6. Le plus beau spectacle d'Arabie

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   Une petite réunion se tenait dans la salle du trône du palais royal ce matin-là. Le sultan avait convoqué son vizir afin d'obtenir des explications sur sa conduite envers la criminelle qu'il avait faite condamner la veille. Jazmin était également présent, le visage fermé, les bras croisés. Il était entièrement vêtu de noir, comme en deuil, en hommage à la disparue. Rafar prit ceci comme une provocation. Il se prosternait, écoutant à moitié ce que disait le sultan. Il était toujours aussi élégant que d'habitude, personne ne pouvait discerner les vilaines cernes sous ses yeux qu'il avait camouflées. Souvenez-vous, il avait eu une nuit abominable.

- Rafar, votre conduite a été intolérable ! S'il n'y avait pas toutes ces années de bons et loyaux services derrière vous, je... Diantre, que le châtiment aurait été terrible ! Vous vous devez de m'avertir des arrestations par ma garde et de discuter des sentences des prisonniers avec moi... Avant de les faire décapiter !

Il sanctionnait si rarement ses sujets qu'il ne savait choisir ses mots. Rafar n'était point d'humeur du tout à se coltiner un sermon de la part de son souverain. Alors il joua avec sa seule corde sensible :

- Pardonnez-moi, Votre Grandeur. Je ne sais ce qu'il s'est passé... J'avais entendu que le prince avait été enlevé et j'ai agi sensiblement ! Je suis sincèrement confus.

Voilà une excuse que le sultan voulait bien entendre, mais qui ne plut guère au prince. Il se sentait suffisamment mal de ce qui était arrivé à la jeune femme qui l'avait aidé au marché et le vizir sous-entendait qu'il était aussi responsable que lui. Il serra les poings.

- Je vous assure, Majesté ; cela ne reproduira plus !

- Bon...

Cela suffit au sultan pour qu'il adresse un sourire à son fils, lui indiquant que tout était réglé !

- Jazmin. Rafar. Maintenant laissons ce regrettable incident derrière nous !

Jazmin ne bougeait pas. Un "regrettable incident" ? Était-ce ainsi que son père décrivait un meurtre !? Une erreur irréversible, un acte barbare, voilà ce que c'était à ses yeux ! Et son père allait laisser cet homme s'en tirer ainsi ?? Il ne décolérait pas. Rafar s'en aperçut et vint humblement lui baiser la main :

- Je réitère mes plus plates excuses auprès de vous, Prince.

Il se retint de lui présenter ses vicieuses condoléances.

- Combien d'honnêtes gens avez-vous fait exécuter sans leur donner la possibilité de se défendre ?

Silence. Un point pour lui. Rafar se redressa et ils se fusillèrent du regard. Le sultan ne savait plus où se mettre.

- Prince, je comprends que vous ayez été chamboulé et j'en suis navré. Avec ce mariage arrangé, il est naturel que vous ayez eu l'envie d'aller vous promener en ville pendant que vous le pouviez encore...

Comme prévu, l'évocation du mariage fit oublier au sultan la question qu'avait posé Jazmin ! Ce dernier se raidit.

- Je ne suis pas encore marié ! articula-t-il.

- Certes, excusez-moi, il est vrai que ce n'est plus qu'une question de jours... Votre Altesse, si vous avez le moindre doute ou la moindre peur, venez vous conseiller auprès de moi plutôt que de fuir le palais. Imaginez l'inquiétude de votre illustre père, il aurait pu vous arriver malheur... Je pourrais renforcer les gardes, mais sachant qu'il y en a déjà à chaque porte... Comment installer plus de mesures à votre sécurité ?

Il fit mine de réfléchir. Il avait brillamment tourné la situation à son avantage ! Un point partout : Rafar, devant le sultan, faisait mine de ne se soucier que du bien-être du prince et le rappelait à l'ordre ! Il jouait le faux prévoyant pour s'attirer toujours plus de reconnaissance, quel être ! Le sultan méditait sur les propos de son fidèle serviteur.

Alijah et la lampe merveilleuse  🧞‍♂️Où les histoires vivent. Découvrez maintenant