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V E N T

Jour 16

20:46

Les regards accusateurs, juste auparavant posés sur Shigaraki, se détournèrent pour atterrir sur Shoto Todoroki qui ne savait pas quoi répliquer. Le docteur venait de le pièger, il l'avait eu à son propre jeu. Il était acculé. Tout son joli discours bien argumenté venait de s'effondrer, son accusation se retournait contre lui.

Il réfléchissait à vive allure. La suite des événements dépendait de ce qu'il allait dire pour se défendre, il ne devait pas se tromper. Le moindre mot de travers pourrait lui coûter la vie. Il inspira un grand coup, et ferma les yeux. Il n'était pas coupable de ce meurtre, ça, c'était certain. Shigaraki était la seule personne à avoir pu commettre ce crime. Il y avait donc forcément une faille dans son argumentation. Il devait la trouver, et l'exploiter.

Il repensa à la tirade du docteur, l'analysa sous toutes les coutures. L'élément clé de sa défense résidait dans le fait qu'il n'avait pas pu se trouver sur le lieu du crime et le quitter aussi vite sans que personne ne l'eût aperçu. Shoto fronça les sourcils de frustration: il sentait qu'il touchait au but, que s'il découvrait la clé de ce mystère, il aurait toutes les cartes en main pour trouver le fin mot de l'histoire.

Réfléchit, se dit-il. Il était arrivé par le haut du couloir qui menait à l'O2, avait découvert le corps, et avait parcouru le reste du couloir pour attraper l'assassin, en vain. C'était incompréhensible, il devait y avoir un élément qu'il n'avait pas pris en compte. On aurait dit que l'auteur de cet acte était un fantôme. Le seul moyen qui aurait pu lui permettre d'échapper à la vigilance de Todoroki, c'était qu'il puisse passer à travers les murs.

Le japonais rouvrit les yeux. C'était ça, la solution. Il pensait qu'il n'y avait qu'un passage pour se rendre à l'O2. Mais il en existait peut-être un autre qui échappait à sa connaissance. C'était même très probable. Il croisa le regard inquiet de son compagnon, et lui sourit.

— Bakugou, c'est toi qui as les plans du vaisseau ?

— Ouais. Qu'est-ce que ça peut te foutre ?

— Tu peux aller les chercher, s'il te plaît ? Je pense avoir découvert quelque chose qui pourrait tous vous intéresser.

Le capitaine le regarda longuement. Todoroki avala sa salive avec difficulté, comme s'il sentait une emprise autour son cou. Bakugou ne l'aimait pas, c'était flagrant. S'il décidait de ne pas lui obéir pour une obscure raison, alors il était foutu. Placer sa vie entre les mains du type qu'il haïssait le plus à bord était de loin la pire idée qu'il ait jamais eue. Mais ce n'est pas comme si il avait le choix...

— Surveillez-le bien, je reviens.

Le japonais soupira intérieurement de soulagement. C'était déjà ça de gagné. Ce qui l'inquiétait davantage dorénavant, c'était le sourire qu'arborait Shigaraki. Il n'avait pas l'air de s'inquiéter le moins du monde. Soit il le sous-estimait, soit il avait tellement confiance en lui qu'il savait qu'il réussirait à s'en tirer qu'importe ce qu'il pourrait prouver. Dans les deux cas, Todoroki allait lui montrer qu'il avait tort de ne pas paniquer davantage.

— T'as intérêt à avoir des arguments convaincants double-face, grogna l'américain en balançant les plans sur la table autour de laquelle ils s'étaient réunis.

— Vous ne serez pas déçus, croyez-moi.

Le japonais observa les plans avec attention. Effectivement, en apparence, il n'y avait qu'un couloir qui menait à l'O2. Ce devait être autre chose. Il devait y avoir une sorte de passage secret caché quelque part, des chemins inconnus situés en-dessous ou au- dessus des couloirs principaux qui auraient pu permettre aux traîtres de se déplacer sans être vus...

Il tilta en observant les tunnels qui reliaient les ventilations entre elles. Elles couvraient l'intégralité du vaisseau: une à la cafétéria, une dans la salle des armes, deux en navigation, une dans le couloir qui descendait aux boucliers, une dans la pièce consacrée à la protection du vaisseau, une dans la sécurité, deux dans les réacteurs, une dans chaque côté des moteurs, et une dernière dans la salle de la gestion de l'électricité.

Todoroki y voyait de plus en plus clair: voilà la pièce qui lui manquait pour finir le puzzle. Le tueur s'était sûrement enfui par la trappe en dessous de l'O2 qui menait à l'administration. Il n'osait pas s'imaginer ce qui ce serait passé s'il n'avait pas eu la jugeote de quitter son poste. Peut-être aurait-il fini comme Tsuyu Asui, lui aussi.

— Si j'en crois cette carte, déclara Todoroki, les conduits de ventilation font deux mètres de hauteur et deux de largeur. C'est largement suffisant pour se glisser à l'intérieur et se balader partout dans le vaisseau sans être vu.

Bakugou, qui jusque là le regardait comme si c'était le dernier des abrutis, sembla tout à coup plus intrigué par la tournure de la conversation.

— C'est comme ça que le docteur Shigaraki a pu échapper à ma surveillance. C'est comme ça qu'il a pu tuer Asui et s'enfuir sans être vu: en utilisant les ventilations du couloir de l'O2.

— Je ne savais même pas qu'on pouvait utiliser les ventilations. C'est un peu pauvre comme preuve d'accusation, commenta Shigaraki dont le sourire venait de se crisper.

— Vous mentez, et je peux le prouver. Je suis resté aux caméras toute la soirée. Je vous ai vu rentrer dans l'infirmerie à dix-neuf heures cinquante-cinq précisément, et je ne vous ai pas vu en sortir. Or, quand je suis passé pour vous voir pour une consultation, vous aviez disparu.

Le sourire du docteur venait de s'évaporer. Il n'avait plus du tout l'air de s'amuser.

— Ce ne sont que des balivernes. Tu mens délibérément pour m'incriminer, mais tu ne trompes personne, Shoto Todoroki.

Échec et mat, pensa ce dernier. Il n'avait plus aucun argument, c'était à son tour de se retrouver en position de faiblesse. Shigaraki était entrain de perdre ses moyens, il réalisait que les soupçons de tout le monde étaient désormais dirigés contre lui

— Allons, vous n'allez quand même pas gober ce qu'il est entrain de dire ? Il divague complètement, c'est évident !

— Il m'a convaincu perso, le coupa Bakugou.

— Moi aussi.

— Je pense que c'est surtout vous qui mentez, monsieur Shigaraki, poursuivit Midoriya. Les preuves de Shoto sont solides, et vous n'avez plus aucun argument pour vous défendre. Avouez, qu'on en finisse.

Shigaraki le fixa longuement. Todoroki n'aimait pas ça, il passa son bras dans le dos de son compagnon, comme s'il voulait le protéger. Ce geste sembla amuser le docteur, qui rit à gorge déployée.

L'imposteurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant