Chapitre 50

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Nergal et sa petite troupe ont pris leurs jambes à leur cou pour semer nos poursuivants. Toute honte bue de ne constituer qu'un poids mort, je suis forcée d'avouer que j'aurais été incapable de suivre leur rythme, même en pleine possession de mes moyens.

Sauf en utilisant ma magie, bien sûr...

La bonne nouvelle c'est que mes forces reviennent très vite.

La mauvaise, c'est que les combats sont loin d'être terminés quand j'espère tant serrer mon fils entre mes bras.

Hélas, je suis mêlée malgré moi à une guerre fratricide entre les êtres obscurs.

Une petite voix dans ma tête me susurre que Nergal nous a sauvés Samson et moi parce qu'il ressent un soupçon d'affection pour nous. Mais une autre râle que ce sale type a besoin de moi pour une raison encore secrète.

Je me remémore très bien les paroles du bourreau...

... j'ai respecté vos ordres, général... la prisonnière a gardé suffisamment de forces pour se remettre. Je n'ignore pas à quel point c'est important...

Ce gros dindon a lâché le morceau et il faut me méfier de tout le monde.

Absolument tout le monde !

Sachant qu'aussitôt ma magie retrouvée, je dois tout faire pour rejoindre Samson à bord du vaisseau d'Hariel Skyline.

D'ailleurs, dans quel camp est-il celui-là ?

Et quand je pense que ma petite Ahn a été entrainée dans ce mégabordel.

Bon sang ! Où donc m'emmène Nergal ?

De dédale en dédale, on dirait que nous nous enfonçons dans les entrailles sombres, terreuses de cette foutue planète, et il fait de plus en plus froid.

— On est arrivé, souffle-t-il.

Une excellente nouvelle !

Pourtant il n'y a rien... hormis un gouffre immense, insondable, glacé.

Nergal me regarde droit dans les yeux et je ne m'attends à rien de bon.

— C'est un passage créé par mes partisans, annonce-t-il brièvement. Accroche-toi !

J'ai fermé les yeux, mais j'ai senti qu'il déployait ses ailes, nous descendons à une vitesse fulgurante. Une fois en bas, j'entrouvre les paupières... nous sommes dans une immense salle souterraine, éclairée par des torches. Autour de nous, un sacré nombre de mirettes nous scrutent intensément, les soldats de Nergal sont plusieurs centaines.

Toute une armée !

Le bourreau et les deux autres êtres obscurs atterrissent à leur tour...

— Il faut refermer le passage et rétablir la barrière de protection, ordonne alors Nergal.

Plusieurs des partisans se mettent à activer un chant puissant au point que les murs de la salle souterraine ont tremblé. Instinctivement, je lève la tête pour constater que le trou béant par lequel nous sommes venus a disparu.

— La barrière ne tiendra pas longtemps, affirment plusieurs voix nuancées d'inquiétude.

— L'élue doit absolument ouvrir les portes de pierre... où nous sommes perdus ! clament d'autres voix.

Interloquée, j'observe Nergal sans trop comprendre.

— De quoi parlent-ils ? dis-je froidement.

Comme je grelottais dans mes hardes lacérées par le feu de vulcain, il me tend une doudoune bien chaude dans laquelle je m'emmitoufle avec bonheur. Des bottes fourrées complètent la tenue, pas super élégante, mais douillette et pratique. En plus, c'est parfaitement à ma taille...

Je rougis en songeant que Nergal a été suffisamment proche de mon anatomie pour tomber juste question vêtements et chaussures. Mais pas le temps de s'appesantir sur des souvenirs qui ne peuvent que m'affaiblir. Une fois réchauffée, je pose de nouveau mes yeux sur lui dans l'attente d'une réponse claire.

— J'ai besoin de toi, Evangeline, commence-t-il.

Je prends une large inspiration afin de récupérer un maximum d'énergie... à ma grande joie, le chant a fini par résonner à l'intérieur de moi.

Rira bien qui rira le dernier !

— Je me doutais que tu avais une bonne raison de sauver ma peau ! Sache que je me fous de tes histoires de putsch ! Par contre, je vais aller chercher mon fils...

C'est comme si les souffrances endurées avaient nourri ma magie au lieu de la réduire en miettes. Une délicieuse noirceur m'envahit et je me vois déjà étouffer, calciner, pulvériser ce troupeau de démons putschistes d'un seul claquement de doigts.

— Où est mon fils ? je demande encore, agressivement.

— Samson et Ahn sont en parfaite sécurité à bord de mon vaisseau... il se trouve en orbite autour de la planète. Tu dois accepter de nous aider, sinon Ereshkigal nous massacrera tous, toi et Ahn comprises ! Puis elle reprendra l'enfant, promet une voix familière.

Hariel Skyline !

Il ne manquait plus que lui...

***

Un hymne américain traditionnel composé par Robert Lowry en 1876.

L'Élue (Evangeline)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant