Amir a regardé fixement le bouquet ; de l'eau gouttait des tiges coupées.
–Monte la garde ! m'a t'il commandé en échangeant son sac de courses et le parapluie contre les fleurs.
Il les a cassées dans un saut au hasard, puis il a transvasé d'autres bouquets, jusqu'à ce qu'il parvienne à libérer un saut. Alors, seulement, j'ai compris le but de l'opération.
Certaines fleurs étaient déjà mortes, signe qu'elles étaient au sec. D'autres, flétries, reposaient seulement dans un fond d'eau. Il suffisait de repérer celles qui étaient encore fraîches et pimpantes pour localiser les récipients pleins du précieux liquide. Amir s'affairait discrètement, en regardant régulièrement autour de lui. Des gens assoiffés, désespérés, le dépassaient sans lui prêter attention. Après avoir rempli un premier saut, il s'est attaqué au suivant.
Je le regardais faire, perplexe. Comment pouvait-il être sûr que cette eau n'était pas contaminée? Il devait en être convaincu, sans quoi, il ne se serait pas donné tout ce mal. Et je ne demander qu'à le croire. La soif me donnait le tournis.
–Surveille, Anna ! a-t-il sifflé entre ses dents.
J'ai reculé et jeté un coup d'œil dehors. Rien à signaler, hormis les passants qui allaient et venaient sans s'intéresser à nous. J'ai retiré mon chapeau d'Indiana Jones pour m'évanter le visage et j'ai regardé le ciel. J'ignore pourquoi. Je n'avais pas encore le réflexe de lever la tête à la moindre occasion. J'ai levé les yeux, et j'ai découvert un ciel inquiétant.
Un orage s'annonçait. Les nuages effilochés de tout à l'heure s'étaient agglomérés, boursouflés, pour produire des cumulus congestus chargés de pluie. Sous ces gros bibendums rôdaient de petits fractus sournois, tandis qu'au loin, mais déjà imposant, un cumulonimbus calvus se préparait à faire son entrée.
Je suis devenue une vraie spécialiste des nuages, maintenant : je les connais tous par leurs petits noms, et je sais ce qu'ils nous réservent. Mais, sur le moment, j'ai juste deviné qu'il allait pleuvoir.
Je suis rentrée à la hâte. Amir ne m'a pas laissé le temps de lui parler des nuages..
–Passe-moi les sacs ! m'a t'il lancé.
Des cris fusaient du côté des congélateurs, comme si une dispute avait éclaté. Le chien aboyait comme un fou. Un enfant a hurlé.
J'ai fait ce que Amir me demandait. Il y a installé les seaux.
–Doucement, m'a t'il recommandé.
On a ramassé notre butin et on est sortis dans le parking. Au bout de quelques pas, Amir à regardé le ciel.
-Merde ! a-t-il pester.
J'ai cru qu'il allait vouloir retourner au supermarché, mais ça commençait à chauffer sérieusement, là-dedans. Il a hésité une seconde, puis m'a crié :
–On court!
J'ai détalé en pensant qu'il voulait rentrer à la maison. Je n'avais pas fait trois mètre que le précieux contenu de mon seau jaillissait déjà par-dessus bord.
–Anna! a braillé Amir.
Je me suis retournée et j'ai vu qu'il m'attendait devant la portière ouverte d'une voiture.
–Ici! a-t-il crié. VIENS ICI!
Comme si j'étais un chien.
J'ai fait demi-tour et foncé vers la voiture. L'instant d'après, j'étais assise sur le siège du conducteur. Le tissu de mon pantalon, soi-disant imperméable, s'est assombri à mesure qu'il s'imbibait de l'eau croupie qui coulait sur les bords du sac. Le cri qui s'est échappé de ma bouche a couvert le vacarme des alarmes.
–Aaaaah ! Et si elle est empoisonnée?
Je me suis tournée vers Amir, qui buvait à même le seau. Il a laissé échapper un soupir d'aise et s'est essuyé la bouche, comme s'il n'avait jamais rien goûté d'aussi délicieux.
–Anna, je pense vraiment que cette eau n'a pas été changée depuis des jours, m'a-t-il répondu.
–Mais comment tu le sais?
–Avec tout ce qui s'est passé, je ne crois pas que quelqu'un ait pensé à arroser les fleurs du supermarché. J'en suis même absolument sûr!
J'ai haussé les épaules. Comment pouvait-il en être certain? Cette eau était pire que de la glace fondue aromatisée à la pizza et au poisson pané ! Elle avait une odeur infecte, et grouillait probablement de millions de petites bactéries de l'espace, qui agitaient leurs tentacules pour me dire bonjour : «Allez, Anna, bois nous, qu'est-ce que tu attends?»
J'ai cru que j'allais devenir dingue à force de la regarder. La preuve, Amir avait déjà pété un plomb. C'est le problème avec la soif. Passé un certain stade, on serait prêt à boire n'importe quoi pour que ça s'arrête. C'est pourquoi les gens deviennent fous dans le désert, et boivent du sable en pensant que c'est de l'eau. Ou que les marins naufragés coincés dans leurs canots craquent et avalent des seaux d'eau de mer, avant de se jeter sur leurs camarades d'infortune pour les dévorer.
–Je me sens très bien! a déclaré Amir.
J'ai jeté un dernier coup d'œil méfiant au contenu de mon seau, et j'ai bu à mon tour.
C'était à la fois horrible et délicieux. J'ai eu un bref élan d'optimiste. Le monde entier était devenu fou, les gens couraient dans le parking, mais c'était sans importance. On était sains et saufs, et on venait d'étancher notre soif. Aaaaah!
Et soudain, BANG !
Je n'avais encore jamais entendu de coup de feu. Pas dans la vraie vie. Pourtant, j'ai su immédiatement ce que c'était. Il a été suivi d'un énorme fracas de verre brisé, puis d'une autre détonation. Les gens sont sortis en courant du supermarché et se sont mis à zigzaguer dans le parking. De nouvelles alarmes se sont déclenchées.
Au même instant, une grosse goutte de pluie s'est écrasée sur le pare-brise. Alors que je la regardais glisser avec horreur, il en est tombé une autre, puis encore une autre.
–Ferme les portes à clé! m'a commandé Amir.
–Quel bouton?
–De ton côté. Le loquet, dans la portière.
Il a tendu un bras devant moi pour appuyer sur le bouton. SCHTOMP !
Autour de nous, les gens courraient se mettre à l'abris en hurlant. Certains tentaient de regagner le supermarché, d'autres fuyaient. À intervalles réguliers, on entendait des hurlements, des coups de feu. C'était une pagaille indescriptible.
BLAM ! Une femme au visage ruisselant de larmes s'est cognée contre la voiture. Un petit filet de sang coulait sur sa joue. «Excusez-moi. Je suis désolée! » a-t-elle marmonné. Puis elle nous a vus, et elle a essayé d'ouvrir la portière arrière, du côté du siège bébé.
–Laissez-moi entrer! a-t-elle braillé.
–N'ouvre pas! a fait Amir d'une voix dure, glaciale.
La femme a contourné la voiture. Elle a pressé les paumes, puis le visage contre ma vitre. Elle avait l'air terrifiée.
–S'il te plaît! m'a t'elle implorée.
Ça aurait pu être ma mère.
–On ne peut rien faire pour elle, m'a dit Amir.
Je l'ai regardée en larmes, et j'ai articulé : «Je suis désolée. » Elle a continué de m'implorer : «S'il te plaît...»
Finalement, elle a poussé un hurlement de rage, balancé son poing contre la vitre et craché sur le verre qui nous séparait, avant de reculer en titubant.
–Va à l'arrière! m'a ordonné Amir.
Il a pris le seau sur mes genoux et il l'a posé près du sien.
–Va à l'arrière! a-t-il répété.
Voyant que je ne réagissais pas, il m'a attrapée par les épaules pour m'obliger à déménager.
–Allonge-toi!
Il m'a forcée à m'aplatir sur la banquette en m'appuyant sur la tête, puis s'est faufilé près de moi.
–Fais semblant d'être morte.
La fusillade a repris. Les cris continuaient de fuser à intervalles réguliers. Des gens sont passés tout près de la voiture. Plusieurs ont tiré sur une poignée pour essayer de l'ouvrir. J'ai dû me mordre la langue pour ne pas hurler de frayeur.
–Ne crois pas que ça va te dispenser de tes révisions, m'a glissé Amir à l'oreille.
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The Rain
AdventureUne pluie mortelle s'abat sur la Terre : les moldus sont menacés de disparition. Anna, 15 ans, par à la recherche de son père mais reçois une lettre. Je m'appelle Anna Wilson, et voici mon histoire. Si vous la lisez, vous avez énormément de chance d...