3. Pendant ton sommeil, les serpents t'ensorcellent

111 11 10
                                    


   - Sa Majesté, la reine Oriam !! annonça un garde royal.

Les portes s'ouvrirent et laissèrent passer Oriam, reine d'Afghanistan. Le sultan se précipita à sa rencontre. Elle fit semblant d'être ravie de le revoir.

- Ma chère, quel bonheur de vous revoir entre ces murs !

Le jadis grand sultan n'était plus qu'un vieil homme dodu à la barbe blanche à l'unisson des cheveux, qui avait rapetissé au fil des années. Ils se serrèrent les mains.

- Je craignais que nos relations ne se soient...

- Allons, Majesté, si le prince ne peut se déplacer, c'est à moi de le faire !

- Comme vous êtes aimable ! Sa leçon n'est pas terminée, souhaitez-vous vous reposer en attendant ?

- Volontiers.

Après tout ces chichis, le sultan ordonna à ce qu'une chambre soit préparée pour la reine Oriam et des gardes l'y escortèrent. Elle y posa ses affaires, de grosses malles et de coffres en ferraille, et renvoya les domestiques sans politesse. Elle retira son peigne et son voile, et s'affala sur un coussin boudin. Elle détestait ce palais, moins luxueux que le sien.


///


Oriam était née au Maroc et avait grandi dans une grande famille bourgeoise. Elle aimait les poupées, les contes de fées et les gâteaux très sucrés. À peine sortie de l'enfance, ses parents lui annoncèrent qu'elle allait épouser le grand prince afghane et devenir reine ! Folle de joie, Oriam partit le jour suivant, impatiente de rencontrer son fiancé et de voir la belle robe qu'elle porterait... Elle ne comprit pas lorsqu'ils lui présentèrent un homme qui avait trois fois son âge. Il la regarda sans la moindre affection et ne lui parla pas. Les noces eurent lieu la nuit d'après et toutes les illusions de son enfance disparurent de la plus atroce des façons lorsqu'elle fut emmenée dans la suite nuptiale... Dès lors, son mari se désintéressa d'elle, du moment qu'elle se trouvait dans son lit à l'heure du coucher. Oriam n'eut jamais l'autorisation de retourner voir son pays ou d'écrire à sa famille. Elle était consignée au palais. Son roi commandait tout. Le calvaire de la jeune Oriam dura jusqu'à ce que l'on découvre le souverain égorgé dans son lit, un beau matin. Oriam fit accuser et exécuter la femme de chambre qui avait passé la nuit avec. Enfin, elle put se conduire en reine. L'Afghanistan lui appartenait ! Traumatisée par son expérience du mariage, elle hésita à se prendre un époux... Elle consacra ses premières années de reine à redorer la position de la gent féminine dans le pays : elle interdit le mariage avant la majorité, rendit l'éducation obligatoire, promulgua des droits et des lois visant à punir la violence... Intrigués par cette nouvelle souveraine, beaucoup de monarques tentèrent une approche. En vain. Seul un, un duc d'Occident n'en démordit pas. Elle craqua pour lui mais le laissa la désirer. Il lui fit une cour acharnée durant presque un an. Elle finit par lui céder et l'épousa. Ce mariage dura une semaine et Oriam fut très heureuse d'enfin côtoyer un charmant homme qu'elle estimait assez digne d'elle. Son bonheur fut de courte durée : elle le vit un jour échanger quelques mots avec sa dame de compagnie... Folle de jalousie, sans chercher à en savoir davantage, elle les fit disparaître ! Convaincue que les hommes n'étaient que des crapules servant qu'à assouvir ses besoins, elle se créa une milice secrète, mit la main sur toute l'armée de feu son mari et se mit à chasser... Sous ses airs de gouverneure éternellement célibataire, elle faisait capturer de jeunes hommes et les enfermait dans son harem contre leur gré. En cas de résistance ou de tentative de fuite, c'était direction la salle des tortures, cachée dans ses souterrains. Nul ne sait ce qu'il se passait là-dedans... Enfin, si, moi, mais je m'abstiendrais de le révéler. Oriam était crainte... Et aujourd'hui, elle était décidée à se remarier.

Alijah et la lampe merveilleuse  🧞‍♂️Où les histoires vivent. Découvrez maintenant