Énervé, je retourne au petit chalet bien décidé à mettre un peu d'ordre dans les cartons. La première chose à faire est de libérer un peu d'espace et donc de sortir une ou deux piles entreposées à l'intérieur. J'attrape le premier carton quand Edwige arrive. Je ne cherche même pas à croiser son regard. Je sais que ma réaction est puérile, mais elle m'a pris la tête à insister. Les personnes égoïstes, je préfère les fuir. Moi aussi j'avais prévu mon étal en pensant avoir une petite maison pour moi tout seul, pourtant je n'en fais pas tout un fromage de devoir partager. Ce n'est pas comme si nous payions quoique ce soit en plus.
— Ce n'était pas contre toi...
— Je sais, lâché-je.
— Pourtant tu m'en veux.
— Écoute, je ne sais pas quels sont tes projets ou tes espérances vis-à-vis de ce marché, mais nous sommes tous les deux dans le même bateau. Moi aussi j'ai un commerce à faire tourner, mais je ne vais pas aller jusqu'à oublier les autres. Tu n'aimes pas la cohabitation ? Pas de problème, je sais me montrer discret. Donc laisse-moi juste le temps de m'occuper de mes cartons et je te libère la moitié de l'espace. Je te laisse même décider si tu veux être au fond ou à côté de la porte.
Je me suis mis face à elle et la regarde droit dans ses yeux couleur caramel pendant toute ma tirade. Depuis ce matin, j'essaie de lui faire retrouver le sourire, mais il y a des limites. Toute jolie et toute mimi soit-elle, je ne vais pas passer ma vie à essayer de la dérider.
Je suis obligé de baisser complètement la tête alors qu'elle doit se faire mal à la nuque de la lever autant pour me regarder de si bas. Elle ne maintient pas notre contact visuel, mais j'ai tout de même eu le temps de lire de la tristesse dans ses yeux. Elle est tellement petite comparé à moi qu'elle semble toute fragile, emmitouflée dans mon écharpe et son manteau.
— Ce n'est pas...
Je me retourne et ne l'écoute pas, ne voulant pas céder à ses yeux de biche. Je me remets à déblayer l'espace. Elle comprend que je ne suis pas ouvert à la discussion et plutôt que de partir comme je le pensais, elle commence à m'aider.
Silencieusement, nous sortons une bonne dizaine de cartons. Par chance, il fait froid, mais beau, nous pouvons donc laisser nos marchandises dehors le temps d'organiser les choses. Comme il est déjà presque dix-sept heures trente, nous n'allons pas pouvoir faire grand-chose de plus que mettre de l'ordre aujourd'hui. La nuit est tombée depuis un moment et il fait de plus en plus froid.
— Tu as décidé de ton emplacement ? la questionné-je assez sèchement.
— Je n'ai pas de préférence, je te laisse choisir.
J'aimerais continuer à jouer au mec insensible avec elle, mais ce n'est pas moi. Alors je réponds :
— Si tu veux, prends le fond, il y a le renfoncement pour stocker des cartons ou mettre ton réchaud. Et puis tu seras plus loin de la porte donc des courants d'air, j'ai cru comprendre que tu étais frileuse...
Ses lèvres s'étirent légèrement dans un faux sourire.
— Merci, c'est gentil.
Je grogne. Je ne veux pas être gentil avec elle là maintenant.
— Si j'ai insisté tout à l'heure, reprend-elle, c'est parce que c'était le rêve de ma sœur de venir ici. Mais elle est enceinte et il y a quelques complications dans sa grossesse. Ce n'était pas du tout prévu que je vienne, et pourtant je suis là. Je n'y connais rien à tout ça et je veux faire au mieux pour elle. Je m'excuse si je t'ai blessé ou si je t'ai donné une mauvaise impression de moi.
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Amour et Chocolat (éditions BMR)
RomanceEdwige n'avait pas prévu de passer sa fin d'année en Norvège. Mais quand sa sœur la supplie de la remplacer sur le mythique marché de Noël à Oslo, elle ne peut lui refuser. Elle qui ne supporte déjà pas la fraîcheur de ses montagnes, ne sait pas com...