Bagou et arnaque

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Je ne peux m'empêcher de penser à ce collègue qui a travaillé qu'une seule année chez nous. Mais je ne pourrais jamais l'oublier.

Cet homme que nous appellerons B. Toujours dans un soucis d'anonymat, possédait un bagou et un sens de la repartie tel qu'il aurai pu me faire croire que j'étais Nelson Mandela et que j'aurais pu guérir des lépreux avec mes mains.

Lorsqu'il est arrivé, on aperçoit tout de suite chez lui une grosse ambition. Le but étant de faire du chiffre, lui élevait cette pratique au rang d'art. Prêt à tout pour arriver à ses fins, il n'hésitait pas à baratiner le client afin que celui-ci finissent par acheter ou consommer. Aucun état d'âme. Il avait développé une technique plutôt ingénieuse. Il avait dans un premier temps appris à connaitre la plupart des articles présents dans le magasin. Lorsqu'il s'agissait des films, celui que le client voulait était comme par hasard celui qu'on vendait le plus, on devait soit disant le commander régulièrement tant il était souhaité. Alors que la pochette était poussiéreuse.

Un client désireux de faire grandir son pénis ? Pas de problème. Il avait LA crème miracle qui lui garantissait un sexe gigantesque. Il lui suffisait de balancer ça et là quelques termes médicaux et autres composés chimiques dont lui-même ne comprenait pas les termes, pour arriver à convaincre les plus sceptiques. Il en apprenait d'ailleurs parfois de quelques clients issus du corps médical. Il reprenait a sa gloire les propos tenus par ces derniers à tel point qu'après son récital le client venu demander des renseignements lui tombait quasi dans les bras de joie, heureux d'avoir enfin trouvé la crème miracle qui allait lui changer la vie. Il est vrai qu'avec lui les recettes ont été très bonnes durant une longue période mais ensuite ses chiffres ont décliné.

J'ai ma petite idée sur les raisons qui ont amorcé le déclin de ses recettes. A mon sens, on ne peut pas tromper impunément les clients. Celui-ci vient chercher un article qui lui apportera de la satisfaction. Un lien de confiance doit s'installer entre le vendeur et son client. Si le résultat escompter n'est pas avéré, le client perdra toute confiance et ira chercher son bonheur ailleurs.

Je me rappel du jour où il apprit que les femmes pouvaient avoir des orgasmes clitoridiens ou vaginales ou voir les deux. Alors que l'information s'imprima doucement dans son cerveau, il se mit à cogiter dans un but précis, je ne le compris que deux semaines plus tard. Un soir, une jeune femme d'une vingtaine d'années fit son entrée dans le magasin et me demanda quand B. Travaillait, je lui donnais l'information. 2 jours plus tard une autre jeune fille débarqua à son tour et me posa la même question. Intrigué, je contactais B. Afin d'en savoir plus.

Sans détour, il m'expliqua une histoire étonnante qui aujourd'hui encore m'interpelle sur les qualités d'orateurs de mon collègue. « J'ai trouvé le moyen de tirer mon coup a l'œil ! » Le jour donc où-il prit connaissance des informations sur l'orgasme féminin, il se mit en tête d'utiliser ses informations pour son usage personnel. La stratégie qu'il employa était digne des plus grandes manipulations. La 1er fois qu'il tenta l'expérience, m'affirme-t-il une jeune femme entra dans le magasin afin de s'enquérir d'informations sur les sex-toys.

Il s'approcha d'elle et lui dit :

« Si je peux vous être utile, n'hésitez pas ! »

Sentant la jeune fille indécise ou timide, il enchaina sans répit :

« N'ayez pas peur, ici vous pouvez vous dévoiler sans crainte, je suis à votre écoute. » Il insista bien sur la dernière phrase. Ce qui eut pour don de libérer la jeune femme des dernières barrières qui l'empêchait encore de s'exprimer librement.

« Je recherche un bon vibromasseur ! »

Il la fixa dans les yeux comme le ferait un médecin,

« Tout d'abord il s'agit de vous connaitre, êtes-vous clitoridienne ou vaginale ? »

Sentant le regard interrogateur de la jeune femme se poser sur lui, il enchaina :

« Prenez-vous du plaisir grâce à votre vagin ou à votre clitoris ? »

« Par le clitoris ! » répondit-elle.

« Aie c'est dommage ! Le plaisir vaginal est 70% plus intense », lui lança-t-il.

Il faut savoir que si elle avait répondu par l'inverse, il aurait ajusté sa réponse.

Et là il lui sort une histoire rocambolesque :

« Je suis parti 2 ans en Inde ( pourtant pas sure qu'il ne connaisse la capitale de l'Inde), j'ai voulu me purifier l'esprit et j'ai fait la rencontre d'un grand maitre du yoga qui m'a enseigné qu'en réalité chaque femme peux atteindre l'orgasme vaginal et cela même si elle est clitoridienne. La jeune femme semblait fascinée par les connaissances de B. Si bien qu'elle ne fut même pas choquée lorsqu'il lui lança :

« Si vous voulez je peux vous enseigner la méthode pour atteindre cet orgasme »

B. m'expliqua ensuite qu'ils eurent dans le magasin même un rapport sexuel, et qu'elle n'eut certainement pas d'orgasme différent de ceux de d'habitude.

B. lui rétorqua qu'elle n'avait pas eu l'esprit assez libéré pour pouvoir profiter de son expérience, mais aussi que la situation ne se prêtait guère à ce genre d'expérience. Sur ce il lui proposa de ce revoir régulièrement.

B. reproduisit le même stratagème avec plusieurs clientes, je le trouvais vachement fort culotté. Mais ça alla lui couter très cher. Un jour alors que j'étais supposé être en congé, l'assistant du boss me téléphona en catastrophe pour me demander de remplacer B. En effet la veille il ne s'était pas présenté au travail alors qu'il devait en principe ouvrir le magasin. Il n'avait donné aucune explication et ne répondait d'ailleurs plus au téléphone. J'allais comprendre dès le lendemain le pourquoi de son absence et de son silence. Alors que l'on approchait de l'heure de table, un homme déboula dans le magasin, et quand je dis un homme c'était plutôt un monstre de près de 2 mètres. Il avait l'air de venir d'un pas de l'Est et d'ailleurs son accent confirma mes doutes, celui-ci devait être originaire de Pologne si je ne me trompe. J'ai remarqué tout de suite qu'il ne venait pas en tant que client vu la mine patibulaire qu'il trainait. Il me demanda ou plutôt meugla « Il est ou B. ? »

A ce moment, je remerciai le bon dieu d'être moi et non B.

Je me doute bien que de ma réponse va dépendre le reste de ma journée et peut-être même le reste de ma vie. Prenant mon courage à deux mains et toujours solidaire de mes collègues, je lui répliquai :

« Qu'est ce qu'il a encore fit ce con ? »

Eh oui je tiens à ma vie et Alors !!!

« Il travaille quand ? » me dit-il d'un ton toujours aussi menaçant. Mon cerveau réalisa très vite qu'un « je ne sais pas » pourrait me faire passer un mauvais moment. Donc :

« Repasser demain » car étant en congé 3 jours, comme ça je refile la patate chaude à mon remplaçant. Mais pousser par la curiosité mais n'étant pas téméraire, je lui demandai avec un air de parti pris :

« Ce connard fait chier tout le monde, qu'est ce qu'il a encore fait ? »

« Il a dragué et baisé ma copine »

« Rho, quel salaud !!! » je suis au sommet de l'Himalaya de l'hypocrisie. Comme j'aime à le dire je tiens à ma vie. « J'vais le butter si je le trouve »

Je ne dis rien car l'atmosphère est pesante. Il me demande alors si j'ai le numéro de téléphone de B.

Bien sûr que je l'ai mais je ne veux pas être mêlé de près ou de loin à ce future carnage. Pour pouvoir noyer le poisson je lui dis : Je n'ai le numéro que de mes amis, mais si vous me laissé le vôtre je vous appel des que je le vois.

Crédule, heureusement pour moi, il me laisse son numéro et avant qu'il ne parte je lui rétorque encore :

« Courage, des salauds comme ça ne doivent pas s'en sortir aussi facilement » Aussitôt l'individu parti, je m'empresse de téléphoner à B.

(J'espère que cet homme ne lira pas ce livre ou qu'il aura oublié ma tête.)

Celui-ci ne répondit pas, son portable était éteint donc je lui laisse malgré tout un message de mise en garde. Il n'a plus mis les pieds au magasin, je ne l'ai plus jamais revu. J'ai même cru un moment qu'il lui était arrivé quelque chose mais un ami commun m'a rassuré en me disant qu'il l'avait rencontré au cinéma plusieurs jours auparavant.

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