D E F E A T
Jour 26
12:23
Bakugou se figea. Todoroki l'observait, les yeux écarquillés. Du sang coulait sur sa joue. Mais ce n'était pas le sien. L'américain toussota. Du sang s'écoulait également de sa bouche. Sa combinaison orange se teinta peu à peu de rouge. Ses forces l'avaient quitté, et la vie aussi. Il s'effondra sur le japonais dans un bruit sourd.
Les lèvres de Todotoki tremblaient. Il voulait parler, hurler, mais sa gorge était nouée. Il voulait repousser le cadavre de son corps, s'extirper de cette emprise sanglante, mais ses membres ne lui répondaient plus. Il était en état de choc.
Comment ça se fait qu'Izuku ait le flingue ? C'est une coïncidence ? Il a pu le trouver quelque part et ne pas le dire, hein ? Bakugou est mort, mais il était vraiment fou, hein ? Je n'ai pas fait d'erreur, Izuku est innocent n'est-ce pas ? Ha... Haha...
Pendant qu'il délirait, Midoriya se releva et s'épousetta. Il grimaça en remarquant qu'un peu de sang était venu tâcher le joli vert de sa combinaison. Il avait retrouvé un air neutre, comme si ce qui venait de se passer n'était qu'une représentation théâtrale dont il n'était qu'un simple comédien. Il poussa un long soupir. On dirait que jouer cette comédie l'avait ennuyé.
Il gardait le pistolet en main. Il ne savait pas si Todoroki serait raisonnable, ou s'il serait obligé d'utiliser la force pour obtenir de lui ce qu'il désirait.
- Izuku ? Tu peux m'expliquer ? murmura Todoroki, comme si prononcer ces quelques mots lui avait coûté tous les efforts du monde.
Midoriya posa sur lui un regard glacial. Il n'avait plus rien à voir avec le gentil français qu'il avait rencontré il y a de cela deux ans. Où était passé son sourire, sa joie de vivre, sa générosité, son innocence ? Il n'y avait plus aucune trace de ces bons sentiments dans ses yeux vitreux. Il n'y avait plus que du vide.
Lentement, Todoroki repoussa le corps de son ancien capitaine, et se pris la tête entre les mains, fébrile. Il ne comprenait pas, ou plutôt, il ne voulait pas comprendre ce qui était en train de se passer. Il ne voulait pas accepter la vérité. Il ne voulait pas admettre qu'il avait vécu deux ans dans le mensonge, manipulé par le masque souriant et lumineux d'un être en réalité froid et calculateur. Il ne voulait pas y croire.
- Pourquoi... souffla-t-il. Pourquoi tout ça... Je comprends rien...
Midoriya s'approcha de lui à pas de loup, et s'accroupit pour être à sa hauteur. Il posa son index sur la bouche de Todoroki, qui le regarda faire, incrédule.
- Chuut... Tu ne sauras rien. Les explications seraient trop longues, et je n'ai pas la patience pour te les donner. À présent, je vais te laisser pour aller saboter les réacteurs. Nous devrions mourir d'ici une dizaine de minutes. Alors profite calmement de tes derniers instants mon amour.
Il lui embrassa doucereusement le front, et se releva. Il quitta la cafétéria sans un regard en arrière, sans remords, sans regrets. Il ne ressentait rien, excepté peut-être une certaine jouissance en songeant qu'il avait abattu Bakugou de ses propres mains. Il était fou, mais sa folie ne datait pas de leur départ à bord de The Skeld. Chez lui, les ténèbres étaient déjà tapis au fond de son coeur depuis bien longtemps. Ils avaient toujours été là, prêts à sortir au grand jour dès que l'occasion se présenterait.
Midoriya se sentait enfin lui-même. Il avait toujours pris soin de cacher cette part d'obscurité à quiconque. Personne ne devait savoir, ou tout le monde le rejetterait. C'est ce qu'il avait toujours pensé. En grandissant, il avait compris que les marginaux n'étaient pas les bienvenus dans la société. Un pas de travers et c'est l'hôpital psychiatrique. Un pas de travers et c'est l'exclusion social.
Jusqu'à sa rencontre avec Bakugou, il avait toujours plus ou moins réussi à cacher son vrai lui pour se fondre dans la masse. Savoir que personne ne soupçonnait sa véritable nature le soulageait beaucoup. Mais il avait suffi d'un regard, un seul, pour que cet abruti d'américain devine l'entourloupe. Il l'avait tellement bien cerné qu'il en avait fait des cauchemars pendant longtemps. Il avait eu si peur qu'il révèle aux autres le monstre qui se terrait au fond de lui.
Heureusement, il s'est avéré que Bakugou n'était pas l'être humain le plus sain d'esprit. Il avait l'air bien plus dérangé que lui, et probablement que personne ne le croirait s'il osait un jour dévoiler son secret.
Et puis il avait rencontré Todoroki. Ce n'était pas la première fois qu'il tombait amoureux, mais c'était la première fois qu'il sentait qu'il pouvait se confier à quelqu'un, qu'il pouvait se mettre à nue sans risquer de jugement. Cependant, il n'avait encore jamais été tenté de laisser tomber le masque avant aujourd'hui. Il avait trop peur de son rejet, et imaginer que le japonais aurait pu le quitter en découvrant la mascarade l'avait terrifié.
Cependant, aucun secret ne peut être éternellement caché; les secrets sont faits pour être révélés. Parce qu'à force d'être gardé, un secret finit par nous envahir et nous manger de l'intérieur. Deux option s'offrent alors à nous: choisir de le confier à quelqu'un pour se soulager, au risque que celui-ci le divulgue, ou commettre une folie pour l'enterrer à jamais.
Midoriya avait fait son choix. En acceptant cette mission suicidaire pour saboter les plans de la NASA, il savait qu'il ne pourrait plus faire machine arrière. Il était trop tard pour avoir des regrets. Il était désormais temps d'en finir, et d'exterminer une bonne fois pour toute le monstre qui faisait de lui ce qu'il était.
L'alarme se déclencha dans tout le vaisseau. Les réacteurs allaient s'auto-détruire dans moins de trente secondes. Midoriya rejoignit alors son compagnon qui n'avait pas bougé de la cafétéria. Malgré tout le mal qu'il lui avait fait, c'était avec lui qu'il désirait passer ses derniers instants.
- Je ne sais pas ce que je devrais dire, avoua Todoroki en observant Midoriya s'asseoir à ses côtés. Je devrais sans doute te haïr, mais je n'y arrive pas. De toute façon, on va bientôt mourir, alors à quoi bon.
- Je t'aime Shoto. Et c'est bien la seule chose que j'ai pu te dire sans te mentir.
Le japonais ne protesta pas lorsque la main du français vint rejoindre la sienne. Les lumières clignotaient en rouge, l'alarme retentissait de plus en plus fortement, mais aucun des deux n'avaient l'intention de bouger pour arranger ça. Ils étaient résignés à mourir. Ils n'allaient pas tarder à rejoindre les fantômes de leurs collègues, destinés à errer éternellement dans l'espace en quête de rédemption. Telle serait leur punition.
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L'imposteur
FanficAnnée 2050. Dix astronautes sont envoyés dans l'espace afin de tester l'efficacité du nouveau vaisseau spatial de la NASA. Leur but est simple: ils doivent réaliser les tâches qui leur ont été attribuées et rentrer chez eux sains et saufs. Rien de b...