Interview {PLK}

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Bonjour!
Je vous préviens, le chapitre n'est pas le plus joyeux de l'histoire... néanmoins, j'espère qu'il va vous plaire ! (please me trucidez pas pour le tournant que prend Interview)
Bonne lecture ! ❤️

Mardi 17 Mars 2020

Point de vue de Mathieu

BFMTV tourne en boucle depuis presque vingt-quatre heures. Je suis resté scotché au canapé, la bouche-entrouverte, et ma grand-mère s'est effondrée dans mes bras.
Macron a parlé. Il vient de proclamer un confinement de plusieurs mois. Comme ça, sans pression. Tout ça à cause d'une petite chauve-souris. Loïs m'avait prévenu pourtant, mais tout ça me semblait tellement improbable. La réalité vient de nous mettre une grande claque dans la gueule.
Je m'apprête à envoyer un message à la petite brune, pour lui demander comment elle et Sam vont gérer leurs cours, comment Evan va faire avec la fermeture de L'Entrepôt. Je suspends mon geste. J'avais, pendant un court instant, oublié. Loïs m'a plaqué. Juste parce que j'ai omis de lui parler d'une petite partie de ma vie. Pourtant, j'ai essayé de me confier à travers mes textes. Mais même une génie comme elle ne peut pas décrypter tous mes messages codés.
Amel, ça a été ma copine pendant près de deux ans. On se connaissait depuis toujours ou presque, elle avait toujours fréquenté ma clique de copains. Alors oui, je suis sorti avec elle, parce qu'elle était belle et plutôt sympa. J'ai commencé à réussir dans le rap, je gérais comme je pouvais ma rapide ascension. Elle, elle a pas réussi à gérer de son côté. Crises de jalousie, piques, remarques sur mes horaires. On s'engueulait plus qu'on ne se parlait. On a fini par se séparer bruyamment, et elle s'est barrée en Espagne pour ses études. Quelques mois après, je sortais mon album et je retombais par hasard sur Loïs et son sourire solaire.
Je suis con.
Oui, Amel m'avait offert cette bague alors que j'étais en galère de thunes. Oui, je l'avais gardée alors que nous nous étions séparés. Elle n'avait aucune valeur sentimentale pour moi. C'était juste une belle chevalière. Et puis Loïs s'y était intéressée, la chevalière avait commencé à prendre une valeur symbolique à nos yeux, et je lui avais offerte.
Je suis vraiment trop con.
Babcia doit remarquer que je viens de me replonger dans des pensées sombres puisqu'elle serre tendrement ma main. Je la regarde et souris légèrement pour la rassurer. Quand je suis rentré vendredi soir -ou samedi matin-, j'étais complètement mort. J'avais déjà forcé sur la fumette avant d'arriver à L'Entrepôt, et quand Loïs m'a plaqué, j'ai tisé jusqu'à dépasser largement le taux d'alcool autorisé dans le sang. J'étais particulièrement en colère. Le genre de colère que j'avais quand rien n'allait dans ma vie ou quand je voyais ma grand-mère pleurer sur des factures qu'elle ne pouvait pas payer. J'étais en colère contre tout le monde. J'étais en colère contre moi-même. Alors quand je suis rentré, j'ai même pas cherché à ne pas faire de bruit, et j'ai réveillé ma grand-mère. Elle n'a rien dit sur mes yeux rougis, et s'est contentée de me préparer un chocolat chaud. Puis comme à la bonne vieille époque, elle a confisqué mon tabac et ma beuh. On s'est assis dans la cuisine, j'ai bu mon chocolat chaud en silence. Elle a fini par me demander ce qui s'était passé. Je lui ai tout raconté d'une traite. Elle ne m'a pas jugé, ou quoi que ce soit. Elle m'a écouté cracher, gueuler, m'indigner. Pleurer un peu aussi. Comme toujours, elle a su me calmer et trouver les mots justes. Elle a embrassé ma joue, et m'a ordonné d'aller me coucher.
On en a pas reparlé depuis.

Hitch tourne en rond, sa queue battant ses flancs. Elle me regarde avec ses petits yeux sombres implorants.

« Tu devrais la sortir, me conseille Babcia. Ça va te changer les idées. Et puis elle me stresse à tourner en rond comme ça. »

J'acquiesce. Ma grand-mère a, comme toujours, raison. Je mets un sweat et chope une casquette au hasard. C'est celle avec le logo du $-crew. Celle que Loïs m'empruntait parce que « après tout, un bout du label m'appartient un peu ». Je la repose et en choisis une autre. J'enfile une paire de baskets, attrape la laisse d'Hitch qui a vite compris que j'allais enfin l'emmener en balade. J'attache sa laisse, et c'est parti pour un tour du bloc. Quelques mecs me saluent de loin, et habituellement, je serais allé fumer une clope avec eux, mais là, j'ai vraiment pas envie, alors je trace ma route. La vue de Hitch qui fouine partout et tire à mort sur sa laisse m'apporte un peu de réconfort: c'est vraiment le meilleur chien du monde. Comme d'habitude, les gosses viennent caresser son pelage court et noir, ou gratter ses oreilles. Tout le monde raffole de Hitch. C'est comme ça, c'est physique. Ces mêmes gamins me demandent si je veux participer au match de football qu'ils font cet aprem, je refuse. À croire qu'ils n'ont pas entendu les annonces de Macron et que le confinement, ils ne savent pas ce que c'est. Quoi que, pour eux ce confinement doit être le début des vacances, vu que les écoles ont fermé. Ils vont voir flou quand les profs vont leur envoyer des devoirs via Snapchat. Cette pensée m'arrache un petit rire tandis que je rentre dans mon bâtiment. J'emprunte les escaliers, puisque l'ascenseur est toujours hors service. Quand est ce qu'ils le répareront ?