Chapitre 3

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D'un mouvement lent, l'individu se tourne vers moi. Son torse nu s'offre aussitôt à ma vue, me faisant rougir malgré moi. J'aurais presque envie de toucher chaque abdo qui se dessine sur son ventre. J'ignore pour quelle raison j'ai cette pulsion, peut-être suis-je plus alcoolisé que je ne le pense parce que ça ne m'est jamais arrivé jusqu'à aujourd'hui. Toucher, caresser un homme. C'est loin de tout ce qui me caractérise.

Un ricanement me ramène à la réalité. Mon regard remonte jusqu'au visage de l'inconnu. Il est beau. Et jeune. Plus que moi, c'est une certitude. Son regard noisette avec une pointe de moquerie ainsi que son sourire en coin me font comprendre que je l'amuse. Ou tout du moins la situation. Puérilement, je croise les bras devant moi, attendant une réponse à ma question. En me voyant faire, il se redresse, me montrant qu'il est plus grand que je ne le croyais et souffle :

— Ça ne serait pas plutôt à moi de te poser cette question ?

Il attrape un habit qui traînait par terre et l'enfile, me cachant ainsi ses épaules larges et musclées. La tête légèrement baissée tout en boutonnant sa chemise, il me jette un coup d'œil et j'y lis quelque chose que je n'avais jamais vu dans le regard d'un homme. La luxure. Le désir. Et au lieu de m'effrayer comme j'aurais pu l'imaginer ou de me faire fuir à toutes jambes comme Jean le ferait, je soutiens son regard.

— Tu es intéressé ? Ou juste perdu ? m'interroge-t-il avant de se mordiller la lèvre.

Je le détaille, assemble les morceaux du puzzle et mon cerveau trouve enfin le résultat de l'analyse... Ce mec est un strip-teaseur et il me propose un petit show personnel. Mes jambes reculent de deux ou trois pas alors que mes bras retombent le long de mon corps.

— Je... Euh...

L'inconnu monte sur le canapé, un genou sur l'assise et les mains sur le dossier.

— Je ne mords pas... À moins que tu me le demandes...

— Tu... Quoi ? Non ! Je... Quoi ? répété-je, pris de court par ses paroles.

Son sourire s'agrandit. Même si le fait qu'il se moque de moi sans honte ne me plaît pas, je ne trouve pas le courage de le remettre à sa place. Finalement, c'est mon inaction qui m'énerve le plus à cet instant. Sans vouloir me vanter, je suis un grand avocat. Depuis ma première plaidoirie, je suis connu pour mon aisance à parler, mais si mes adversaires m'entendaient à cet instant, ils auraient beaucoup moins peur de se retrouver face à moi au tribunal.

Il enjambe avec facilité le canapé et s'approche de moi. Sa démarche est féline. Sensuelle. Il n'y a aucun doute à avoir sur le fait qu'il ait l'habitude de faire ça. Mes yeux suivent chacun de ses mouvements comme s'ils étaient incapables de se détacher de lui. Mon souffle se bloque lorsqu'il lève son bras à hauteur de mon visage. Ses doigts frôlent ma joue déjà en feu.

— T'es mignon...

Son corps n'est plus qu'à quelques centimètres de moi et je me perds. Mon équilibre est précaire et je ne sais plus si cela est dû à l'alcool que j'ai ingéré, à ma fatigue ou alors à la proximité de cet homme. Non, impossible que ce soit lui. J'ai déjà approché, collé des hommes, j'en ai même dû embrasser certains lors de soirées étudiantes un peu débridées. Alors il ne peut pas me faire autant d'effets...

Sa main poursuit son chemin sur ma mâchoire puis glisse le long de ma gorge. Malgré moi, je relève la tête pour lui faciliter le passage. Enfin, ses doigts caressent ma peau par-dessus ma chemise, accélérant aussitôt ma respiration.

— Tellement mignon, chuchote-t-il, au creux de mon oreille.

Je ferme les yeux pour savourer son torse qui touche à présent le mien ainsi que son emprise sur ma hanche. Il ajoute tout bas :

— La prochaine fois, demande Maé au bar...

Sa langue lape mon lobe, me faisant frissonner entièrement.

— Et je danserai rien que pour toi...

Il sait y faire. Tellement que lorsqu'il s'éloigne de moi, je grogne légèrement. Bien entendu, il m'a entendu ce qui le fait ricaner à nouveau juste avant qu'il ne me contourne pour sortir de la pièce. Mon regard passe d'un objet à un autre, comme cherchant quelque chose. Peut-être une explication à ce que je viens de vivre.

Seule une grimace apparaît sur mes traits quand mes yeux se posent sur le canapé à quelques mètres de moi. Il a dû en voir des choses peu catholiques. Ça me file quelques sueurs froides. Venir ici pour qu'un homme danse presque nu devant soi, sans pouvoir le toucher... Autant rester dans la grande salle, non ? Il n'y a rien de plus ici, en dehors du fait que ce soit en tête-à-tête...

L'endroit me semble tellement glauque tout à coup, plus aussi charmant et agréable que lorsque je suis arrivé dans ce club. Cette pièce est juste la preuve ultime de l'égoïsme de l'homme, de son obscénité, de sa perversité...

Je déglutis, mal à l'aise par toutes ces pensées qui me traversent l'esprit et tout en secouant la tête, sors à mon tour. De toute manière, je ne sais même plus ce que je venais faire ici. Ce Maé m'a perturbé, affolé... Je retourne dans la salle principale de l'établissement où tout le groupe applaudit des danseurs en petites tenues. Tous sauf Jean qui se cache derrière une main. Je souris et le rejoins. Quand je pose une main sur son épaule, il sursaute, effrayé, en hurlant :

— Où étais-tu ? Où ?

Mon petit frère est unique en son genre. Je ris tandis qu'il me met une claque derrière la tête. Mes mains, paumes tournées vers le sol, lui font signe de se calmer. Je me réinstalle à ma place et soupire, pas le moins passionné par ce qui se passe autour de moi, encore trop absorbé par ma rencontre...

Tu es intéressé ? Ou juste perdu ?

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