Chapitre 5

498 126 135
                                    


Nergal Del Rio, système stellaire et planétaire Alpha Centauri, un mois auparavant.

Depuis que les Centauriens se sont alliés à nos pires ennemis, beaucoup de mes légions sont tombées. Les restes fumants de mes soldats recouvriront bientôt cette maudite planète, tous sont prêts à sacrifier leur existence sans la moindre hésitation.

Vaincre ou mourir, telle est notre loi.

Quelquefois, la colère me submerge. Non pas à l'idée de disparaître pour toujours, mais parce que je n'ai pas la certitude d'avoir absolument tout fait pour éviter le désastre. Un seul nom obscurcit mes pensées...

Hariel Skyline. 

Si cette créature n'était pas parvenue à séduire la jeune reine Inae, toutes nos prévisions concernant Alpha Centauri seraient devenues une merveilleuse réalité. Désormais, je m'apprête à lancer le dernier assaut, celui qui anéantira sans doute la totalité de mon armée, moi y compris. Je compte bien montrer à nos ennemis qu'un lion blessé reste dangereux, quoi qu'il lui en coûte.

Caym s'est approché en silence.

— Général, demande-t-il enfin, de sa voix aux harmonies très douces, presque chantantes.

C'est un excellent officier, celui auquel je confierais la prunelle de mes yeux.

— Une communication prioritaire, indique-t-il.

Caym s'est éclipsé tandis que l'air autour se charge d'une énergie extrêmement puissante. Très vite, une magnifique silhouette, puis un visage prennent forme devant moi. Je m'incline avec déférence, un genou à terre.

— Majesté ! C'est un grand honneur. Hélas, les nouvelles sont mauvaises...

— Inutile de te fatiguer, Nergal, interrompt-elle, ce monde n'est ni le premier ni le dernier que nous perdons, et j'ai des préoccupations plus urgentes qu'Alpha Centauri.

— La plupart de mes légions vont être exterminées, je ne vois pas ce qui pourrait être plus urgent.

Ma colère la fait sourire, comme toujours. J'ai le souvenir de sa peau d'ébène, aussi douce que de la soie.

— J'ai besoin de toi, Nergal, murmure-t-elle, c'est une mission de la plus grande importance.

— Je ne peux pas les abandonner à leur sort.

Un pli de contrariété modifie partiellement l'harmonie des lèvres sublimes.

— Je suis ta souveraine, tu me dois une obéissance absolue. Tu ne l'as pas oublié j'espère, malgré nos légers différents, interroge-t-elle en connaissant déjà la réponse.

Je laisse échapper un soupir, avant d'acquiescer.

— Je suis à tes ordres, Ereshkigal.

— Quel bonheur de voir ta bouche prononcer enfin mon nom, claironne-t-elle ravie.

Ses iris mordorés me scrutent de la tête aux pieds, elle semble partagée entre la nécessité du devoir, et bien autre chose...

— Je veux que tu ailles sur la Terre, indique-t-elle brièvement.

— Cette planète moribonde ?

J'ai presque failli m'étouffer. Elle me prive d'une fin glorieuse pour me rendre sur un monde à l'agonie, où les combats sont achevés depuis longtemps.

— Tu rencontreras quelqu'un, révèle-t-elle de manière abrupte. C'est une jeune fille... une humaine.

— Je croyais que nous en avions terminé avec cette race détestable. Que dois-je faire de cette fille, lui trancher la carotide peut-être ?

— Toujours le mot pour rire, mon cher Nergal, avoue-t-elle avec un soupçon de regret. Il n'est pas question de la tuer, pour l'instant. Je veux que tu l'observes, que tu découvres ce qu'elle pourrait dissimuler.

Ereshkigal n'est pas du genre à déplacer des montagnes pour un vulgaire insecte humain.

— Qu'a-t-elle de particulier ?

— Elle descend de Myrddin Wyllt, à part ça, j'ignore tout de cette petite.

— C'est une plaisanterie ! Cette lignée a donné la plus grande succession de dingues que l'univers ait jamais connue.

— Je le sais parfaitement, reconnait-elle. Je peux me tromper, mais j'ai senti que quelque chose risquait de se produire.

— Quelque chose ?

— Quelque chose comme des portes refermées depuis la nuit des temps, et qui pourraient s'ouvrir à nouveau, répète-t-elle, excédée par mon insolence.

Ereshkigal me lance un long regard lourd de réminiscences, de sous-entendus. Rien ne s'est vraiment terminé entre elle et moi, rien n'a jamais commencé non plus, de mon point de vue du moins.

— Je veux que tu partes à l'instant, achève-t-elle d'un geste las, juste avant de couper la communication.

Elle paraissait d'ailleurs anormalement épuisée par ce genre d'exercice, à croire que nul n'est immuable, pas même notre précieuse souveraine. Caym se tient respectueusement à distance, hésitant à venir aux nouvelles.

— Approche, mon ami.

En quelques pas souples, il se poste devant moi, aussi droit qu'une lance pointée vers les astres.

— Je m'en vais, Caym. Vous allez devoir combattre sans moi.

— C'est un grand honneur, Général. Vaincre ou mourir, rappelle-t-il dans un souffle.

Il me salue avec déférence. Sa dignité pourrait me serrer le cœur, si seulement j'en avais un. Il s'éloigne sans un mot ou un geste de trop. J'aimerais pouvoir lui dire que la retraite constituerait une option, que notre souveraine elle-même accepterait de l'envisager...

Je quitte Alpha Centauri pour la Terre peu de temps après. Caym était mon meilleur soldat, il me manquera beaucoup.

***


Alpha Centauri se situe à environ 4,4 années-lumières de notre système solaire

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.

Alpha Centauri se situe à environ 4,4 années-lumières de notre système solaire. Il est constitué de trois grandes étoiles : Centauri A, Centauri B et Proxima Centauri.


L'Élue (Evangeline)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant