Roxanne

A 20h, un léger coup sur la porte d'entrée me sort de ma lecture. J'entrebâille pour découvrir Jonathan sur le seuil. Un sourire de garnement étire la bouche de mon voisin de palier.

— J'en étais sur! Mademoiselle est en pyjama, un samedi soir !

— Je bosse, Jo.

Il m'arrache mon livre d'anatomie et le tient hors de ma portée en riant. Il a beau avoir 26 ans, il se comporte toujours en gamin. Son physique de blondinet à la coupe faussement négligée et à la moue boudeuse font penser à Justin Bieber.

— Non, non, non. Loanne m'a dit de m'assurer que tu ne nous poserais pas un lapin.

Une conspiration pour me forcer à sortir. Je n'aurais jamais dû les présenter l'un à l'autre l'été dernier.

— Je ne suis pas très en forme aujourd'hui. Je suis même épuisée au point de me faire des films.

— Classés X?

Je soupire avant de lui avouer :

— J'ai l'impression d'être constamment suivie.

Il se penche vers moi et repousse une des longues mèches rebelles qui tombent toujours devant mes yeux.

— C'est la fatigue et le stress qui te rendent parano! Roxie, tu as le droit de t'amuser un peu. Je te vois trimer depuis des années, toujours seule à la maison. Comme si tu refusais de prendre du bon temps. Te mettre une telle pression, ce n'est pas sain.

Jugeant sans doute qu'il avait été sérieux trop, il ajoute en riant :

— Regarde-moi. J'en glande pas une et je suis en dernière année de master.

— Tu fais des études aux beaux-arts, Jo.

Il m'adresse un de ses sourires faussement ingénus en haussant les épaules.

— Ce soir, tu vas t'éclater comme une jeune femme de ton âge. Tu vas danser, sauter partout, et surtout oublier le reste durant quelques heures. Cette ombre qui te suit, c'est ta peur de l'avenir. Vis le moment présent! Prends-toi une bonne cuite et dors tout le weekend, tu verras que Lundi en arrivant en cours tu seras ressourcée.

Il me guide jusqu'à la salle de bains.

— Allez, à la douche. Que Cendrillon devienne ... enfin tu vois la référence, quoi!

— Jo...

— Si tu ne te bouges pas, c'est moi qui te fais ta toilette ! me menace-t-il avec un air grivois.

Je capitule.

— C'est bon, je vais me débrouiller toute seule.

— Je te proposais ça en tout bien tout honneur, Roxie.

— Vire de la pièce!

— Ok, ok, je vais passer le temps en torturant ton chat.

— Laisse la tranquille!

Trente minutes et un peu de maquillage plus tard, notre taxi longe le fleuve qui traverse Montpellier pour nous déposer au Marché du Lez, un spot hyper vivant qui mélange brocantes, soirées concerts et restaurants. Loanne nous attend sur le parking et me saute dessus dès que je descends du véhicule.

— Ce soir c'est la teuf, clame-t-elle en ébouriffant ses cheveux blonds pour leur donner du volume, y'a un DJ au bar à cocktail éphémère.

Les tables du Willie Carter Sharpe sont surpeuplées, comme tous les samedis, et nous devons zigzaguer entre des dizaines de personnes pour atteindre le comptoir. Çà sent le houblon, l'alcool et la fumée de cigarette.