Chapitre 2

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Une clameur a commencé à se faire entendre du côté du groupe, qui s'agglutinait ensemble, formant un cercle assez serré. Toujours assise, j'ai pivoté vers eux , m'attendant à ce qu'ils s'écartent quelques minutes plus tard. Ce qui n'est pas arrivé.
Attirée par la curiosité, je me suis finalement levée pour me frayer un chemin à travers la foule. Deux types qui m'étaient inconnus se battaient pour des raisons X ou Y. L'un avait déjà un œil au beurre noir, probablement dû au premier coup qu'il avait reçu, mais avait visiblement explosé le nez de son adversaire, qui pissait le sang.
Étant contre ce genre de choses, j'ai attendu le moment propice et me suis plantée entre les deux. À y réfléchir, ça devait être assez comique, une gosse d'un mètre cinquante-huit, le bras en écharpe entre deux types qui la dominaient d'une tête.
-Wowow, on se calme, ai-je fait, en écartant ma main libre de mon corps pour faire barrière.
-Hey, franchement, écarte-toi, m'a ordonné l'un d'entre eux, celui au nez cassé. J'ai pas envie de frapper une éclopée.
-Quelle éclopée ? ai-je rétorqué.
Il s'est tu et a passé sa manche sur son visage d'un air haineux, étalant au passage un mélange de sueur et de sang. J'ai laissé retomber mon bras gauche le long de mon corps, perplexe. On s'est fait face pendant une trentaine de seconde, l'autre étant visiblement décontenancé. La foule nous hurlait dessus pour que le type me frappe, afin de reprendre la rixe. Visiblement, ça le démangeait.
-C'est quoi ce bordel ? a finalement coupé quelqu'un.
C'était un type peut-être un peu grand (malheureusement, tout le monde me paraît grand), cheveux bruns et tenant une liste à la main. J'ai lu pas mal de noms et prénoms, notamment celui de Melanie, et j'en ai déduit qu'ils essayaient de s'y retrouver dans ce bazar. Il s'est interposé entre moi & Nez Cassé.
-Hey, je sais pas pourquoi vous vous foutez sur la gueule, mais arrêtez, parce que là on a d'autres choses à foutre.
Nez Cassé n'a pas apprécié.
-Toi, écarte-toi parce que par contre j'aurai pas de scrupules à te frapper, a-t-il menacé.
-Pardon ?
Le nouvel arrivant a fondu sur lui et l'a plaqué au sol, pour lui dire quelque chose que je n'ai pas pu entendre. J'ai posé ma main gauche sur ma hanche, un peu furieuse. J'étais contre la canalisation de la violence par la violence. J'étais contre la violence tout court, en fait. Les deux se sont écartés, le groupe s'est dispersé et l'adversaire de Nez Cassé s'est volatilisé. Me retrouvant seule, je suis retournée m'asseoir sur ma caisse. Le type qui a réussi a arrêter la bagarre (contrairement à moi) me rejoint.
-Comment tu t'appelles ? A-t-il demandé.
Il avait un fort accent du Sud, j'en ai immédiatement présumé qu'il venait de Louisiane ou de Nouvelle-Orléans. Ça m'étonnait que je ne l'avais pas déjà vu appeler quelqu'un « camarade ».
-Jana Mierzwiak, ai-je répondu. Pourquoi faire ?
-On essaye de savoir qui et combien on est. Comment t'écris ça ?
J'ai épelé mon nom et prénom. Honnêtement, personne n'arrivait à les écrire et tout le monde se demandait toujours d'où je venais, mais je les adorais.
-Qui ça « on » ?
-Plusieurs personnes.
-Oh, s'il te plaît, on est pas en train de jouer au jeu des pronoms, me suis-je plainte. Je peux faire quelque chose ?
Il a jeté un coup d’œil que j'aurais qualifié d'inquiet à mon bras.
-Tu peux marcher ? M'a-t-il demandé.
-Pas du tout, je marche sur mes bras depuis toute petite et les muscles de mes jambes se sont atrophiés.
-Faudrait que quelqu'un parte en exploration, demande-t-il en soulignant le mot « exploration » de guillemets en l'air. Les gens à qui j'ai déjà demandé ont la trouille, mais vu que tu viens d'essayer d'arrêter une bagarre malgré...
-Malgré ma taille, ai-je complété, remarquant sa gêne.
-Voilà, peut-être que toi tu serais OK.
-Ouais, ai-je accepté. D'accord. Ce sera mieux que de rester ici à ne rien faire.
Sans me donner plus de directives, il s'en est allé pour noter plus de personnes, et après avoir rectifié la place de mon bras dans mon écharpe, j'ai marché tranquillement vers les bois, sans savoir ce qui m'attendait.

Échoués (FR)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant