X - A silentio

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X, A silentio « Par le silence. »

Charlie

Sans surprise, Barnabé avait plutôt bien pris leur relation avortée. Le brun continuait de trainer sur le toit certains soirs. Il respectait son silence ou n'avait juste rien à dire.

Il voulait tout lui raconter. Le rdv avec le docteur, l'avancé du cancer, les traitements. Mais il avait peur d'essuyer encore un regard impuissant, plein de pitié. Ou pire, un regard inexpressif, désinvolte et mièvre, ça l'aurait achevé.

Alors, il avait gardé sa souffrance et ses doutes pour lui car les autres n'en avaient pas besoin, surtout pas Barnabé qui en avait assez avec la sienne.

Ils se jetaient des regards en biais. Il avait une terrible envie de lui prendre la main et de courir avec lui dans la nuit à en perdre haleine. Fuir tout. Tout fuir. Laisser les démons derrière, arrêter le temps. Il aurait aimé que Barn soit séduit par l'idée, mais il n'aurait pas compris. Il aurait répondu que certaines choses sont en nous et qu'on ne peut pas se fuir éternellement. C'était juste, comme toujours avec Barnabé, mais Charlie aurait aimé qu'ils y croient ensemble.

Deux ignorants dans la nuit, ça aurait fait un drôle de tableau, une sacrée histoire.

Peut-être qu'il fallait qu'il le fasse seul alors. S'en aller, s'évader.

Je lui ai jeté un dernier regard. Un véritable dernier regard. J'avais conscience que je ne le verrai plus jamais.

Oh et puis zut, il n'y avait aucune certitude, mais on pouvait essayer de les racler à la petite cuillère. Il suffisait de se donner les moyens de ne pas avoir peur de la vaisselle et des pots cassés.

- Tu voudrais pas partir ? 


La requête fut accueillie par un refus douloureux. Charlie sentait bien que son interlocuteur n'avait pas bêtement rejeter la proposition.

Alors c'était décidé. Il devait lâcher prise parce qu'il s'était attaché à du vent et que la chute est dure quand on saute dans le vide en se raccrochant juste à l'air. Surtout un vent essoufflé et qui en a marre de tout.

Il expérimentait, comme tout être humain normalement construit, des moments d'« absence », ou le corps décide d'agir à l'opposé exact de ce que le cerveau lui intime de faire. Son cœur, subconscient, ou inconscient, lui donna le courage nécessaire pour lâcher prise. Non pas Barnabé, mais sa raison. Ses mains tremblaient légèrement, mais réussirent à se frayer un chemin vers les boucles brunes qui lui faisaient face.

Il se sentit pris d'un vertige lorsque Barnabé leva les yeux vers lui. Le brun ne chercha pas à s'enfuir, mais ne semblait pas non plus pouvoir se résoudre à réduire la distance entre eux.

Sa main continua son chemin sur le visage de l'adolescent, pour pouvoir s'imprégner une dernière fois de ses traits secs et pourtant si harmonieux. Lorsque son pouce atteignit délicatement le coin de sa lèvre, Barnabé baissa la tête en soufflant légèrement tout en gardant le contact.

Il en profita pour se rapprocher du brun, leurs genoux se touchaient désormais. Surpris par ce contact, l'adolescent releva son regard vers le sien, les yeux de Barnabé hésitaient entre ses lèvres et ses yeux devenus brulants.

Pourtant c'est lui qui fit tout haut ce qu'ils voulaient tout bas. Il rompit l'infime espace qui les séparait et l'embrassa. Il n'y avait plus sa foutue maladie, il n'y avait plus ces personnes qui voulait le protéger du monde, il n'y avait même plus le souffle frais du vent dans les boucles de Barn, juste leurs lèvres qui s'épousaient le temps d'une danse. Une valse maladroite, bousculée. Probablement une première valse pour l'adolescent, mais peu lui importait, pour lui aussi la puissance de ces sensations était nouvelle.

Il avait toujours su qu'il devrait faire ses adieux plus rapidement que d'autres, mais il avait aussi toujours su qu'il n'y arriverait jamais.

Pourtant je me tenais là, en face d'un garçon que je pensais aimer, et lui disais adieu de façon désespérée. C'était la chose la plus effrayante que j'avais faite depuis longtemps et pourtant je sentais que c'était la seule chose dont mon être épuisé était encore capable.  

À nos chrysanthèmesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant