Chapitre 3

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Les bois étaient calmes. Enfin, à la définition des bois, bien sûr. Il y a toujours cette impression quand vous être entourée d'arbres que d'un coup il n'y a que ça, partout sur la terre. Avec le vent, les feuilles, il n'y a jamais un réel silence, juste une patience grouillante.
Mon bras me faisait à peine mal. Retournée au calme, je venais simplement de me rendre compte qu'il ne me lançait pas depuis que j'avais voulu m'allonger dessus lorsque j'étais dans le pâté. C'était assez étonnant. Je ne pouvais simplement pas le bouger, ce qui restait gênant. Mais je pouvais marcher et me déplacer, ce qui allait. Des pour & des contres égaux, en somme.
Je n'étais pas arbologiste, je n'étais même pas sûre d'utiliser le bon mot, mais la nature des arbres m'avait menée à la déduction qu'on se trouvait effectivement dans l'hémisphère nord. Ce genre de trucs pouvaient pousser dans le sud, mais il aurait fallu les planter et ils me semblaient assez vieux pour ne pas avoir été semés là par la main de l'homme. Mais comme dit précédemment, ça ne restait que des suppositions.
Des suppositions, c'était déjà ça. Cette situation n'avait ni queue ni tête, mais il fallait qu'on trouve une solution, qui était pour l'instant savoir où on est et se barrer, par un moyen ou un autre. Ou on déterminait où on se trouvait dans les grandes lignes, et quittions l'endroit par nos propres moyens (en tout cas les miens), ou on trouvait un moyen de contacter de l'aide.
Au bout d'une cinquantaine de minutes de marche selon mon estimation, car je n'avais pas de montre, la forêt commençait à s'éclaircir. Me doutant que j'étais soit tombé sur un autre endroit, soit par opération du Saint-Esprit retournée à la plage, j'ai accéléré le pays.
C'était un lac, de la surface d'une grande piscine municipale, à l'eau assez limpide, mais froide, je l'ai découvert en testant. Il était bordé d'une vingtaine de maisons en ciment brut, à un seul niveau excepté un bâtiment au centre. Lac & village était enclavés dans la batterie d'arbres dont je sortais.
J'ai contourné l'étendue d'eau pour aller voir un village. De ce que j'en voyais, il était vide ou abandonné, mais il y avait bien là-bas un téléphone ou une radio. Je ne savais pas me servir d'une radio, mais quelqu'un du groupe de la plage devait bien. Et maintenant que j'étais assurée de la praticabilité du terrain de la forêt, d'autres gens accepteraient de venir.
Il m'a fallu encore cinq minutes de marche pour atteindre le village, qui était effectivement vide. Les maisons étaient toutes construites sur le même modèle, seulement différenciés par les chiffres, qui étaient les seuls panneaux que j'avais vu. Pas de « ville de... », pas de sens interdit. Ou de feux tricolores d'ailleurs. Les routes elle-mêmes étaient pavées comme des voies piétonnes.
Intriguée, je me suis invitée dans un des pavillons (qui n'étaient même pas verrouillés) pour me demander si les installations n'étaient pas demeurées au même siècle que les voies de déplacement. Et j'ai découvert avec horreur que, pour ce dont on avait besoin, c'était le cas. Pas de téléphone ou de radio qui permettait d'émettre, simplement un seul poste rangé dans le placard. Sans piles.
Désirant voir si on pouvait capter une station, j'en ai cherché. Pas de piles au rez-de-chaussée (enfin, il n'y avait pas de chaussée, mais mettons), qui se résumait en deux chambres (une avec deux lits superposés, une autre avec un lit double), une cuisine, un salon-salle à manger et une salle de bain avec une douche.
Mais dans la chambre au lits superposés, je me suis rendue compte qu'il y avait un sous-sol, dans lequel je me suis également rendue. J'ai dit sous-sol ? C'était un garde-manger. Sur les quinze mètre carré (en moyenne) que faisait la pièce, il y avait rangée d'étagère sur rangée d'étagère, avec du non-périssable classé comme au supermarché.
-Wow, ai-je fait, ne connaissant pas la marche à suivre.
J'ai décidé d'aller visiter le bâtiment plus haut avant de retourner à la plage. J'ai rejoint le bâtiment en claquant mes semelles sur le pavé comme une gosse qui s'ennuie. En y entrant, je ne me suis rendue compte que je n'étais pas la première. Ne voulant pas faire une rencontre style jumpscare de film d'horreur, j'ai simplement frappé à la porte et attendu une réponse.
Une fille rousse est venue m'ouvrir.
-Bonjour, a-t-elle fait, visiblement surprise.
-Bonjour, ai-je répondu, ne sachant pas quoi dire d'autre.
-Tu es ?
-Oh, euh, Jana.
J'allais redire bonjour mais me suis rendue compte à temps que ça risquait de rendre la situation plus gênante qu'autre chose.
-Esther, s'est présentée la rousse. Tu peux te servir de ton autre bras ?
-Euh, oui, je crois, ai-je hésité.
-Super. Tu vas pouvoir m'aider.
Elle a disparu à l'intérieur sans me dispenser plus d'explications. J'ai suivi. Sur une grande table occupant la plus grande partie de ce que j'ai présumé être le hall étaient étalés une pléthore de documents. Des cartes, des formulaires et des albums, principalement. Esther a commencé à mettre tout ça en ordre, pendant que je me suis adossée sur un mur.
-J'ai pas trouvé grand-chose d'utile, à part des cartes de l'île et...
-Une île ? On est bien sur une île ?
-Ouais. Ils ne la situent pas au niveau national et international, d'ailleurs. On a juste différents plans de l'île à différentes échelles. Il y a deux autres lotissements comme ça, apparemment. Dont un en bordure de plage. Tu peux prendre ça.
Elle m'a tendu trois cartes non repliées, que j'ai prises de ma main valide, et s'est saisie d'un tas d'une vingtaine de feuilles.
-Qu'est-ce que c'est ?
-L'inventaire de toutes les caves. Dans l'immédiat, ça va être utile. On y va ? A-t-elle proposé.
-Oui, bien sûr.
Je n'ai pas fait de remarques, trouvant qu'elle était plutôt en train d'avoir la bonne réaction. C'était assez impressionnant, par rapport aux deux lutteurs de ce matin et de moi qui ai réussi à me blesser avant même de me retrouver dans le vif de l'action. On était pathétiques.

Échoués (FR)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant