LUNE CURIEUSE

K

ㅤㅤㅤㅤㅤㅤㅤㅤUN SILENCE inconfortable apparu dans l'ambiance auparavant agréable mais taquine. Seuls les ronflements paisibles de Gon se faisaient encore entendre dans la chambre de la vieille auberge sale. Killua semblait redécouvrir son environnement - ce qui le surpris beaucoup. Il n'avait pas été aussi détendu depuis un moment. Les seules fois où il était tellement concentré dans une conversation qu'il en avait baissé sa garde, c'était lorsqu'il était chez la fameuse tante Mito. La présence de Leorio semblait avoir le même effet de sécurité, quand on le connaissait bien. Tout ça était encore très étranger pour le Zoldyck.

— Donc, il brisa le silence, souhaitant en finir avec cette conversation avant d'aller se coucher, une dernière chose et je te laisse. Je pense que Kurapika n'a pas de cœur, perso.

      L'autre homme, qui avait continué à observer le ciel et les quelques voitures aléatoires qui passaient dans la rue solitaire, lança finalement un regard au petit. La voilà, l'affirmation qui prouvait que Killua ne pensait en réalité aucun mal du garçon blond. Car qui pourrait croire que Kurapika, de toutes les personnes, n'avait pas de cœur ? Le trouver froid, égoïste, ou peu importe l'adjectif, c'était compréhensible. Mais "sans cœur" semblait tiré par les cheveux. Paladiknight n'avait pas tellement besoin de réfléchir pour répondre, cette fois. Alors qu'il s'apprêtait à se lancer dans ses explications infinies n'impliquant aucune mention de la masturbation, l'albinos fit une dernière remarque désobligeante.

— En vrai, je suis sûr que si on vérifie son pouls, on ne sentira rien. Aucun cœur à arracher ou à briser. Juste le vide de l'obsession et de la vengeance.

— Je l'ai pourtant senti, son cœur. Il bat la chamade, il est bel et bien présent. On dirait qu'il hurle, comme s'il essayait de se faire remarquer... Son cœur brûle d'affection et de tendresse, au contraire de ses mains glacées et son regard givré. Pourtant, ses yeux, ses mains et tout lui d'ailleurs, sont ce qui me réchauffe moi-même... Peut-être que ce n'est qu'une étrange réaction chimique, à peu près comme "moins c'est chaud, plus ça brûle". Ou alors, Kurapika est simplement la personne la plus chaleureuse que je connaisse-

      Ce regard. Ce putain de regard. L'air taquin et malicieux de Killua. Encore. Il est prêt à conclure la conversation par la vérité que Leorio tentait tant bien que mal de cacher. Il comptait tout révéler, l'exposer devant ses sentiments enfouis pour l'embarrasser plus que jamais. Le vieil homme ne lui laissera certainement pas ce plaisir. Pris d'un soudain élan de courage, il prononça les mots suivants.

— Bon ok, je l'avoue. J'aime Kurapika. Je suis amoureux de lui. Content ?

      Même si la phrase était sortie d'un coup, d'un ton confiant, le visage du médecin était, lui, désespéré. La honte qu'il ressentait était bien pire qu'auparavant. Il était mis à nu devant des millions, des milliards de personnes, là. Killua n'a pas le temps de répondre avant qu'une troisième voix forte et stridentese fasse entendre.

— Vraiment ?!

      Le pêcheur n'était plus au lit, mais maintenant à la fenêtre aussi, auprès de ses deux amis. Leorio n'avait pas le temps de se rendre compte de la gravité de sa situation et l'ancien tueur n'arrivait pas à se moquer, trop obnubilé par le sourire éclatant de Gon. Ce dernier n'avait pas l'air fatigué du tout alors qu'il ouvrait la fenêtre. Maintenant, les trois garçons observaient la lune, la douce brise de la nuit les rafraîchissant. Si l'odeur de la rue polluée était désagréable, le vent, la vue et l'atmosphère que contenait la petite bulle personnelle qui leur appartenait compensaient largement.

— Je pensais que vous étiez amis... Mais si tu es amoureux de Kurapika, alors je suis sûr que lui aussi, il t'aime. Il n'y a qu'à voir la manière dont il te regarde pour le savoir, Leorio !

Fut la phrase prononcée de façon insouciante par le dernier membre du trio - sa dernière réflexion illustrant ses doutes quant à la véracité de ses propos fut néanmoins complètement ignorée. L'un d'eux était désormais perdu dans plusieurs réflexions à propos de son amour, tandis que les deux autres se souriaient grandement, pour Dieu ne sait quelle raison. Plus rien n'avait été dit après ça, ce soir là.