Chapitre 1 - Le cauchemar VSEPR

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Ville de Sendai, 28 octobre – J-70

— ... et ainsi, trouver la représentation de la molécule grâce à la formule VSEPR.

Là où Akiteru écoutait avec attention une lycéenne assister une conférence de chimie, Tsukishima s'ennuyait tant qu'il manquait de s'endormir.

Ils étaient installés au beau milieu d'un amphithéâtre à demi rempli : une brunette en seconde gribouillait sur la moitié d'un tableau noir. Ce qu'elle débitait n'était pas même au programme de chimie de lycée ; ça ne concernait pas plus le métier de son frère. Alors, pourquoi diable l'avait-on traîné ici ?

Et on est un dimanche... J'aurais dû prétexter un entraînement bonus, songea Tsukishima. Yamaguchi aurait pu me couvrir, et je n'aurais pas eu à subir ce cours rafistolée... Il retira ses lunettes un instant, blasé au possible.

Il était amusant de voir que la pauvre silhouette de cette pauvre lycéenne, s'appelant pauvrement Eigishi, se résumait désormais à un pauvre point flou. Mais Tsukishima avait beau ne plus voir son visage, il percevait toujours son ton pressé. C'était trivial : elle semblait espérer se retrouver partout, sauf devant un public d'étudiants ou d'adultes passionnés de chimie.

Que foutait-elle là ? Allait-elle au moins recevoir de l'argent pour s'être levée un dimanche à huit heures ? Comment Diable connaissait-elle cette formule EVRSP ?

— Akiteru. On peut partir ?

L'intéressé secoua la tête : au même instant, Eigishi évoqua des « électrons de valence ». Le lycéen abandonna aussitôt la partie et sortit son casque de son sac. Mais son frère posa bien vite sa main sur son épaule.

— On arrive à la partie la plus intéressante.

Je ne vois rien d'intéressant, mais soit. Tsukishima attendit donc qu'Akiteru détourne le regard pour cacher le fil de son écouteur dans la manche de sa veste, en placer l'oreillette au milieu de sa paume et reposer sa joue dessus dans la plus grande des innocences.

Il n'entendit sa musique que d'une oreille, mais cela suffit pour recouvrir à moitié la voix d'Eigishi. Au moins, il ne percevait plus ses mots, et entendait tout juste son frère murmurer que savait-il. Lorsque l'adolescente quitta enfin le devant de la scène, un homme bien plus âgé prit sa place.

L'école de Shiratorizawa est à quelques pâtés de maison, songea-t-il. Un léger rictus se dessina sur ses lèvres. Je me demande comment ils savourent leur défaite. Akiteru lui posa une question aléatoire : il acquiesça mécaniquement. Un sourd « parfait » plus tard, une feuille passa sous son nez.

Il la refila à sa voisine. Il se leva de son banc lorsque son frère bougea enfin. Sur les talons de celui-ci, il descendit les marches de l'amphithéâtre, droit vers la sainte sortie sonnant sa délivrance. Du coin de l'œil, il aperçut une dernière fois Eigishi : elle dépassait le nain qu'était son professeur, ou son père, ou son oncle, ou peut-être même son grand-père, il n'en avait pas grand-chose à faire. Mais au même instant, elle se tourna vers la foule, les lèvres pincées.

Puis, ses petits yeux ambre se posèrent sur lui : elle fronça étrangement les sourcils. Il se raidit d'autant plus lorsqu'elle marcha vers lui, sa queue-de-cheval ordonnée se balançant au rythme de sa marche pressée. Il se résolut même à sortir un « mon bus va être en retard » quand elle arriva à sa hauteur.

Cependant, à peine ouvrait-il qu'il réalisa que son visage pointu ne se levait pas vers lui... mais Akiteru.

— Bonjour, le salua-t-elle en souriant. Comment tu vas ?

ᴅᴇ́sᴀsᴛʀᴇ ⌜ᵗˢᵘᵏⁱˢʰⁱᵐᵃ ˣ ᵒᶜ ,ᵗᵒᵐᵉ ¹ ⌟ [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant