Chapitre 22

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À cette vitesse-ci, il aura accosté avant que je n'aie pu prévenir quelqu'un d'autre que Preston. Mais ce sera déjà ça de fait. J'ai couru frapper à sa porte. Il y a eu quelques minutes d'attente, puis il a ouvert la porte en t-shirt et short. Il venait sûrement de se réveiller quelques minutes plus tôt.
-Jana, s'est-il rappelé comme pour lui même. Qu'est-ce qu'il y a ?
-Ils arrivent, ai-je lâché. Un bateau arrive.
Puis j'ai réfléchi un peu plus.
-Il faudrait que tu m'aides à les prévenir, j'aurai pas le temps de faire les deux villages toute seule.
Il m'a dévisagé quelques secondes, avant de se pencher hors de chez lui pour me désigner un point au bout de la rue.
-Là-bas, dans le local, il y a des vélos. T'as qu'à en prendre un.
-Ça marche, merci.
J'ai descendu à toute vitesse la rue et ai récupéré le premier vélo qui semblait être à ma taille, avoir des freins qui fonctionnent et des pneus gonflés. J'ai fait un petit tour d'essai, il fonctionnait bien, alors j'ai directement filé vers l'autre village à vélo.
J'ai pédalé comme une désaxée jusque là-bas, ça m'a pris dix minutes. Le sol était plein d'aspérités, comme n'importe quelle forêt, et j'ai failli piler ou tomber plusieurs fois, ce qui aurait été désastreux. Mais je suis arrivée vivante et suis restée en vélo en ville pour aller à la maison prévenir Esther, qui connaîtrait la marche à suivre mieux que moi.
Elle était visiblement en train de rendre l'invitation d'hier. Il avait quatre personnes que j'avais vues à l'incendie d'hier, Andy notamment, et Melanie aussi était là. Ils discutaient tranquillement autour d'un verre. Esther semblait bien s'entendre avec eux.
-Bonjour, a-t-elle dit calmement quand je suis entrée en trombe en laissant tomber le vélo devant l'entrée.
-Bonjour, ai-je répondu.
Elle m'en voulait toujours pour l'avoir lâchée hier.
-Tout va bien ? A-t-elle demandé ensuite, toujours aussi froide.
-Un bateau arrive.
-Pardon ? A demandé une fille.
Esther s'est levée d'un bond, verre de soda en main, et m'a observé fixement, attendant sûrement un élément supplémentaire.
-Et c'est marqué VWR Entreprises sur la coque, aussi, ai-je ajouté.
Elle a réfléchi quelques secondes. Je me suis sorti un verre que j'ai rempli d'eau, mais cependant pas bu.
-Donc soit ils viennent nous sortir de là, soit ils sont au courant pour le champ et on est dans de beaux draps, a-t-elle conclu.
-C'est ce que j'ai pensé aussi, ai-je approuvé.
Esther a posé son verre et a enfilé sa veste. Enfin, elle prenait la direction des opérations. Je pensais être capable de me débrouiller sans elle, mais elle avait cette sorte d'autorité naturelle qui faisait que les gens l'écoutaient instinctivement, comme Ethan. Ça devait être pratique.
-J'ai besoin que l'un d'entre vous aille chercher Graham et lui dise de venir à la plage, a-t-elle demandé ensuite.
-Vous pouvez prendre le vélo dans l'entrée, ai-je ajouté.
J'ai ouvert un placard et me suis servie au hasard dans un paquet de céréales. Avec tout ça, je n'avais toujours pas pris mon petit-déjeuner, et si tout ça dégénérait, je voulais être sûre d'avoir le ventre plein. La fille qui avait percuté mon info en premier est partie prévenir Graham, et Andy et l'autre garçon sont allés chercher Ethan.
Esther, Melanie et moi nous sommes mises à courir pour rejoindre la plage le plus rapidement possible. Je n'aimais pas vraiment courir, elles n'ont plus d'ailleurs, mais là, c'était situation d'urgence, et nous n'avions pas le temps d'aller prendre des vélos. On a coupé par tous les raccourcis possibles, ce qui nous a au final fait un trajet d'un peu plus une demi-heure. Cette île était vraiment minuscule.
Trois personnages attendaient déjà sur la table. L'un d'entre eux, un homme âgé d'une cinquantaine d'années, tempes grisonnantes et montre hors de prix, tapait du pied comme si nous étions en retard à un rendez-vous. Les deux autres étaient deux femmes, une ayant bien quarante ans, les cheveux mal teints en un blond trop clair pour son teint et habillée en des couleurs sobres, excepté une bardée de bracelets, or et argent mélangé. L'autre était la plus jeune du trio, avait les cheveux coupés courts et les avait gardés naturellement brun. C'était la seule qui semblait avoir conscience de la météo, et elle portait un t-shirt bleu marine et un pantacourt en jean. Quand elle nous a vues arrivés, elle a rangé son smartphone hors de prix dans sa poche. La plus vieille femme nous a quasiment foncé dessus.
-Esther Brahnam, Melanie Browne et Jana Mierzwiak, a-t-elle dit.
-Bonjour à vous aussi, ai-je rétorqué. Vous êtes ?
Elle a avait décliné nos noms comme un gosse content d'avoir bien appris sa leçon, et en plus elle avait mal prononcé mon nom de famille. Elle m'agaçait déjà.
-Abriana Gamble, s'est-elle présentée. Enchantée.
Esther a serré la main qu'elle me tendait à ma place, sachant déjà que je ne comptais pas lui rendre son salut.
-Et qu'est-ce que vous faites là ? Ai-je continué.
-Vous déplacez, a-t-elle répondu avec un naturel déconcerté.
Le terme m'a fait penser à de l'élevage de bétail plus qu'autre chose. Graham et Ethan sont arrivés à leur tour, et Gamble a récité également leur noms ne affichant toujours son atroce air satisfait. Après coup, Ethan et Graham m'ont lancé de concert un regard qui voulait dire « fais ce que tu veux, mais laisse-nous lui défoncer la tronche après ». Ce serait avec plaisir.
-Nous déplacez où et pourquoi ? Ai-je poursuivi après ce court encart.
-C'est compliqué à expliquer, s'est rétractée Gamble. Mais vous devez venir. Tous.
-« Devez » ? ai-je dit avec un léger rire. Vous vous prenez pour qui, exactement ? J'ai déjà perdu une semaine de ma vie ici, alors non seulement vous avez intérêt à avoir des explications en béton, mais faites aussi gaffe à comment vous vous adressez à nous. Je suis pas du genre violente, mais ce n'est pas le cas de tout le monde.
J'avais plaqué mes mains sur mes hanches et la regardait dans les yeux, ce qui m'a conféré tout de suite plus de contenance. Son attitude m'insupportait, mais ce dont on discutait était important et je n'avais pas envie qu'elle me prenne pour quelqu'un qui abandonnait facilement.
-Il n'y a aucun besoin de me menacer, a lancé Gamble sans se départir de son calme.
-Je vois plein de raisons pour vous menacer, en fait. Mais, c'est compliqué à expliquer. Je veux rentrer chez moi, et pas aller -Dieu sait où vous voulez nous emmener !
Pendant ma tirade, elle m'a imité et a redressé les épaules. Mais elle n'était même pas fichue de me regarder, elle fixait un point de mon front. Elle était même pas foutue de me regarder dans les yeux en me mentant.
-Je suis désolée, mais ce n'est pas négociable, a dit Gamble.
-Alors je ne bougerai pas d'ici, ai-je lâché.
J'ai croisé mes bras et tourné les talons.

N/A : Nous avons atteint les 100 votes ! Nous nous rapprochons également peu à peu de la fin, mais je suis en train de réfléchir à une suite pour Échoués. Ce n'est pas sûr encore, mais j'ai deux-trois idées et j'aimerais bien les mettre à exécution.
Bisoux magiques !

Échoués (FR)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant