9. L'après

35 5 0
                                    

Et ensuite ?

Ensuite, des détails difficile. Être seule pour remplir des papiers administratifs. Ne pas retrouver les codes pour accéder au site de l'assurance maladie car c'est lui qui gérais tout. Devoir improviser quand ma voiture tombe en panne car ma mère non plus ne sait pas comment faire.

Se réinscrire à la fac, être perdue dans le flot administratif sans aucun joker.
Du jour au lendemain, se débrouiller seule.

De la petite fille à papa qui se laisser porter et assister depuis son enfance, se retrouver seule dans la vraie vie.

Et ces matins.

Réveil, silence. Aucune musique de radio dans la cuisine. Personne qui lance la machine à café a 6h50. Descendre, le froid. Cuisine vide. Table en bazar. Fini, les petits dejs préparés le matin avec le jus d'orange pour les vitamines.

Personne pour me speeder quand il est 7h40 et que je vais être en retard pour les cours.

Personne pour me demander où j'en suis de mes cours, pour me motiver a viser toujours plus haut.

Ma mère est là, évidemment. Mais c'est dur pour elle aussi, il faut bien s'en douter. Alors elle gère les choses a sa façon, elle sort, beaucoup. Elle m'encourage, certes, mais "c'est pas pareil". Elle est contente de moi quelles que soient mes notes. Mais j'ai envie qu'on me dise "c'est bien 12 mais allez tu peux faire encore mieux allez allez". Non, pour elle c'est bien et ça suffit. "10, c'est la moyenne, c'est bon t'es large", dit-elle. Elle a raison, mais bon, comme je disais "c'est pas pareil".

Alors, seule, je me reconstruis.

Une autre chose m'a surprise. La liberté.

Libre de prendre ma voiture et de partir a la plage sans prévenir personne, libre de sortir jusqu'à 6h du matin sans devoir justifier chez qui je vais. Liberté étrange. Perte de repères, plutôt. Je me sens vagabonde.

Du jour au lendemain, sans transition, je me retrouve adulte et seule. Pas préparée.

Et puis, ces rêves. Le pire.

Vous savez, ces cauchemars où quand vous vous réveillez vous vous ditez "c'était juste un rêve, rien de réel" ?

Et bien là, deux solutions.

Soit c'est un cauchemar, je revis le cancer, je rêve que mon père va décéder, et quand je me réveille, ce fameux "c'était pas juste un rêve, c'est la réalité" rend le cauchemar réalité, et me refait pleurer.

Soit, le pire de tout, si par hasard je rêve d'un moment agréable, d'un passé perdu avec mon père, alors le réveil est encore plus douloureux. Le "c'était juste un rêve" est la pire sensation qu'on puisse éprouver au réveil. "C'est fini cette période, ça n'est pas la réalité ce joli rêve", ça, je vous jure, ça c'est le pire.

Je vous épargne les tensions, les disputes, les accès de colères que le deuil fait vivre à chacun.

Je vous épargne les crises d'angoisse grandissantes au fur et à mesure que je progresse dans mes études.

Je vous épargne ces benzodiazépines prises la veille d'un examen, pire chose que j'ai faite de toute ma vie.

En bref, ces trois années furent les plus difficiles de la vie. J'ai arrêté d'écrire, arrêté le sport, décroché des cours, mes notes ont baissées.

Mais l'enfer n'est que passager...

Vingt-et-un [TERMINEE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant