Il me faut à peine une heure pour finir mes bagages. J'ai tout vérifié cent fois, mais l'excitation et le stress me crient que regarder encore une dernière fois ne fera de mal à personne. Mieux vaut prévenir que guérir. Ce n'est que quand j'entends sonner à la porte que je me rends compte que j'ai peut-être un peu tardé. Je suis le dernier à rejoindre l'aérbus dans lequel toute l'équipe est déjà entassée. Tous sont dans le même état que moi et je me sens comme un gamin à Noël. On réalise un peu un rêve d'enfant aujourd'hui. J'ai l'impression que l'on est tous reliés, comme si la conscience de ce grand moment qu'on vit ensemble nous unissait. Après tout, on est les premiers français à participer à la ligue mondiale des gravity games, et ce n'est pas rien. Cette année, c'est au tour de la Chine d'organiser les jeux, et je suis d'autant plus heureux que j'ai toujours rêvé de visiter ce pays.
Toute l'équipe profite du long trajet en avion pour prendre un repos nécessaire avant la grande compétition. Moi je relis les lettres d'encouragement de Katty en boucle, comme une prière. Ma sœur m'envoie toujours des lettres avant les matchs importants parce que d'après elle, « le papier transporte mieux les émotions. Et puis, m'a-t-elle un jour confié, si jamais pour une quelconque raison les portables du monde entier venaient à s'éteindre, au moins toi tu saurais encore que je t'aime. » Je n'avais pas d'arguments contre ça.
L'aéroport est immense, bondé, les gens se pressent dans tous les sens. C'est là que je me rends vraiment compte que la mondialisation, c'est pas des blagues. Je grelotte un peu en attendant le chauffeur qui doit nous emmener à la Place Capitale. L'immeuble, large et haut comme je n'en ai jamais vu, s'élève vers le ciel comme une interminable flèche de verre. On ne peut que rester muet devant la démesure d'un tel lieu, insensible aux lois du possible. Nous sommes en avance et Glen, notre entraîneur, nous autorise à aller nous promener quelques minutes dans le bâtiment avant le début de la réunion.
Je me dirige directement vers les immenses baies vitrées pour admirer la vue. Evidemment, nous étions au centre de l'étage, et se rendre aux extrémités revient à chercher une aiguille dans un labyrinthe de foin. Heureusement, le plan est affiché à intervalles réguliers dans les couloirs et je n'ai pratiquement aucun mal à retrouver mon chemin.
Je vois déjà la lumière éclatante du jour au loin, quand des voix dans le bureau à ma droite attirent soudainement mon attention. La porte est entrouverte, et une femme apparemment autour de la cinquantaine parle d'une voix lasse.
« - Ça y est Monsieur. Les dernières centrales ont cessé de fonctionner. J'imagine que les REEnR ont rompu leur contrat...
Il semble qu'elle parle à un homme plutôt imposant caché derrière la porte. Alors que celui-ci prend la parole à son tour, je sursaute violemment. C'est la voix du Grand Meneur.
- Ils sont partis ce matin. J'ai appris qu'ils avaient utilisé tout l'argent de la construction pour élaborer des vaisseaux autonomes capables de les emmener à la recherche d'une planète habitable. Il doivent être loin à l'heure qu'il est.
- Et vous alors ?
- Je... je ne peux pas abandonner les habitants comme ça, je resterai jusqu'au bout.
- Que leur direz-vous demain, quand les grandes pannes commenceront ?
- La vérité, Milène, ils la méritent. Et puis, je refuse de croire que tout est perdu. Si l'on veut toujours de moi après cela, je dédierai le reste de ma misérable vie à tenter de redresser les torts de ce monde.
Un sourire triste s'affiche sur les lèvres de la conseillère à ces mots.
- Cela a été un réel plaisir de vous rencontrer Monsieur. Les années que j'ai vécu ici resteront sans doute les plus belles de ma vie.
- Filez vite avant que les derniers trains ne soient partis. Et prenez soin de vous.
La fin du dialogue m'échappe alors que je m'enfuis sous le regard suspicieux d'un gardien. Après avoir vérifié que je ne suis pas poursuivi, je m'arrête et souffle quelques instants. Sans m'en apercevoir, j'ai couru jusqu'aux baies vitrées.
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Voilà le premier chapitre, n'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez :)
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Gravity Games
ParanormalQuand les lumières s'éteignent, quand les yeux se ferment, il est toujours plus difficile d'imaginer l'avenir. Que faire, alors, quand les lendemains se brouillent soudainement ? Moi, j'ai fait comme j'ai pu, rêvant pour l'éternité à ces lendemains...