6. Lundi 20 février 2017

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Encore une nuit où je me suis réveillée 10 fois, le téléphone serré dans ma main. Toujours aucune nouvelle.

Cet après-midi, j'avais un ED. Les ED sont obligatoires en 3e année. Clairement, vous me direz, j'aurai pu être absente, car avoir son papa en phase terminale est une excuse tout à fait accepté par les profs, d'autant plus que mes profs sont des médecins. Mais je n'avais littéralement rien d'autre à faire. Et l'attente du weekend m'avait tant fait souffrir que le moindre « divertissement » était à prendre.

Je suis donc allée à cet ED. Evidemment, je n'ai littéralement pas écouté un mot. Je ne me souviens même plus sur quelle matière était cet ED. De la pédia ? De la gynéco ? J'étais assise à la table la plus proche de la porte, le téléphone toujours à la main, sonnerie allumée, prête à décrocher à tout moment. Je voyais les heures passer et le temps se rapprocher de plus en plus de mon anniversaire.

Je ne tenais plus. L'angoisse me tenait au corps depuis trop longtemps, et c'était comme si je n'avais pas dormi depuis 5 jours. J'étais dans un état de zombie. Mon cœur n'en pouvait plus de battre aussi fort et mon système nerveux saturait de décharger autant d'adrénaline en continu.

Je suis sortie de l'ED à 16h, je suis retournée devant la BU voir mon copain. J'ai vu un autre ami, qui savait, lui aussi, qui m'a dit de l'appeler à tout moment. J'ai pleuré. Mon copain n'a pas su quoi dire. Je me sentais très incomprise, je voyais tout le monde continuer sa vie normale, et moi j'étais là comme dans une réalité parallèle, en train de vivre un des moments les plus angoissants possibles. 

Je sentais que mon corps commencer à lâcher. Je commençais à réaliser que j'allais avoir besoin d'un psy. Alors j'ai décidé, je ne sais pas pourquoi, d'aller chez un médecin généraliste pour avoir une ordonnance pour un psy. C'était bizarre, peut-être pas le plus urgent à faire, mais de toute manière, je n'avais rien d'autre à faire. Et puis j'avais envie de parler, de me sentir comprise, de sortir de cette bulle étrange dans laquelle je me criais intérieurement sans que personne ne se rendait compte de ma détresse. 

Je suis allée chez un médecin inconnu, au lieu de mon médecin habituel qui n'était pas dispo. Dans la salle d'attente, il y avait des poissons. J'ai pensé à mon papa qui aimait les poissons. On avait un aquarium quand j'étais petite. Avec des Goupies et des poissons néons. J'ai pensé au fait que je me suis toujours dit que quand je serai grande et riche et médecin, j'offrirait un aquarium à mon papa. Un grand aquarium. Voir même d'eau de mer. 

Mais non, du coup. Il semblerait que je ne lui offrirai pas d'aquarium. 

Je reçu un message de ma mère : « le médecin de papa est disponible à 18h pour te parler. » Je regardais l'heure : 17h30. Immédiatement, je laissais tomber les poissons, et je quittais la salle d'attente avant même d'avoir eu ma consultation, et me rendis sur le champ à l'hôpital. 

Je suis arrivée dans le service, ne sachant pas où aller ensuite, il n'y avait personne dans le couloir en cette fin de journée. Après quelques secondes, je me suis littéralement effondrée dans ce couloir. Une infirmière m'a entendu et est sortie de sa salle pour me voir. Je pleurai comme jamais je n'ai pleuré, toutes les larmes possibles, reniflant et n'arrivant même plus à parler. Je bégayais quelque chose mentionnant mon papa et mon anniversaire. Je ne sais plus ce qu'elle a dit, mais je sais qu'elle m'a apporté un verre de sirop de menthe. Ça me surpris, mais m'a également apaisée. Le sirop de menthe contre le chagrin.

Elle m'a proposé d'attendre le médecin avec elle. On a discuté. Je pleurai toujours, comme si toutes les émotions de ce weekend explosaient enfin. J'ai dit que je n'arriverai pas à continuer mes études de médecine maintenant, que je vais avoir besoin d'une année de césure, que je ne me sens pas prête à faire l'externat prévu en septembre.

Elle me comprit.

Enfin, le médecin arriva. Il était 19h. Il écouta mes questions et annonça de manière très honnête :

"Il ne reste plus que quelques heures."

Et là je lui répondis, les larmes sur les joues, la phrase la plus triste que j'aie dite durant toute ma vie entière :

"Mais dans quelques heures, c'est mon anniversaire."

Vingt-et-un [TERMINEE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant