L'Élue (Evangeline)

Chapitre 11

Nergal Del Rio...

La gamine a filé, mais je ne suis pas tranquille pour autant. Ereshkigal m'a fait l'honneur d'une nouvelle transmission. Elle a pu espionner secrètement la totalité de ma conversation avec la petite Wyllt. Sans doute que mon auguste souveraine tenait à ce que je suive ses ordres à la lettre.

Son image se matérialise faiblement, elle ne semble pas au mieux de sa forme. Une transmission nécessite toujours une importante part d'énergie puisée sur les réserves personnelles. Jusqu'à présent, Ereshkigal n'a jamais rencontré un quelconque souci à ce sujet, même si certains bruits ont couru au sein de notre peuple.

— Je sais ce que tu penses, Nergal, souffle ma reine de sa voix rauque. Serais-tu pressé de me voir disparaître, comme tous ces imbéciles qui lorgnent mon trône ?

— Jamais de la vie, Majesté ! Je reste votre fidèle serviteur, mais les nombreux revers que nous avons subis face à nos ennemis ont affaibli le moral de tous.

— Si tu réussis ta mission sur cette maudite planète, je t'offrirai de somptueuses victoires. Des mondes entiers tomberont entre nos griffes et nous écraserons ceux qui se dresseront devant notre puissance comme de misérables insectes.

— Cette morveuse ne peut pas être aussi importante.

Elle laisse échapper un rire nerveux, des interférences paraissent brouiller la transmission.

— Je crois bien que ce charmant prodige m'a flairé ! J'ai pu m'enivrer du parfum de ses cheveux, de sa peau... de son sang.

Une expression étrange de désespoir plane sur le beau visage de ma reine.

— Tu ne peux pas échouer, Nergal ! Tu dois gagner sa confiance et plus encore.

Je la trouverais presque touchante, dommage de refroidir quelque peu ses ambitieux projets.

— Evangeline Wyllt est encore une adolescente, un soldat tel que moi n'es pas l'idéal pour ce genre de mission.

Elle m'observe attentivement, me sourit de cette façon particulière qui n'appartient qu'à elle.

— Tu n'as toujours pas digéré l'humiliation que t'a infligée Hariel Skyline sur Alpha Centauri. Cette Inae n'a rien d'une beauté, notre ennemi a honoré son lit uniquement parce que cette idiote est dévorée d'ambition.

— Je vous l'accorde ma reine, mais les Centauriens ont choisi de nous affronter.

— Ce qui a causé la perte de tes magnifiques légions ainsi que d'un ami.

Je n'apprécie guère qu'elle évoque le douloureux destin de Caym.

— J'ai une surprise pour toi, avoue-t-elle, soudain malicieuse, espiègle même.

Une haute silhouette apparaît, je reconnais la noble figure de Caym, ses cheveux sombres. Hélas, son beau regard s'avère totalement vide.

— Comment le trouves-tu ? demande-t-elle les yeux brillants.

— Ce n'est qu'un malheureux pantin, Caym n'est plus ! Inutile de chercher à m'offrir un jouet à son image.

— Je sais qu'il n'est pas parfait, regrette-t-elle avec une moue déçue. J'ai pourtant mis tout mon cœur à cette réalisation...

Elle arbore un rictus qui la rend incroyablement charnelle et attirante. Depuis qu'une nuit bienveillante est tombée sur notre peuple, nous ignorons tout de l'amour ou de la compassion. Aucun d'entre nous ne possède un cœur, cette terrible faiblesse dont les misérables larves humaines sont si fières.

Les paroles d'Ereshkigal montrent à quel point l'humour de ma chère reine est aiguisé, tranchant comme une lame acérée. À cet instant, je ressens un désir brutal pour son corps de déesse implacable et cruelle.

— Si tu la regardes ainsi, Nergal, Evangeline Wyllt ne te résistera pas une seconde ! Un être aussi séduisant que toi obtiendra ce qu'il voudra d'elle.

Je me calme au plus vite en me souvenant que la position d'amant de notre souveraine n'a rien d'enviable. J'ai survécu à l'aventure et je ne tiens pas tant que ça à renouveler l'expérience, malgré l'effet indéniable qu'elle me fait. Franchement, je déteste cette planète ainsi que cette stupide mission. Je suis forcé de me plier au caprice d'Ereshkigal en proposant à une obscure va-nu-pieds de se goinfrer dans un resto luxueux. Je sens que cette merdeuse et son très mauvais caractère vont m'en faire voir de toutes les couleurs.

Quelque chose en elle me rappelle les moues boudeuses de la jeune Inae, quand je m'évertuais à négocier un pacte de non-agression avec les Centauriens. Ce salopard d'Hariel Skyline se vautrait déjà dans la couche royale et travaillait activement à la perte des miens. Je hais ce crétin, j'ai préféré ne pas informer Ereshkigal de sa détestable présence dans les parages de la petite Wyllt.

Sauf que ma souveraine n'est pas du genre à ignorer un événement aussi préoccupant. Je parie qu'elle est au courant des manigances de nos ennemis concernant cette planète dévastée, moribonde qui jusqu'à présent n'intéressait plus personne.

J'espère bien qu'elle m'accordera la joie d'éviscérer moi-même les restes sanguinolents d'Hariel Skyline.

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