Chapitre 12

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Le seul miroir que je possède est une véritable antiquité. En plus, il est brisé sur sa partie basse. Les fêlures s'étendent vers le haut comme les grandes pattes d'une minuscule araignée qui viendraient frôler mon reflet.

Rien à voir avec une Hyper Goliath.

— Une touche de make-up et tu seras à tomber, s'exclame Ahn avec enthousiasme.

J'observe scrupuleusement mon minois de blondinette, à mi-chemin entre l'adolescente et la femme en devenir. À condition, bien sûr, de vivre assez longtemps pour atteindre la vingtaine.

— Regarde en l'air, ordonne Ahn, armée d'un rarissime pinceau de maquillage appartenant à sa mère.

J'ai très peur d'un redoutable effet tartinage.

— T'inquiètes, susurre-t-elle, je suis une vraie pro.

Si c'est le cas, je n'en avais absolument aucune idée.

— Terminé ! Ta robe est minimaliste, mais c'est exactement ton style.

— C'est la seule que j'ai de toute façon, c'était la préférée de ma mère...

Je jette un œil distrait sur mon apparence. Je m'étonne un peu de ce visage si féminin, de ce corps sexy dévoilé par l'échancrure de mon corsage.

— Je ne me reconnais pas.

— Les très jolies filles comme nous deviennent carrément canon avec pas grand-chose, rigole Ahn de bon cœur.

Je me contemple de nouveau, soucieuse tout à coup.

— Ce n'est pas vraiment ce que je recherche, j'aimerais seulement que ce foutu psy continue à écrire de bons rapports sur moi.

— Tu peux allier l'utile à l'agréable, propose malicieusement Ahn.

Je la fusille de mes yeux fraîchement fardés.

— Tu sais ce que je pense des mecs en général. Et puis ce type n'est pas du tout mon genre.

— Tant pis si tu le trouves moche ! Au moins, tu te rempliras l'estomac avec de la bouffe royale, s'esclaffe-t-elle.

Elle devient plus sérieuse, fixe gentiment mes prunelles bleues.

— Ce n'est pas parce que tu as eu une mauvaise expérience que tu dois renoncer à chercher la perle rare.

Était-il nécessaire qu'elle remette mes déboires sentimentaux sur le tapis ? Je n'ai aucun besoin de me souvenir à quel point ma première et unique aventure amoureuse s'est avérée un ratage total. À quel point j'ai été nullissime...

— En tout cas, je n'envisage pas Nergal Del Rio de cette façon. Mais j'avoue que son invitation m'intrigue beaucoup.

Je viens d'évoquer tout haut ce qui trotte dans mes pensées depuis cette folle histoire de resto. Je me demande quelles motivations animent mon étrange psy pour traîner une gamine d'en bas dans un endroit ultra chic.

Autant Ahn que moi avons la tête pleine d'étoiles en songeant à tout ce que nous ignorons des tours. Ceux d'en haut vivent dans un luxe inouï à ce qu'il paraît, ils ne manquent absolument de rien. Si je pense que les injections d'Elvis nous sont distribuées au compte-goutte, je ne peux pas m'empêcher d'éprouver un sentiment de rage et d'injustice.

C'est la toute première fois que je vais pénétrer dans le royaume ennemi. Là où l'abondance des uns contraste tant avec le dénuement des autres. Là où ceux qui osent se révolter finissent dans l'estomac de monstres sous les applaudissements d'un troupeau d'imbéciles cruels.

Nergal Del Rio appartient à cette classe ignoble de privilégiés. Il est grand temps de partir à sa rencontre, il m'a donné rendez-vous devant le lycée pour huit heures.

— Hem ! toussote Ahn, tu n'aurais pas oublié un détail...

J'admire fièrement mes adorables sneakers immaculées comme les ailes d'un ange. Mais c'est vrai que ces créatures n'ont jamais existé.

— Tu n'y penses même pas, Ahn ! Pas question que je mette des talons.

Elle lève les yeux au ciel, surtout pas convaincue.

— Je peux faire un bout de chemin avec toi si tu veux, propose-t-elle.

Je réponds par la négative, j'ai besoin d'être seule pour faire descendre le stress qui commence à monter en moi. Je ne suis jamais sortie avec personne, si on exclut mon lamentable fiasco. Malgré moi, je finis par me souvenir de ce feu secret, dévorant qui s'était emparé de moi lorsque le mec le plus populaire du lycée avait montré un certain intérêt pour ma petite personne. Je me remémore aussi son corps cloué sur le mien, puis la douleur, la déception, l'amertume, l'achèvement abrupt d'un rêve qui n'avait jamais commencé. L'humiliation enfin, quand il se pavanait au bras d'une autre fille à peine deux jours plus tard.

On ne m'y reprendra plus...

Je suis arrivée devant le collège et je scrute nerveusement les lieux. Je ne vois personne, un semblant de détresse rend ma bouche anormalement sèche.

J'entends un vrombissement sourd, un engin incroyable se profile devant moi. Effarée, j'aperçois une sorte de carapace sombre, des chromes scintillants.

***

Vroommm !

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Vroommm !


Sur la neige qui n'est plus

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Sur la neige qui n'est plus...

J'écris ton nom.


L'Élue (Evangeline)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant