Rigoureusement accroché au tronc, Winston touchait presque la planche la plus basse de la cabane lorsque le cri retentit. Une onde de terreur le traversa tout entier à son tour. Ses bras épuisés se relâchèrent, la prise lui échappa. Ses yeux grands ouverts étaient témoins passifs de ce qui se passa : il tombait.
La cabane s'éloignait de lui à grande vitesse tandis qu'elle était là, à portée de main :
- Trop tard, pensa-t-il.
Sa chute ne dura qu'une fraction de seconde. Pas plus de temps qu'il n'en fallait pour dire "ombre à l'horizon".
Le mousqueton de la vis la plus proche devait le retenir dans sa chute mais il se décrocha et tomba avec Winston dans une course que rien n'arrêtait plus en direction du sol ; tout comme le suivant et celui d'après. Puis, le point suivant qui devait stopper le grimpeur était le fameux mousqueton usé des sept mètres. Finalement, sans même comprendre, Winston s'arrêta net. L'homme se trouvait comme fixé dans l'air par un clou. En réalité, le mousqueton qui venait de le sauver était celui dont il se souciait le plus d'être fragile.
Winston se ressaisit sans comprendre à quel point il faillit ne jamais pouvoir se ressaisir de nouveau. Il entoura l'arbre de ses bras et se retourna face au vide duquel il venait d'échapper :
- Tout va bien en bas ? cria-t-il.
- Continue l'ascension puis déploie vite l'échelle, vite ! J'ai eu une peur bleue là, s'exclama Lucie qui n'avait pas vu la descente éclair de Winston.
- C'était quoi ? demanda Winston qui tentait de reprendre une respiration normale alors qu'il s'accrochait toujours au chêne de toutes ses forces.
- Quoi ? Tu as entendu aussi ? Je croyais l'avoir rêvé, cria Lucie pour qu'il l'entende.
- Je vais vite descendre l'échelle, ramène les affaires au pied de l'arbre s'il te plaît, reste proche, conseilla-t-il à vive voix.
Winston ajouta inquiet mais confiant dans sa voix :
- Il y a peut être des sangliers qui rodent.
Le duo qui se connaissait depuis quelques mois se remit à la tâche avec la différence qu'ils étaient désormais anxieux. Dans ces bois bruyants de sons non identifiables, n'importe quel esprit aurait tendance à rajouter une couche de peurs en tout genre et ne ferait que renforcer l'ambiance pesante.
Dans un effort qui était alimenté par la tension qu'il y avait dans l'air, Winston saisit le mousqueton à moitié rouillé qui lui avait sans doute sauvé la vie et mit un des neufs qui s'était détaché durant sa descente incontrôlée. Il glissa le précieux morceau de métal qui l'a rattaché à sa corde de vie, l'espace d'un instant, dans sa poche le considérant désormais comme un porte-bonheur et se remit à grimper la dure écorce de l'arbre en assurant chaque effort deux fois.
En bas, Lucie regardait partout autour d'elle en ne se rendant pas compte du péril qu'elle avait fait courir à son ami. Elle reprit ses esprits pour échapper à la paranoïa avec des phrases que sa maman lui donnait quand elle était petite :
- "Dans un moment de stress intense, ce moment où tu es tétanisée de peur et le souffle coupé, il y a deux peurs. Celle rationnelle et celle irrationnelle. Respire tranquillement et prend conscience de la situation, soit consciente de ce qui est réel contre ce qui ne l'est pas. Tout ce qui n'existe pas, n'existe pas. Ça t'aidera à concentrer ton énergie et ne pas laisser la peur t'envahir."
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En bas dans la forêt
Short StoryUne sensation d'être observé en marchant dans les bois ? Dans une forêt dans les montagnes, je vis une voiture rouge se frayer un chemin - non sans difficultés - dans les branchages. Après avoir dépassé un petit ruisseau qui se faufilait entre les g...