Roxanne

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Un bruit étrange me sort de ma léthargie. Je tente d'en deviner la source. La vibration recommence. Mon téléphone!

Je me penche hors du lit, tend la main vers la table de chevet et attrape mon vieux Samsung.

— Euh... Hum, me raclé-je la gorge, allo.

— Salut Roxie. On dirait que je te réveille...

Encore à moitié endormie, je me concentre afin de reconnaître la voix.

— Loanne?

— Ouais. Dis donc, tu n'aurais pas loupé ton réveil? Il est 10h et tu devais me rejoindre à la fac pour commencer à organiser les célébrations dès 9h.

Oh, non, merde, j'ai complètement oublié et je n'ai pas réglé mon tél hier soir. Mais pourquoi ai-je accepté d'aider l'association étudiante alors que mon stage hospitalier commence bientôt? Sûrement parce que le bâtiment historique de la faculté de médecine m'a toujours attiré. J'aurais préféré poursuivre mes études dans les mêmes salles que Rabelais ou Nostradamus plutôt qu'au sein du nouveau bâtiment ultra moderne à l'autre bout de Montpellier.

— Donne-moi 20 minutes.

— Ok, bouge ton cul. Le doyen se pointe bientôt pour les derniers préparatifs.

Je me précipite dans la salle de bain, écrasant presque Leeloo au passage, et évite de croiser mon reflet dans le miroir. J'ai à peine le temps de me doucher, je ne pourrai pas camoufler mes cernes ou les foutues taches de rousseurs qui s'étalent de mon nez à mes pommettes. Tant pis, un coup de peigne et des fringues propres feront l'affaire. Heureusement que l'ancienne faculté est à cinq minutes à pied de chez moi.

Arrivée en bas de l'immeuble haussmannien, je me souviens tout à coup de la silhouette qui semblait m'observer cette nuit depuis cet arbre là-bas. Un frisson me traverse mais je ne peux vraiment pas m'appesantir sur cette idée. Je remonte en courant les rues du Placentin, du Puit du Palais et de Bechamps et vois enfin apparaître devant moi les hauts murs calcaires du bâtiment. Une grande banderole annonce en rose et blanc « Célébrations du VIIIe centenaire». 800 ans que les futurs médecins se forment ici. J'ai toujours un petit pincement au cœur quand je pense que c'est la plus ancienne faculté de médecine du monde occidental encore en activité. Je traverse le petit pont surplombant la fosse qui entoure la construction, croise les statues de bronze de François de Lapeyronie et Paul-Joseph Barthez et passe sous le fronton sculpté de deux lions et d'un caducée.

La fraîcheur, qui m'accueille lorsque je rentre dans le grand vestibule en marbre blanc et rouge, me fait un bien fou et je prends quelques secondes pour calmer ma respiration en admirant les bustes de bronze à la patine vert-de-gris et le monumental escalier face à moi. L'atmosphère à quelque chose de magique, d'intemporel.

— Ah, te voilà enfin, m'interpelle une Loanne au top de sa forme.

Mais comment fait-elle pour être toujours parfaite alors qu'elle a la même vie de dingue que moi?

— Désolée, j'ai révisé une grosse partie de la nuit et j'ai très mal dormi.

Sans écouter mes excuses, elle m'attrape le coude de sa main manucurée et me traîne vers l'ancien cloître qui sert de cour d'honneur. Au pied de l'entrée du Theatrum Anatomicum, je vois certains de nos professeurs, des caméras et des journalistes. Oh, non, non, non. J'avais oublié la visite VIP prévue ce matin.

L'heure qui suit est une torture car je dois guider les visiteurs le long des corridors tout en creusant ma mémoire pour leur fournir les informations sur ce lieu incroyable, alors que je n'ai qu'une envie; dormir.

RoxanneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant