Not A Girl •|• minbin

°6°

Assis sur ce banc, ce même banc sur lequel j'ai passé mon déjeuner la veille, je sors une cigarette et l'allume, l'amenant à mes lèvres. Je crache la fumée doucement et regarde mon bras, je n'ai aucune envie de me brûler, aujourd'hui.

Après notre étreinte, hier, on a dû retourner en cours. On ne s'est pas vu depuis. À dire vrai, je n'ai pas pris le bus pour éviter de le croiser et je suis sorti ce midi pour l'exacte même raison. J'ai peur, je ne sais toujours pas comment agir avec lui. Je n'arrive pas à savoir si on est ensemble ou pas, je ne sais pas ce qu'il attend de moi et je suis effrayé. Je ne comprends pas comment il peut vouloir de moi malgré tout.

J'ai décidé de désobéir à mon père, et de mettre un pantalon. Je sais que je risque gros, mais la sensation de tous ces regards me met mal à l'aise, me donne la gerbe. Pour au moins un jour, cette semaine, j'ai laissé tombé la jupe plissé pour un pantalon en tissu gris qui ressemble à s'y méprendre à l'uniforme du lycée. En sortant, j'ai enfilé mon bonnet rouge, y cachant mes cheveux et laissant seulement deux mèches encadrer nonchalamment mon visage. La cigarette entre les lèvres, je sors mon portable et remarque un message de Jisung qui me demande où je suis. Je lui réponds rapidement que je suis sorti prendre l'air et range de nouveau mon téléphone dans ma poche, ne me rendant pas compte que quelqu'un s'approche de moi. Je sursaute donc lorsqu'une main se pose sur mon épaule, me relevant pour faire face à l'intrus.

Mon cœur bat à vive allure, mais j'ai l'impression qu'il s'arrête à l'instant même où je croise les yeux rieurs de Minho.

Il fait le tour du banc, je suis figé. Il ne dit rien mais dépose un bref baiser sur ma joue. Sa main est maintenant sur mon bras et son sourire est large. Il a les yeux pétillants et tout ce que j'arrive à faire est glousser comme un idiot.

On ne se dit pas bonjour, on se regarde juste un moment, comme ça. C'est étrange. Lorsque je suis avec Minho, et ce depuis la première fois où nos regards se sont croisés, le temps n'existe plus. J'ai le sentiment que rien ne peut m'atteindre et qu'il n'y a que nous deux.

Et je suis terrifié par cette sensation, mais plus je me noie dans son regard attendrissant, plus je deviens dépendant de sa présence.

Doucement, lentement, de mon bras à ma main, sa main descend et nos doigts s'entremêlent.

- Alors, Changbin ? Tu m'évites ?

Je reprends mes esprits et de ma main libre, retire la cigarette d'entre mes lèvres pour souffler la fumée qui m'est jusqu'alors restée en travers de la gorge dans la direction opposée, ne souhaitant lui imposer cette odeur nauséabonde.

Je lâche ensuite sa main, lui faisant un léger sourire, pour aller éteindre ma cigarette et la jeter.

Lorsque je reviens vers lui, il est assis sur le banc et m'attend. Je m'installe à côté de lui et pose ma tête sur son épaule. Il est visiblement surpris mais il se détend rapidement.

- Je l'avoue. Je t'évite... Désolé...

Il triture mes doigts, caressant le dos de ma main. Ses mains sont douces, un peu rugueuses par endroits et ses articulations sont abîmées mais à mon sens, elles sont agréables au toucher.

- Ne t'excuse pas ! Tu dois avoir une raison... J'aurais juste bien aimé pouvoir voir ton si beau visage plus tôt.

Je lève la tête, curieux.

- Tu ne veux pas savoir pourquoi je t'évite ?

Il glousse, déposant sa main sur ma joue et je ferme les yeux, appréciant le contact.

- Si, bien évidemment que si. Mais je me dis que si tu veux m'en parler alors tu le feras.

J'ouvre les yeux, nos regards se croisent. Il a ce sourire rassurant que je lui connais désormais bien, formant de fines rides aux coins de ses yeux.

- C'est juste que... J'ai peur. Je ne sais pas ce qu'on est, nous deux...

Je baisse les yeux mais remarque que son sourire ne disparaît pas. Il a cessé de jouer avec ma main, cependant, et la tient désormais fermement dans la sienne.

- Peut-être qu'on pourrait... sortir ensemble ?

J'ouvre la bouche, souhaitant prendre la parole, mais il me coupe.

- Je suis gay. Donc je peux tomber amoureux d'un homme. Or, tu es un homme, n'est-ce pas ?

Sa question est rhétorique mais je confirme malgré tout d'un léger mouvement de tête.

- Je me fiche bien de ce que les autres voient en toi. Tu es un homme, et ce autant à tes yeux qu'aux miens.

Je fais mine de réfléchir, ma prochaine question m'ayant pourtant trottée dans la tête toute la journée.

- Mais dans ce cas, la barrière des orientations sexuelles devient un peu flou ? Je veux dire... Si une personne est attirée par un genre masculin et non un sexe masculin, alors ça laisse une infinité de possibilités.

Il glousse.

- Et peut-être que c'est mieux comme ça. Puis je ne pense pas réellement à tout ça, je ne souhaite pas me fixer dans une case précise, en tous cas je ne le souhaite plus. Je souhaite juste pouvoir prendre dans mes bras la personne qui me plaît et ce, quelque soit son genre, son sexe, ou comment la société voit cette dite personne.

Il glisse un doigt sous mon menton, chuchotant ensuite :

- Dite personne qui n'est autre que toi, Binnie.

Je ferme les yeux alors que ma lèvre inférieure est entourée de ses deux magnifiques lèvres charnues. Un baiser doux mais non moins long s'ensuit alors et je perds tous mes repères, me délectant de cette exquise sensation.

Nous nous séparons, à bout de souffle, et je rougis légèrement, évitant son regard.

Mais une voix nous sort de notre rêverie.

- Haneul ? Minho... ? Mais...

On se tourne immédiatement vers Jisung qui est figé devant nous, perplexe.

- Je croyais que t'étais gay, Min ? Et... Ha, pourquoi est-ce que... Je...

Je me redresse et prends une grande inspiration, sentant mes membres commencer à trembler. La main de Minho vient cependant trouver la mienne et j'arrive à retrouver un semblant d'ordre dans mon esprit. Je lève la tête, décidé, et mes yeux rencontrent ceux de Jisung.

- Ji... J'ai quelque chose à te dire...