Le regard fixé vers l'horizon, je me prépare lentement pour le lendemain. Le soleil darde ses derniers rayons sur le paysage paisible, illuminant de lueurs chaudes le sable sous mes orteils. Les nuages flottent dans le ciel, paisibles et sans attaches, immaculés dans leur pureté. Seul le bruit vrombissant et apaisant des vagues me rappelle que non, le temps ne s'est pas arrêté. La mer se meut dans un mouvement régulier, et les lumières du soleil qui s'y reflètent s'éteignent et se rallument vivement, m'éblouissant par à coup. Doré, bleu, jaune, miel et ambre, des paillettes de couleurs que je ne me lasserai jamais de regarder. Si je le pouvais, je les laisserais m'éblouir jusqu'à la fin des temps. Mais avec un peu de chance, demain, ce ne sera plus le cas.
Je plisse les yeux. Au loin, il est possible de distinguer les dunes du Grand Désert. Des dunes tout simplement monstrueuses, si hautes que selon ceux qui les ont vues, on pourrait croire qu'elles vont nous engloutir. Je n'y ai jamais cru. Aucun obstacle n'est infranchissable, n'est-ce pas ?
Je fais quelques pas vers la mer, ayant besoin d'un contact froid pour me faire revenir à l'instant présent. Mes pieds se recroquevillent sous l'assaut glacial, pourtant amical, des eaux. Celles-ci deviennent de plus en plus sombres au fur et à mesure que le soleil décroît, les rendant plus hostiles. Finalement, après plusieurs minutes, m'étant suffisamment habituée à la température de l'eau, je me décide. Mon pantalon en lin rejoint mes chaussures en toile posées sur un rocher, puis j'enlève ma chemise et lui fais suivre le même chemin. Mon corps se retrouve nu sous le soleil déclinant, et ma peau se teinte d'une jolie couleur orangée. La mer me contemple, le vent me caresse, le silence m'apaise. Puis la brise marine se fait légèrement plus forte, se faufilant sous les poils de mes bras pour me faire frissonner. Il ne m'en faut pas plus, je plonge dans l'eau scintillante. La seconde d'après, elle m'emprisonne dans une étreinte glacée qui me coupe le souffle, me forçant à remonter à la surface pour reprendre de l'air. Je barbote longtemps, m'amusant à plonger, à nager jusqu'à ce que je n'aperçoive plus la plage. C'est l'obscurité de la nuit qui finit par me chasser. Je rejoins le rivage complètement exténuée, la tête vidée de toute pensée, anesthésiée de la réalité.
Mais à peine mon corps dégoulinant sort-il de l'eau que je réalise mon erreur, j'ai pensé trop vite. Mon cœur se serre sans que je ne parvienne à retenir un sourire. Une silhouette trop bien connue m'attend à côté du rocher où j'ai entassé mes vêtements. C'est peut-être pathétique, mais je prends mon temps pour parcourir la distance qui nous sépare, exposant ainsi mon corps à sa vue, ou ce qu'il peut en voir dans l'obscurité. Une tentative délibérée pour le faire réagir, pour le pousser à sortir de son silence, mais ses yeux restent obstinément fixés sur la mer paisible. Je m'habille donc rapidement, blessée plus que je ne pourrai l'admettre par cette énième gifle qu'il vient de m'asséner sans n'avoir fait aucun mouvement, aucun geste. Mon corps n'est pas particulièrement désirable, je le sais, mais se le faire rappeler inflige une deuxième blessure. Alek ne m'a jamais regardée comme j'aimerais qu'il me regarde, et lorsque j'essaie de le lui faire comprendre, il s'obstine à ne voir que de l'amitié. Et finalement, j'ai fini par comprendre qu'il ne verrait que ça, et qu'il ignorerait pour toujours la profondeur des sentiments qui m'habitent. Je ne sais pas pourquoi je m'obstine toujours, mais j'imagine qu'au fil du temps, c'est presque devenu inconscient. Je suis bloquée et enchaînée à lui, et le pire est qu'il ne fait rien qui pourrait m'éloigner. Une véritable cause perdue.
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𝑳𝒂 𝒗𝒂𝒍𝒔𝒆 𝒅𝒆𝒔 𝑳𝒐𝒖𝒑𝒔
Werewolf☽ 𝑺𝒖𝒓 la presqu'île d'Atielle, une région de l'Oheïana, Kiara s'apprête à clore ses années à la Base, l'école militaire par laquelle tous les jeunes doivent passer. Son but : intégrer l'armée. D'abord, pour échapper à la vie de pêcheuse qui l'att...