Ibn al-Qayyim a répondu à cette question avec beaucoup de détails dans son livre intitulé Ar-Rûh. Nous allons nous contenter de donner un bref aperçu des propos qu'il a mentionnés dans ce livre.
D'après 'Aïcha (qu'Allah soit satisfait d'elle), le Messager d'Allah () a dit: « Aucun homme ne visite la tombe de son frère coreligionnaire et s'assied auprès d'elle sans que le mort ne se réjouisse de sa compagnie, jusqu'à ce qu'il le quitte. » Ibn Abu al Dounya
Abou Hourayra (qu'Allah soit satisfait de lui) a rapporté que le Messager d'Allah () a dit : « Tout homme qui passe par une tombe et salue son habitant, il lui rend le salut même s'il ne le connaît pas. » Ibn Abd al Bar a qualifié ce hadith d'authentique
'Abd al Rahman ibn Chamasa al-Mahri raconte : «Nous rendîmes visite à 'Amr Ibn al 'Âs alors qu'il était à l'article de la mort. Il pleura longtemps et tourna son visage vers le mur. Son fils lui dit: « Ô père ! Qu'est-ce qui te fait pleurer ? Le Messager d'Allah () ne t'a-t-il pas annoncé que tu auras telle et telle récompense ? » Alors il nous regarda et dit : « Nous considérions l'attestation qu'il n'y a d'autre divinité à part Allah et que Mohammed est le Messager d'Allah était la meilleure œuvre. Dans ma vie je suis passé par trois états. Il fut un temps où je me vis l'homme le plus haineux vis-à-vis du Messager d'Allah. Mon plus grand désir était alors d'avoir une occasion pour le tuer. Si j'étais mort dans cet état, je serais certes parmi les damnés du Feu. Puis, quand Allah a ouvert mon cœur à l'Islam, je vins trouver le Prophète () et lui dis : « Tends la main, que je te fasse acte d'allégeance ! » Il tendit sa main mais je retins la mienne. Il me dit: « Qu'as-tu donc ? Ô 'Amr ! » Je dis : « J'ai une condition à poser ». Il dit : « Et qu'elle est ta condition ? » Je dis : « L'absolution de mes péchés ». Il dit : « Ne sais-tu donc pas que l'Islam efface tout ce qui le précède et que le pèlerinage efface tout ce qui le précède ? » Nul n'était alors pour moi plus aimé que le Messager d'Allah () ni plus vénéré que lui. Après cela je ne pouvais plus le regarder longuement par égards pour lui et si l'on m'avait demandé de faire sa description, j'en aurais été incapable car mon respect m'empêchait de fixer sur lui mes regards. Si j'étais mort en cet état, j'aurais espéré être l'un des élus du Paradis. Puis on nous a confié des charges et j'ignore si j'ai rempli mon devoir ou non. Une fois que je serai mort, je tiens à ce qu'il n'y ait dans mon cortège funèbre ni pleureuses, ni feu. Quand vous m'aurez enterré, faites couler lentement sur moi la terre et restez autour de ma tombe le temps d'abattre une chamelle et d'en distribuer la viande afin que votre présence m'aide à supporter ma solitude et que je voie ce que je devrai répondre aux Anges-Messagers de mon Seigneur ». (Mouslim)Ibn al-Qayyim a dit après avoir mentionné ce hadith : « Ce hadith montre que le mort se familiarise avec ceux qui se tiennent près sa tombe et se réjouit de leur présence. » Pour appuyer son point de vue il cite une dizaine de récits qu'il attribue à certains prédécesseurs connus par le savoir, la droiture et la piété:
Soufiân ibn 'Ouyayna raconte: « Quand mon père mourut, je m'inquiétais trop à son sujet. Je visitais sa tombe chaque jour, puis je cessais de le faire le temps qu'Allah a voulu. Un jour, pendant que je m'asseyais près de sa tombe, le sommeil me gagna et je vis en rêve que la tombe fut ouverte et mon père assis dedans en se calfeutrant de son linceul et avait l'aspect d'un mort. Alors, comme j'avais l'air de quelqu'un qui pleure, mon père me dit : « Ô fils, pourquoi tu t'es absenté toute cette période ? - Ô père, lui répondis- je, étais-tu toujours au courant de mes visites ? - Oui, dit- il, et chaque fois que tu venais me visiter, je m'en réjouissais ainsi que ceux qui sont proches de moi en t'entendant faire les invocations ». Après cela, je lui rendais visite la plupart de temps».
'Othmân ibn Sawada al-Tafawi rapporte que lorsque sa mère appelée Râhiba, qui était une dévote, fut à l'article de la mort, elle leva sa tête vers le ciel et invoqua Allah en ces termes : « Ô Toi qui es ma réserve, à qui je me fie durant cette vie et aussi dans l'autre, ne m'humilie pas après ma mort et ne me laisse pas seule dans ma tombe ». Il dit : « Chaque vendredi je visitais sa tombe et lui invoquais Allah de lui pardonner ainsi qu'à tous les morts. Un jour je la vis en rêve et lui demandai : « Ô mère ! Comment tu te trouves ? ». Ô fils, me répondit- elle, la mort à, certes, ses affres. Quant à moi, louange à Allah, je suis dans un endroit louable où nous nous étendons sur un tapis de myrte en nous accoudant à des coussins de soie et de brocart, et nous resterons ainsi jusqu'au Jour de la Résurrection ». - As-tu besoin de quelque chose ? Répliquai- je.
- Oui, dit- elle, je veux que tu viennes toujours pour invoquer Allah en notre faveur, car je me réjouis quand tu viens nous visiter le jour de vendredi. On me dit : « Ô Râhiba, voilà ton fils qui est arrivé, alors je me réjouis et ceux qui m'entourent parmi les morts se réjouissent également ».
Bichr ibn Mansûr raconte: « Du temps où la peste qui avait envahi le pays, un homme venait au cimetière pour participer à la prière funéraire. Le soir, il se tenait debout à la porte du cimetière et disait : « Qu'Allah soit votre compagnon, ait pitié de vous, pardonne aux pécheurs d'entre vous et accepte vos bonnes œuvres », sans y rien ajouter. Cet homme raconte: « Un soir, je rentrai chez moi sans passer par le cimetière et faire l'invocation habituelle. Je vis en rêve une foule de gens qui vinrent me trouver. Je leur demandai: « Qui êtes- vous ? Que voulez- vous ? ». - Nous sommes les habitants du cimetière et nous voulons que tu viennes toujours, nous visiter et faire la même invocation, me répondit- on. Dès ce jour- là, je ne cessai de visiter le cimetière et faire l'invocation.
Soulaym ibn 'Oumayr se trouvait dans un cimetière avec quelques-uns de ses compagnons, et, voulant satisfaire un besoin, ils lui dirent: «Va auprès d'un de ces fossés et urine ». - Il pleura et dit: « Gloire à Allah! Par Allah, j'ai honte des morts comme j'ai honte des vivants. Si le mort ne s'apercevait pas de cela, je n'aurais pas honte de lui» avant d'ajouter : « On a rapporté et affirmé que les œuvres des vivants seront exposées aux morts qui se réjouiront des bonnes d'entre elles. Quant aux mauvaises, ils s'écrieront : « Ô Allah, accorde leur Ton pardon ».
Après la mention de ces récits dont nous avons omis d'en citer une grande partie -afin de rester bref- Ibn al Qayyim conclut : « Les récits et les exemples abondent dans ce sens. Il faut donc retenir que les morts reconnaissent leurs visiteurs, autrement cette visite n'a aucun sens. En plus le Prophète () enseignait aux musulmans une formule à dire quand ils visitent les tombes et qui est la suivante: « Que la paix soit sur vous ô habitants de ces demeures parmi les musulmans et les croyants. Si Allah le veut, nous vous rejoindrons. Qu'Allah fasse miséricorde aux devanciers d'entre vous et nous et à ceux qui viendront après eux. Nous demandons à Allah d'accorder le salut à nous tous». De cette formule nous pouvons déduire que le mort reconnait son visiteur et entend sa salutation mais il est incapable de répondre ». Fin de citation