Chapitre 10

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Adossé à la porte qu'il vient de claquer, Maé est là.

Sans attendre, mon regard glisse sur ses jambes moulées dans un jean puis détaille avec délice son torse enveloppé d'une chemise fluide à moitié boutonnée. Je me mordille la lèvre sans la moindre gêne. Mes yeux se posent enfin sur son visage. Alors que je ne connais pas l'homme qu'il est, je réalise que ses traits, eux, me sont familiers. Je serais sûrement capable de les redessiner, il faut dire qu'ils hantent toutes mes nuits.

D'où je me trouve, je n'ai aucun mal à retrouver chaque nuance de ses iris, distinguer chaque grain de beauté qui parsèment sa peau. Quelques minuscules étoiles ont été collées sur ses joues pour imiter des taches de rousseur. Si sur une autre personne, j'aurais trouvé ça ridicule et stupide, sur Maé, cela me paraît la chose la plus magnifique qui soit.

Tout de blanc vêtu, il me donne l'impression d'être un ange. Enfin vu la lubricité avec laquelle il m'observe, il serait plus un ange déchu tout de même. Mais le plus beau de tous. Sans même réfléchir, je fais un pas vers lui. Un deuxième. Sa main se pose sur mon torse pour m'empêcher de pénétrer complètement dans son espace personnel. Je n'insiste pas, alors que je ne rêve que de l'enlacer.

Nous restons figés un long moment dans cette position. À nous dévorer mutuellement du regard dans un silence qui, étonnamment, n'est pas désagréable. Mon esprit brûle d'impatience de le toucher. Mon corps se consume d'être ainsi frustré. C'est quasiment de la torture. Un soupir m'échappe, explosant notre bulle en même temps.

Alors qu'il se redresse, quittant la porte, ses doigts frôlent mon abdomen jusqu'à la boucle de ma ceinture. Mes paupières se ferment pour savourer son toucher. C'est doux et sensuel comme chaque mouvement que Maé fait. J'aime les frissons qu'il fait naître rien qu'avec cet effleurement et je n'ose pas imaginer la félicité que cela serait s'il allait encore plus bas.

Soudainement, son contact s'évanouit et quand je rouvre les yeux, il n'est plus là. Je fais volte-face et suis du regard sa silhouette traverser la pièce jusqu'à la barre. Il l'attrape et en fait le tour. Il se positionne devant, jambes écartées, le bras tenant son instrument au-dessus de lui. Voyant qu'il attend, je vais m'installer dans le siège mis à disposition à bonne distance de lui.

Car le ballet va s'animer.

Nous avons enfin repris nos places. Celles de danseur professionnel et de simple client. La musique retentit alors annonçant le top départ des premiers déhanchés de Maé. Il est doué. Que ce soit dans une cage, sur une chaise ou avec une barre, Maé est doué et sexy. Quand il quitte le sol pour faire de la voltige, je comprends que ses abdos ne sont pas là que pour la beauté.

Mon corps réagit à ce spectacle, mais pour la première fois depuis que je viens ici, je n'arrive pas à le maîtriser. Je n'arrive même plus à savoir pourquoi il faudrait que je garde le contrôle face à cet homme qui est la tentation incarnée. Je crois défaillir quand je vois la main qui m'a touché un peu plus tôt se poser sur son sexe à travers son jean.

Je prends une profonde inspiration. Je déteste ça. À cet instant, j'en viens à détester ces rôles que nous jouons pourtant à la perfection. Ils m'empêchent d'être plus que ça avec lui et surtout de découvrir Maé dans son authenticité et son entièreté.

J'ignore où ces danses nous emmènent. J'ignore ce que j'espère réellement de toutes ces visites que je fais ici depuis quelques semaines. J'ignore qui je rêve d'être avec Maé. Et ça me fait peur. Tellement peur que les mots sortent tout seuls :

— Il y aura quoi après ces danses ?

Maé arrête de bouger alors que sa chemise glisse le long de ses bras et tombe enfin au sol. La musique se poursuit sans danseur. Sans véritable spectacle. Pendant ces quelques secondes, nous redevenons des hommes ordinaires, juste surpris par la vie. Il s'humidifie les lèvres et m'interroge :

— Pardon ?

Mon regard se baisse. Je n'avais déjà pas beaucoup de courage avant, mais maintenant, je suis comme un gamin qui doit avouer une bêtise. Mes yeux s'attachent un peu trop longtemps à la bosse qui s'est formée dans mon pantalon de costume, me permettant d'éloigner momentanément la réalité. Cependant quand je sens que Maé se rapproche de moi, je m'en détourne. Je préfère de loin la vision de ces formes.

Il n'est plus très loin de moi quand il décide de s'arrêter et de s'accroupir. Il semble si petit et fragile ainsi, les bras autour de ses genoux. Je déglutis et me retiens à nouveau pour ne pas me précipiter sur lui et l'enlacer. La tête penchée sur le côté, il attend que je me répète et après un grand coup aux fesses virtuel, je me lance :

— Il y aura quoi après ces danses ?

Il fronce les sourcils. Bien entendu, il ne comprend pas où je veux en venir. Pour lui, ce n'est qu'un travail, qu'un quart d'heure comme un autre.

— Il y en aura d'autres, souffle-t-il.

Je secoue la tête de droite à gauche. Oui, il y aura toujours des danses pour lui, jusqu'au moment où il ne voudra ou ne pourra plus travailler ici. Mais moi, lui... Il y aura quoi pour nous ? Juste un souvenir... Juste une sensation d'être un pervers dégueulasse... Juste un fantasme à moitié avoué... Juste un péché de plus ?

— Et si je veux plus ?

Je ne sais pas quel courage m'a fait pousser des ailes pour oser demander ça. Mon cœur qui battait déjà un peu trop vite explose dans ma cage thoracique quand Maé se relève. Ses bras encadrent ma tête quand ils prennent appui sur le dossier du canapé. Il se penche vers moi et susurre à mon oreille :

— Alors il y aura plus...

À peine sa déclaration caresse mon lobe que Maé a déjà retrouvé la barre au centre de la pièce. Sa chaleur ne m'enveloppe plus, mais il a laissé un espoir sans limites qui irradie dans tout mon être.

Il y aura plus.

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