Chapitre 11

800 98 57
                                    

Il y aura plus.

Les mots de Maé n'avaient cessé de tambouriner en moi depuis l'instant où il les avait prononcés. Je n'ai pas réussi à me concentrer de la journée, pourtant ce n'est pas faute d'avoir essayé et de m'être fait taper sur les doigts par Imane. Mais j'ai cet espoir que Maé a fait naître en moi et qui prend toute mon attention. C'est pour cette raison que je suis revenu au club, ce soir. À peine vingt-quatre heures depuis ma dernière visite.

Mais aujourd'hui, tout est différent. Je suis différent. Une fois que Josselin m'a rassuré sur la présence de Maé, je refuse le verre qu'il me propose et reste même debout. Je trépigne d'impatience. J'ignore ce que je vais faire quand je le verrai, mais j'ai besoin de le voir. De savoir ce que ces mots veulent dire dans sa bouche. Parce que dans la mienne, ils me promettent bien trop de choses pour que je puisse rester serein.

Il y aura plus.

Ils me donneraient presque des bouffés de chaleur. Je n'ai jamais été ainsi, avec personne. Je sais que ce que je ressens à cet instant ne ressemble en rien à tout ce qu'Imane ou Jean m'ont décrit quand ils étaient amoureux. C'est physique, presque animal ce qui se passe en moi ces derniers temps. J'ai besoin de toucher Maé, le faire mien, d'être avec lui pour être entier. C'est stupide à dire et pourtant, c'est ce qui passe en boucle dans mon esprit.

— Salle Colère, m'annonce Josselin. Par contre tu...

Je ne lui laisse pas le temps de finir sa phrase que j'ai déjà atteint le couloir qui mène aux différentes pièces de strip-tease. Un coup d'œil aux pancartes m'indique quelle porte pousser. Dès que j'ai fait un pas dans la pièce aux dégradés rouges peu surprenants, je remarque Maé au fond de la pièce. À genoux sur une banquette en velours, il enfile une chemise noire, précipitamment. Il vient sûrement de finir un spectacle pour un client.

Alors qu'il est en train de boutonner de travers, il relève la tête vers moi. Son regard me hurle son incompréhension, mais son sourire en coin semble me souffler le plaisir qu'il a de me voir ici. Je ferme la porte derrière moi et tourne même la clé dans la serrure. Si Maé a peur de rester enfermé avec moi, il n'en montre rien.

Sans un mot, je m'approche de lui. Il a abandonné l'idée de se rhabiller et ses bras pendent de chaque côté de son corps. Il paraît préférer l'idée de me regarder retirer ma veste de costume. Je la laisse choir sur le sol et monte sur la mini scène en bois. Alors qu'il se mordille la lèvre, mon cerveau tente de m'envoyer des signaux m'indiquant que je ne devrais pas faire ça. Ce n'est ni l'endroit, ni le moment et encore moins la bonne personne. Mais je ne l'écoute pas.

Lorsque je suis assez proche de lui pour sentir son odeur, je m'arrête. Son visage se relève dans ma direction et nos yeux se trouvent. Je pense que ma raison a quitté le navire et seul mon instinct semble disponible à l'heure actuelle. Le dos de mes doigts vient caresser la joue du jeune blond. Sa douceur me frappe en plein cœur. Ses paupières se ferment sous mon geste et un soupir lui échappe.

— Tu m'as dit qu'il y aurait plus, lui rappelé-je doucement comme pour ne pas briser le silence dans lequel nous sommes.

— Je l'ai dit...

Mes doigts se glissent dans son cou.

— Tu le pensais ? l'interrogé-je, d'un ton où l'espoir transpire un peu trop à mon goût.

Ses yeux s'ouvrent pour me sonder, mais son sourire ne l'a toujours pas quitté. Il se redresse sur ses genoux, de manière à se rapprocher de mon visage. Nos souffles se mélangent. J'aime cette proximité. Elle m'excite, me fait imaginer tellement de suites possibles.

— Oui...

Ce mot est comme un déclic, un détonateur. Je ne pourrais pas dire qui de lui ou de moi a amorcé le mouvement en premier, toujours est-il que nos lèvres se sont trouvées. Les premières secondes sont timides. À peine un effleurement, comme pour évaluer le comportement de l'autre puis finalement, Maé passe ses bras autour de mon cou, attirant mon corps à lui.

Il y aura plus.

Nos torses se percutent alors que nos bouches s'activent. La sensation est agréable, euphorisante, même carrément aphrodisiaque. En un claquement de doigts, la passion s'est emparée de nous. Ce vide en moi se remplit à mesure que mes mains explorent les cheveux, le visage puis la nuque de ce beau danseur. Je me sens vivant.

Sans réfléchir, je le pousse pour l'allonger sur cette banquette. Il ne proteste pas et écarte même les jambes pour me permettre de m'y glisser. Mon avant-bras gauche prend appui à côté de sa tête pour m'éviter de l'écraser. Ma main droite, elle, découvre la forme des muscles de Maé. Il n'est pas en reste. Il fourrage dans mes cheveux tout en malaxant avec fougue mes fesses.

Des dizaines d'envies envahissent mon esprit pervers, mais même si je rêve de le mettre à nu et de lui faire l'amour comme je ne l'ai jamais fait à qui que ce soit, dans un coin de ma tête, je sais que c'est impossible. Pas ici et maintenant. Cependant, j'ai cette certitude d'avoir trouvé la bonne personne... Alors le reste n'a plus d'importance.

Je mets fin à notre baiser à contrecœur. Les yeux encore fermés, je me passe la langue sur les lèvres et soude nos fronts. Je prends une profonde inspiration et lui avoue, bien qu'il doive déjà sans douter :

— J'ai envie de toi...

Il dépose un rapide baiser sur mes lèvres et tel un félin, se faufile entre mes bras. Il quitte mon emprise puis la pièce. Je me retrouve comme un con au milieu de cette salle aux murs trop rouges. Mes yeux cherchent une explication dans la décoration et les meubles, mais il n'y a rien pour que je comprenne pourquoi Maé a fui ainsi.

Le ballet est bientôt terminé.

Je soupire à m'en fendre le cœur et me laisse tomber sur la banquette. Je ne pensais pas que cette déclaration aurait cet effet sur lui. Vu la façon dont il a répondu à mon baiser, j'osais imaginer que c'était réciproque. Je pose mon avant-bras sur mes yeux, essayant de ravaler mon humiliation. C'est fini. J'ai anéanti le peu que j'avais. En plus de ne pas aller plus loin avec Maé, je viens en plus de mettre fin à mes visites dans ces salles des péchés. Je ne pourrais plus me montrer face à lui après ce qu'il vient de se passer.

J'ignore d'où elles viennent, mais des larmes se forment dans mes yeux. Sûrement à cause de la frustration. Ou alors de ce vide qui reprend ses droits avec un petit rire sadique. Je déglutis. Amer. Blessé. Et stupide. Comment ai-je pu penser que quelque chose était possible ? C'est un professionnel. Ces baisers étaient peut-être... Peut-être l'ai-je forcé sans m'en rendre compte...

Le froissement d'un vêtement me parvient. Alors que j'imagine Josselin ou pire un vigile entrer dans la pièce pour m'attraper par la peau du cul et me virer d'ici, je sens une masse s'asseoir sur mes cuisses. Je retire mon bras brusquement et me retrouve face à face avec Maé. Il me sourit encore et toujours. Il se penche et m'embrasse à nouveau. Entre deux baisers, il me déclare :

— Moi aussi... Mais pas ici.

Ses doigts frôlent mon torse et glissent une carte dans la poche de ma chemise. Il se penche jusqu'à mon oreille et ajoute :

— Je t'y attendrai...

Il lèche sensuellement mon lobe et s'évapore à nouveau. Mais cette fois, la joie me comprime la poitrine. Je me dépêche de m'emparer du petit carton qui se trouve être la carte de visite d'un hôtel. À l'arrière, y sont écrits quelques mots :

Ce soir
Minuit

Peep-ShowOù les histoires vivent. Découvrez maintenant