XVIII - Memento mori

3 0 0
                                    

XVIII, Memento mori « Souviens-toi que tu vas mourir »

Charlie

Il avait l'impression que Barnabé avait mis une éternité à se calmer blotti dans ses bras. Pourtant, une fois endormi, c'était comme si le brun avait toujours respiré autant de sérénité.

Il se dit que l'adolescent avait surement besoin d'espace après cet épisode. Le Barn qu'il pensait connaitre aurait pu être extrêmement humilié par une telle crise d'angoisse, bien plus que n'importe qui d'autre.

Il n'était pas sûr de comprendre cet excès de panique. Il fît une chose qu'il regretta aussitôt : se renseigner sur internet à propos des troubles nerveux, suicidaire, dépressif... 

En ouvrant son ordinateur il pensait se rapprocher de son ami, mieux comprendre ce qu'il traversait, au lieu de ça, il fut submergé par des informations effrayantes et beaucoup trop théoriques.

Il réalisa que ce n'était pas la nature mais la raison et la cause de sa crise qu'il lui fallait saisir.

Barnabé n'avait jamais été très démonstratif de ses émotions, mais il était évident que ce dernier ne voulait pas qu'il abandonne les traitements. Ou alors c'était juste la somme d'un trop plein de choses, et il a fallût que le garçon craque à ce moment ? Cela lui semblait plus probable ou peut-être qu'il se voilait la face. Que malgré tout, il y avait bien quelque chose entre eux, ce quelque chose qui les faisait un peu tenir – ou craquer, au choix. Cette idée avait germé quand le brun lui avait confirmé qu'il n'avait pas voulu se tuer cette fameuse nuit.

Tout cela l'avait aussi extenué et il s'endormit sur le canapé de son appartement. Un appel tardif de sa mère mit un terme à sa sieste tardive ou plutôt à cette nuit précoce. 

Après quelques mots doux et polis, elle rentra dans le vif du sujet :

- Le docteur Riera m'a appelé pour me dire que tu ne l'avais toujours pas contacté, à propos de la thérapie.

- Tu connais ma décision 

Heureusement qu'elle n'était pas en face de lui. Il ne savait pas s'il aurait eu le courage de lui dire tout ça, ces mots si définitifs, à la figure.

- Après tout ! Tu abandonnes maintenant ? 

Il sentit son cœur se fissurer un petit peu plus chaque seconde, en entendant sa voix se briser au fil des mots.

- J'ai accepté le fait que j'allais mourir, on va tous mourir maman, toi aussi, alors peut-être que ma mort sera prématurée mais j'ai peur que si je me lance dans un nouveau traitement, je perde cette force, que ça nous brise tous un peu plus.

- De quelle force tu parles, mon fils ? 

Elle ne pouvait pas comprendre. Pour la première fois, il comprit l'impuissance que lui racontait Barnabé face à ses parents, sourds et incapables de suivre et d'adhérer à ses choix.

- Et si jamais ça marchait ? reprit la voix faiblarde dans le combiné.

- C'est pour ça que c'est si dur... 

Il entendit un reniflement étouffé, elle ne voulait pas qu'il l'entende.

C'est pour ça qu'il l'aimait, qu'il l'admirait et qu'elle était une mère formidable, car même si elle ne comprenait pas, elle ne voulait pas laisser sa tristesse et son désarroi déterminer ou orienter son choix. 

- J'ai besoin d'un peu de temps encore, je sais que c'est dur pour vous, alors merci maman, pour tout et embrasse papa pour moi.

- Je t'aime Charlie.

Quand il raccrocha, il se sentît affreusement seul. Ses parents l'aimaient, mais trop pour le soutenir. Barnabé était son ami à sa façon, mais ils restaient aux antipodes.

Face au temps qui défilait, et le désarroi qui pointait son nez dans sa poitrines malade, ses doigts réalisèrent mécaniquement un chemin autrefois familier.

- Allô ? 

Il s'attendait à ce que cette voix le chamboule, mais au contraire elle l'apaisa.

- Salut, c'est Charlie... 

- Je sais. Tu vas bien ? 

- C'est compliqué. Je sais que c'est pas correct de te demander ça, je sais même pas si c'est une bonne idée... 

- Je bosse Charl, mais on peut parler plus tard. Tu sais que je serais toujours là pour toi, hein ! 

- Ok, merci 

Le lendemain, aux premières heures du jour, il rejoignit Maël dans le café où il travaillait. Ils se regardèrent un instant en silence, puis il le prit dans ses bras longtemps. Ce contact lui avait manqué, cette attitude rassurante et son sourire bienveillant.

Ils prirent des nouvelles l'un de l'autre.

- J'imagine que ta mère et ton père n'ont pas bien pris la nouvelle 

- Je ne peux pas leur en vouloir, c'est normal non ? 

- Ouais... si tu es venu pour m'entendre dire le contraire, je pourrai pas non plus Charlie... 

Est-ce qu'il pouvait sérieusement leurs en vouloir ? Au fond de lui, il était un peu rassuré de voir à quel point certaines personnes ne voulait pas le voir partir...

- J'ai l'impression d'enchainer les conneries... 

- C'est pas parce qu'on est pas d'accord avec ton choix qu'il est forcément le mauvais.

- J'espère... J'ai rencontré un gars un l'hôpital. J'avais espoir que lui au moins comprenne mais je crois que c'est l'inverse.

- C'est compliqué s'il tient à toi...

- Rien n'est sûr avec Barnabé. Mais au moins pas de risques d'attaches...

Lui-même n'y croyais pas une seconde.

- Je comprends que tu sois pas à l'aise d'en parler de avec moi, mais t'as le droit tu sais ? Vis-à-vis de moi, mais de ta maladie aussi... 

- Je suis tellement désolé, je détruis tout.

- J'ai rencontré quelqu'un, je suis heureux alors t'as pas à t'en faire pour moi. Et arrête de t'excuser s'il te plait Charlie. Maintenant c'est fini ton cirque, parle-moi de ton Barnabé plutôt ! 

Le ton chaud et autoritaire à la fois ramena des souvenirs à la pelle.

- Je crois qu'on est ami. Il est tellement imprévisible et impénétrable.

Il se stoppa face au regard pervers de son interlocuteur.

- On est tellement à des années lumières de ça, Maël... Enfin il a voulu m'embrasser un soir, bourré et puis je l'ai embrassé une fois aussi, mais c'est tout.

- C'est tout ? Tu plaisante ?! Mais qu'est-ce que tu fais encore là, va le retrouver et faites plein de mini-Charlie !

Sa bonne humeur était contagieuse. Il imagina un instant ce que ça ferait, si Maël avait raison sur toute la ligne.

Mais la réalité le rattrapa bien vite d'une main par le lobe de l'oreille et l'autre par le col de la chemise en l'étranglant à moitié.

- J'en sais trop rien... J'aimerais bien qu'il n'y ait pas tant de non-dits entre nous. Enfin je sais même pas si je compte réellement pour lui, ou s'il veut que je tente le nouveau traitement... 

- Si son avis compte dans la balance pour ton choix, je suis pas sûr que tu devrais douter encore longtemps de tes sentiments... 

C'était vrai. Pourquoi avait-il tant besoin d'avoir le soutient et l'approbation de Barnabé, s'il n'était que de simples connaissances ? Il fallait se rendre à l'évidence, le brun était tellement plus.

À nos chrysanthèmesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant