Chapitre 36 : Sacrifice douloureux

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-Sa vie, dit-il en montrant Tristan. Ou sa vie, finit-il en montrant mon ventre.

Vous avez déjà eu l'impression que le sol se dérobe sous vos pieds ? Vous avancez, prudemment, le sentant se fissurer à chacun de vos pas, vous appréhendez le moment où il cédera tout en espérant arrivez sur la partie stable avant que ça n'arrive. Puis, finalement, il cède et la résignation, le désespoir de voir que vous avez échoué est si lourd qu'il rend la chute plus terrible, plus lente, plus douloureuse.

La situation n'aurait pas pu être pire si on avait mis les deux personnes que j'aime le plus au monde en face de moi en me demandant de choisir lequel allait vivre ou mourir. Le tout en me plaçant en tant que meurtrière de l'un d'eux. Le pire étant que je n'ai pas le choix maintenant que j'ai posé la question.

Si je ne réponds pas, si je ne choisis pas, je payerai toute ma vie mon inaction.

Et pourtant... je les aime, tous les deux. Cet être que je n'ai pas voulu, que j'ai repoussé au plus profond de moi, refusant sa présence. Il m'habite, enfermant une partie de l'homme que j'aime. L'ensemble, le mélange que peut donner Tristan et moi.

Tristan. Celui qui fait que je me tiens debout aujourd'hui. Ma vie, mon âme. Allongé sur un sol rempli de sang dont le sien. Il se meurt et, quelque part, je sais que le choix est fait. Il a été fait le jour où mes yeux ont rencontré les siens. Parce que je suis liée à lui et que je partirai à la seconde où son souffle s'arrêtera.

Est-ce que je peux m'accorder cet acte si égoïste ? Sacrifier la vie d'un être innocent pour mon propre bonheur ? Tristan pourrait-il me pardonner de faire une telle chose ?

Mais, encore une fois, je me fiche qu'il m'en veuille ou non, tant qu'il vit.

J'ouvre les yeux que j'ai fermés sans le remarquer et les plonge dans ceux de Merlin. Je ne l'ai jamais autant haï qu'à cet instant. Tout est de sa faute, tout ce gâchis. Il est le responsable et je regrette presque que ce ne soit pas son sang sur mes mains.

Ma gorge est si sèche, si serré et ma haine m'étouffe avec tellement de force que je crains que les mots ne sortent pas. Pourtant, il claque dans le silence avec une dureté, une détermination en contradiction totale avec ce que je ressens.

-Ce sera toujours lui. Ça a toujours été lui.

-Alors sauve-le, soupire Merlin.

-Comment ?

Mon ancêtre me prend la main et je résiste à l'instinct qui me dicte de reculer. Il la place au-dessus du cœur de Tristan. Ce cœur qui ralentit encore.

-Remets-en-toi aux dieux, me dicte-t-il.

Alors je ferme les yeux, cherchant leurs voix dans ma tête. Ces voix que j'ai refoulées au fond de moi sans qu'elles ne cessent jamais. Je les trouve et mets toute ma détermination dans mon choix.

Elle a choisi. Elle l'a choisi.

Pourquoi le lui infliger ?

C'est ainsi. Une vie pour une vie. L'équilibre doit être respecté.

Elle aura mal.

Elle l'a choisi.

Le noir envahit mon esprit. Je voudrais ouvrir les yeux mais je me rends compte qu'ils sont déjà ouverts. Pourtant, je ne vois rien. Comme dans mon rêve. Enfin, une lumière aveuglante apparaît puis une deuxième. Je plisse les yeux mais n'arrive pas distinguer plus que ces lumières.

-Tu es sûre de toi ?

J'ouvre la bouche, incrédule. La voix est étrange. Ni masculine, ni féminine. Par contre, elle sonne comme la mort, elle fait froid dans le dos.

Te repousser pour mieux t'aimerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant