hoche vivement la tête et il me lâche. Mais je monte dans ma chambre en pleurant. Encore un dîner que je ne goûterai pas.
Je me déshabille et me dépêche de rentrer dans la douche, des larmes dévalant toujours mes joues sans parvenir à s'arrêter. L'eau coule sur mon corps et je me sens sale. Ou sali. Je ne sais pas bien. Mais je frotte encore et encore ma peau avec une éponge, jusqu'à en avoir mal. Jusqu'à avoir des marques. Jusqu'à ce que toute l'immondice des êtres humains ne soit retirée de mon derme. Mais malgré tout, je n'y arrive pas. J'ai beau passer un temps que je ne compte plus sous cette eau glacée, j'ai toujours la sensation de ses mains sur mes seins qui me donne envie de vomir.
Je me sens si mal. Je me sens si seul.

Je sors de la douche, m'habillant d'un jogging et d'un sweat bien trop grand pour moi. Je tremble toujours mais ma crise de panique semble s'être calmée. Je m'assieds sur mon lit et me penche, cherchant une petite boîte sous celui-ci que je tire et ouvre. Je prends la cigarette entre mes doigts et l'allume avec le briquet orange qui se trouvait au même endroit.
Je prends une bouffée de cette drogue meurtrière et m'avance à ma fenêtre. Il fait déjà sombre, mais il n'y a pas d'étoiles.
Est-ce qu'un jour je brillerai dans le ciel ? Est-ce qu'un jour je serai une étoile ?
Mais... Si je tombais comme une étoile filante, que se passerait-il ?
Je regarde ma cigarette allumée et sans hésiter plus que ça, je la pose sur mon bras, duquel j'ai, au préalable, remonté la manche. Je la retire rapidement, la chaleur éliminant couche par couche ma peau. Puis je reprends une bouffée de tabac et je recommence, souriant chaque fois que ma peau me brûle. Pleurant chaque fois que la douleur s'empare de mon corps.
J'éteins ma cigarette et me dirige vers mon lit, dans lequel je m'allonge en songeant au lendemain.



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Bonjour mes soleils, comment allez-vous ? Ravi de vous retrouver sur cette histoire !

Je rappelle qu'il est préférable de lire le résumé de toutes mes histoires. J'y inscris les jours de publication, le nombre de chapitres ainsi que la limite d'âge (interdit/déconseillé).

Cette histoire est très importante pour moi, et je suis ravi que vous ayez cliqué dessus.

Not A Girl •|• minbinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant