10. Mon devoir après tout

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   Tapis parcourait anxieusement le ciel quand il vit Nobu lui faire de grands signes avec ses bras maigrichons au beau milieu du désert d'Arabie. Il se précipita vers lui. Il s'était échappé de la surveillance de Rafar (qui ignorait son existence, un bon point pour lui) et avait foncé au secours d'Alijah et du singe ! Nobu s'agitait, seul, désespéré, les larmes au bord des yeux. Quand la carpette le rejoignit, il se mit à creuser et et le pressa de l'imiter. Avec ses pompons, le tapis magique dégagea le sol sablonneux jusqu'à ce qu'il aperçoive une masse de cheveux châtains foncés. Nobu la saisit et la tira de toutes ses forces tandis que Tapis continua à débarrasser l'amas de sable dans lequel était coincée leur amie. Quand Alijah fut sortie de là, les pleurs de Nobu redoublèrent. Elle était inerte. Tapis se mit à éventer la jeune femme pour lui retirer la poussière du visage. L'animal lui secoua la tête et lui donna des tapes sur les joues. Pendant plusieurs minutes, rien ne se passa. Puis les yeux et la bouche d'Alijah s'ouvrirent grands et elle se redressa sur ses bras en prenant une grande inspiration bruyante. Elle était en vie ! Encore ! Elle était coriace ! Rien ne pouvait la mettre à terre. J'adorais ça. C'était la moindre des choses pour devenir la plus grande des sultanes !

Ses compagnons sautillèrent de joie. Alijah toussa, se releva maladroitement, dépoussiéra son hideux sarouel en le secouant et jeta un œil aux alentours. Rafar l'avait envoyée au fin fond du désert. Littéralement. Elle était persuadée de ne plus être en Arabie. Elle regarda tour à tour le singe et le tapis. Ils ignoraient quoi faire. Alijah soupira tristement.

- Tout est de ma faute, reconnut-elle. J'aurais du libérer le génie tant qu'il en était encore temps...

Nobu hocha la tête. Tapis eut la décence de regarder le sol. Alijah réfléchit. Retourner au palais était suicidaire. Mais que pouvait-elle faire d'autre ? De toute façon, elle ne connaissait pas l'abandon !

- Il faut y retourner ! Je vais tout réparer.

Tapis, revigoré, remua et se présenta aux pieds d'Alijah, qui sauta dessus, direction le palais !


.  . . .  .


Au palais royal, c'était l'enfer ! Fort de ses nouveaux pouvoirs, Rafar avait transformé sa nouvelle résidence à sa guise, fait enfermer le vieux sultan au cachot et pris le contrôle d'Abraca ! Le parjure était affalé sur le trône hautement rembourré de coussins de soie rouge. Le prince Jazmin était assis en bas des marches, une cheville entravée par une chaîne reliée à un boulet. Moi, j'étais de l'autre côté, dans la même posture, et je n'osais pas le regarder. J'avais (de nouveau) trop honte que ce que mes pouvoirs (tombés entre les mains d'une fort mauvaise personne, oui, mais mes pouvoirs quand même) avaient fait. Rafar tapotait l'accoudoir du trône du bout de ses longs doigts de rapace. Il avait réussi. Enfin. Son plan d'accéder au pouvoir s'était on-ne-peut-mieux dérouler. Après des années de galère, il y était parvenu en tour de main, en une phrase, un vœu. Mais maintenant qu'il avait tout ce dont il avait toujours rêvé, il ne savait que faire. Il avait la capacité de tout réaliser, par sa propre magie ou par son dernier souhait.

Voilà bien le pire défaut de l'être humain : il en veut toujours plus. Même lorsque ses rêves les plus fous sont réalisés. Éternel insatisfait.

Il décida de narguer son ennemi. Il fit apparaître dans sa main une coupe en cristal.

- Prince ! J'ai soif !

Un collier de fer apparut autour du cou de l'héritier auquel était attachée une chaîne dont Rafar en tenait l'extrémité. Un plateau sur lequel reposait une carafe pleine de vin apparut entre ses mains et il n'eut pas d'autre choix que de l'apporter au traître. Ce dernier lui exhiba sa coupe. Jazmin la lui remplit sans un mot.

Alijah et la lampe merveilleuse  🧞‍♂️Où les histoires vivent. Découvrez maintenant