Seuls contre tous (JIKOOK)

10 - Jungkook

J'ai cédé. Je le jure que je ne voulais pas manger ! Cette nourriture ne devait pas me revenir, je n'avais rien fait pour la mériter... depuis que je suis là, je ne cause que des ennuis à Jimin ! Je sens mon estime personnelle diminuer peu à peu. Je ne pensais pas qu'il était possible de se sentir aussi nul. Vers où cette pente m'emmènera-t-elle ? 

Jimin a le corps recouvert de bleus et il ne m'en veut pas. Il m'a même forcé à manger, pour ne pas mettre ma santé en danger. J'hallucine ! Je le serre dans mes bras tout en regardant mes mains trembler sur sa peau blessée. Et si je faisais un autre cauchemar et que je le frappais de nouveau ? Je ne sais pas de quoi je suis capable... quand je repense à la haine qui s'est déversée en moi, en frappant les zombies qui ont enfoncés la porte...

Mes mains tremblent de plus en plus. Jimin s'en rend compte. Il s'écarte un peu, prend doucement mes mains dans les siennes... il porte mes doigts à ses lèvres, et les embrasse lentement. J'ai un sursaut. Je sens des choses s'agiter dans mon ventre à ce contact inattendu mais plaisant. Ce geste est symbolique. 

Les lèvres et les mains de Jimin sont chaudes... quand il relève les yeux pour me lancer un de ses regards de braise, j'en ai le tournis. Je sens mon coeur tressauter, étonné de recevoir autant d'attention. Jimin regarde mes mains dans les siennes. Il sourit, probablement parce que les siennes sont beaucoup plus petites. Il cligne ensuite des yeux, je crois qu'il réalise enfin ce qu'il vient de faire. Le jeune homme se relève alors, avec un toussotement gêné :

"Je vais aller mettre un pull... comme ça tu ne verras plus les ecchymoses."

Je le regarde partir en songeant que dissimuler la réalité ne la fera pas disparaître pour autant. Mais cette attention me touche. Je reste en plan sur le canapé, à fixer mes mains en me demandant si ce qu'il vient de se passer est bien réel. 

Un hurlement me sort de ma torpeur. Les zombies sont repartis en chasse... je me relève, fais les cents pas dans le salon. Je ne sais pas quoi faire. Je déteste m'ennuyer, et encore plus me sentir inutile. Quand Jimin réapparaît dans le salon, je m'arrête en plein mouvement. 

Il porte la chemise noire à-demi transparente, celle que j'ai trouvé jolie. Celle où j'ai lâché malgré moi : "j'aimerais bien te voir dedans". J'ai un petit rire.

"Elle est assez longue pour camoufler les bleus, mais pas assez opaque pour nier la réalité, m'explique-t-il avec un sourire."

Adorable. Il attend une réaction de ma part, l'air un peu nerveux. Je distingue les traits de son corps musclé sous le tissu. Je déglutis.

"C'est bien ce qu'il me semblait. C'est magnifique, soufflé-je."

Jimin fronce le nez, amusé. Je me laisse glisser sur la moquette sans trop savoir ce qu'il me prend et fais mine de m'assoir. Jimin me rejoins et s'allonge carrément sur le tapis. Il fixe le plafond avec un vague sourire, l'air ailleurs. 

"Et tu la mettais quand cette chemise ? Raconte-moi son histoire, chuchoté-je."

Jimin s'esclaffe.

"Je l'avais achetée pour la soirée où mon petit frère a fêté ses 18 ans. Dans ma famille, on aime bien les traditions coréennes du passage à l'âge adulte et tous ces trucs symboliques, du coup on s'était tous bien sapés pour l'occasion. Comme mon frère était devenu un homme, on l'a forcé à faire tout un tas de conneries pour marquer le coup, raconte Jimin avec un sourire. On était chez mes grands-parents, qui ont une piscine. On l'a forcé à s'y baigner alors que c'était l'hiver. La tronche qu'il tirait ! Puis comme il avait froid, on lui a fait boire quelques verres d'alcool, histoire de le réchauffer. Il était complètement bourré ! On lui a demandé de draguer une des filles de la soirée et il a raconté n'importe quoi à une vieille tante. C'était plutôt comique. Il a fini par vomir sur le chien... je crois que ma chemise est la seule rescapée de cette soirée-là !"