5 - Zola

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« Je m'étais dit qu'une étoile filante, c'était une étoile qui pouvait être belle mais qui avait peur de briller et s'enfuyait le plus loin possible. Un peu comme moi. »

– Joël Dicker.

Je ne me suis jamais rendue compte à quel point être aveugle me rendait vulnérable avec une famille comme la mienne.

Il faut se rendre à l'évidence : je suis une proie facile.

Jusqu'alors, je me suis toujours sentie en sécurité. J'ai cru trop naïvement que ceux qui en voulaient à ma famille, ne m'en voudraient pas à moi ; moi qui n'y pouvais rien. Je n'ai pas imaginé qu'on puisse m'utiliser comme un instrument pour les atteindre, comme un vulgaire objet interchangeable.

Je pensais qu'ils feraient la différence entre eux et moi.

Mais si il n'y avait aucune différence ? Après tout, c'est le même sang qui coule dans nos veines, c'est la même éducation que j'ai reçue.

Pour quelles raisons serais-je meilleure qu'eux ?

Il y avait un soignant au centre qui disait sans cesse que ce n'était pas parce que nos proches commettaient des erreurs, que nous ferions les mêmes. Apparemment, selon lui, juste commencer par se poser la question de si ce qu'on fait est bien ou mal était déjà une preuve de moralité.

Mais est-ce que le monde est vraiment ainsi ? Y'a-t-il d'un coté le mal, et de l'autre, le bien? Cela semble bien réducteur comme façon d'appréhender l'homme. En fin de compte, ne dit-on pas que l'on peut faire de mauvaises choses pour de bonnes raisons.

La question qui persiste donc est : y-a-t-il seulement de bonnes explications pour commettre des actes odieux?

Sortant du métro, je parcourais les couloirs souterrains, équipée de ma fidèle canne, afin de quitter la station.

Sans la vue, mes autres sens avaient eu la capacité de particulièrement s'aiguiser. Cela présentait d'innombrables avantages, spécialement avec l'amélioration de mon ouïe qui était devenue mon meilleur guide ; malheureusement, cela apportait également des inconvénients, surtout quand mon odorat très sensible devait se confronter aux odeurs pestilentielles du métro.

Je grimpai les quelques marches qui me menaient à l'extérieur et respirai l'air frais en resserrant mon manteau autour de moi. Il faisait froid en cette fin d'après-midi, début décembre, probablement aux alentours des zéro degrés. 

Commençant à marcher jusqu'à mon immeuble, j'écoutai les sons réconfortants de mon quartier, les enfants qui jouaient dans le petit parc du bout de la rue et la chorale de Noël qui chantait, quelques maisons plus bas.

– Salut, Emma, me salua Terry qui tenait un stand de boisson et de bretzel sur le trottoir, Tu veux du thé de Noël, c'est offert par la maison !

J'acquiesçai gracieusement en souriant alors qu'il me mettait le gobelet dans les mains.

– Merci beaucoup, c'est pour ça que tu es mon marchand préféré, ajoutais-je, joyeuse.

Il s'esclaffa bruyamment.

– N'allons pas le dire à Raymond l'épicier, il n'apprécierait pas.

Je rigolai et nous entamâmes une vives discussions où il m'expliqua les choses étranges qu'il avait vu cette semaine. New-York était une pépite pour ce qui était de croiser le bizarre et l'improbable.

– Et toi, comment c'est passé ta journée ? m'interrogea-t-il ensuite.

– Bien, je viens de finir le travail. Je rêve de rentrer chez moi, me préparer à manger et aller dormir.

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