Chapitre 6

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Les jours et les nuits qui suivirent ces quelques minutes passées dans la salle Paresse furent une véritable torture psychologique. Chaque détail du corps de Maé et chacun des mouvements qu'il avait faits me revenaient et restaient bien ancrés dans mon esprit pervers. Ils me permettaient de jouir à maintes reprises. J'avais arrêté de compter après mon septième orgasme, la honte étant trop forte pour que je puisse continuer de comptabiliser les suivants.

Enfin aussi forte soit-elle, elle n'a pas réussi à m'empêcher de remettre les pieds dans ce club de strip-tease. J'ai tenu dix jours. Même si c'est ridicule, je suis heureux de ne pas avoir craqué et accouru ici le weekend suivant... ou pire le lendemain. Ce n'est pas l'envie qui me manquait, mais dans ce cas, je n'aurais pas pu regarder dans le miroir chaque matin du reste de ma vie. N'ayant que trente-huit ans, elle risquait d'être encore un peu longue pour supporter ça.

Quoique... J'arriverais peut-être à vivre avec elle. La preuve, aujourd'hui, je me trouve encore une fois assis sur un tabouret au comptoir attendant patiemment comme on attend son tour à la boucherie. Drôle de comparaison... Le barman, le même que la dernière fois, semble m'avoir reconnu. Après que j'ai demandé à voir Maé, il a posé mon habituel Gin Tonic devant moi. Troisième fois que je viens ici et je suis déjà catalogué comme un habitué.

— Vous faites quoi dans la vie ? m'interroge le barman.

Je lève les yeux de mon verre à moitié vide et observe l'homme qui est de l'autre côté du comptoir. La peau mate, un bandeau aussi noir que ses cheveux les retient en arrière, le regard vif et intelligent, il attend ma réponse. Il essuie un verre à l'aide d'un torchon propre. Le cliché du barman dans toute sa splendeur. Cela me fait sourire avant de lui dire :

— Avocat.

— Quel genre ?

— Celui que vous pouvez appeler si vous avez tué votre ex...

Ma réponse semble le surprendre. Satisfait de moi, un sourire en coin prend place sur mes lèvres. J'ignore si c'est une bonne ou une mauvaise chose, mais je suis l'un des meilleurs dans mon domaine. Après plusieurs années dans un cabinet tenu par des enfoirés, j'ai ouvert le mien avec mon meilleur ami, Imane. Nous avions à peine accroché notre pancarte à l'entrée de notre nouvel immeuble qu'une liste de clients aussi longue que le bras nous suppliait d'accepter leur affaire.

— Si vous avez une carte, je ne dirai pas non... Mon ex est du genre possessif et collant, souffle-t-il en se penchant vers moi comme s'il me disait un secret.

Je ris légèrement face à la plaisanterie avant de boire une longue gorgée. Une nouvelle chanson retentit, me faisant tourner la tête vers la scène où un homme a fait son apparition. La tête appuyée sur mon poing, je l'observe danser. Impassible. Je soupire alors que ma main libre joue avec mon verre.

— Mignon, hein ?

Je jette un coup d'œil au barman qui me fait un signe vers le danseur, un sourire coquin aux lèvres. Mignon, oui. Excitant, non. Je me contente d'un haussement d'épaules tout en retenant un bâillement. Il faut dire que dernièrement, j'ai peu dormi. Entre mes pensées lubriques pour Maé et le dernier procès que j'ai dû préparer avec mes employés, j'ai eu peu de temps pour dormir.

— Il n'est pas à votre goût ?

Mon goût... lequel est-il réellement ? Il y a encore quelques semaines, j'aurais parlé de femmes sûres d'elles et sexy à souhait. Mais aujourd'hui, il y a Maé et son charisme qui attire l'attention. Maé et sa sensualité qui donne envie de lui dans la seconde. Alors oui ce danseur, aussi beau soit-il, n'a pas cette aura qui caractérise Maé. En tout cas, pour l'hétéro que je suis.

— Les hommes ne m'intéressent pas, avoué-je.

Le barman lève un sourcil, surpris par ma déclaration. Ses gestes se figent tandis qu'il me fixe.

— Seul Maé attise mon intérêt, je poursuis, sûr de moi.

— Je comprends, il a souvent cet effet-là !

À cette remarque, j'ai un pincement au cœur. Mon cerveau a conscience du métier de Maé et du fait que je ne sois pas le seul à le regarder se déhancher sensuellement, mais cela n'empêche pas cette pointe de jalousie de se manifester. Je baisse les yeux.

— Ah ! s'exclame le barman.

Il a le regard fixé sur un point derrière moi. Je me tourne et aperçois Maé accoté à un mur. Ses cheveux ont un peu poussé, quelques mèches passent à présent devant ses yeux. Il me fait un signe de la main pour m'indiquer de le rejoindre. Ma jalousie n'est plus qu'un lointain souvenir. Je me mordille la lèvre un instant, par anticipation.

— Ça doit être à vous, m'annonce-t-il.

Je refais face au barman et termine mon verre. Ma main se faufile entre mon torse et ma veste de costume jusqu'à la poche intérieure. J'en sors une petite carte et la fais glisser sur le bois du comptoir. Je souris une dernière fois au barman en lui lançant sur le ton de l'humour :

— Juste au cas où votre ex finisse par être trop collant.

J'appuie mes paroles d'un clin d'œil qui me donne droit à un éclat de rire de la part de mon interlocuteur. Ma main ramène mes cheveux en arrière et quand je fais à nouveau face à Maé, le stress s'empare de moi. J'ignore ce que je fais là et encore moins pourquoi je n'ai pas pu résister à l'envie de venir ici.

Maé s'est décollé du mur et m'attend les bras croisés devant lui. Plus j'avance, plus je me rapproche de lui et plus je me fais de la peine. Je me donne l'impression de courir après le vent. Maé ne fait que son métier et moi, j'y mets trop d'importance.

Je ne suis qu'un client.

Voilà ce que je me répète quand j'arrive à la hauteur de Maé. Nous échangeons un long regard qui pourrait presque me donner des frissons de par son intensité. J'ai envie de le toucher, le caresser. Peut-être même l'embrasser, mais je sais que tout ça n'est pas autorisé alors je ne fais aucun geste vers lui. Je patiente encore qu'il me fasse entrer dans son monde, juste le temps d'une danse.

Quand il attrape ma main et me tire derrière lui alors qu'il se dirige vers la troisième à gauche, je ne peux empêcher la joie envahir tout mon abdomen. J'aime bien la chaleur de sa main, sa douceur aussi. Sa nuque fragile qui contraste avec ses épaules larges. Mais surtout ses muscles dorsaux et encore plus son petit cul rebondi. Personne ne peut lui résister, j'en suis persuadé.

À peine avons-nous pénétré dans cette nouvelle salle que Maé me plaque, je ne sais comment, au mur à côté de la porte qu'il fait claquer d'un coup habile du pied. Son corps se love au mien. Je me tends, surpris par ce comportement. Ses yeux détaillent mon visage, je tente alors de garder contenance comme j'en ai l'habitude au tribunal.

— Tu sais dans quelle salle nous sommes ? me demande-t-il, sa bouche frôlant mon oreille.

Je déglutis...

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