ℂ𝕙𝕒𝕡𝕚𝕥𝕣𝕖 𝟙.𝟜

105 24 3
                                    

L'arène 7 n'est plus véritablement une arène. Elle n'est qu'un échafaudage en bois s'élevant à une bonne quinzaine de mètres de hauteurs et auquel sont suspendues une multitude de poutres. Celles-ci se balancent dans les airs à l'aide de cordes, montrant ainsi à quel point elles sont instables. Aucun doute, il va falloir grimper dessus. Je n'ai pas le temps d'analyser plus longtemps le dispositif que le jury s'installe dans les gradins. Le soleil déclinant de fin d'après-midi s'est fait plus doux et moins aveuglant, rendant ainsi plus favorables nos conditions d'examen.

Je m'avance vers le jury et mon adversaire fait son entrée. Un homme. Encore. Celui-là, je le connais de vue. Je crois même qu'il a été dans ma classe il y a quelques années. Malheureusement, son prénom m'échappe – je n'ai jamais fait très attention à mon entourage. Un peu plus grand que moi, les cheveux mi-longs, la peau cuivrée ; comme Raïs, lui aussi vient d'Atielle. Ses yeux presque noirs m'analysent, intrigués. Il ne manque pas de repérer les blessures qui ornent mon corps, et lorsque je lui fais subir le même examen, je suis horrifiée de constater que lui n'en arbore aucune, en tout cas en apparence. Le parcours est la dernière épreuve pour tout le monde, afin que nous soyons tous à égalité. Il a donc déjà passé toutes les autres épreuves, et les a visiblement remportés haut la main. Mon adversaire s'arrête à deux pas de moi, les bras dans le dos, attendant comme moi les instructions des jurés. L'un d'eux, toujours le même d'ailleurs, prend la parole :

— Bien. Voici la dernière épreuve. Comme vous vous en doutez sûrement, l'épreuve se déroulera sur l'échafaudage. Vous allez avoir quelques minutes pour rejoindre vos emplacements – peint en rouge pour Aïm et en bleu pour Kiara. Vous y trouverez vos armes. Puis vous attendrez notre signal et commencerez : le but est de faire tomber l'adversaire au sol, peu importe les moyens que vous utiliserez. Bonne chance.

   Aïm et moi nous tournons d'un seul mouvement vers le parcours gigantesque qui nous attend. Et dire que nous devons en tomber. Je retiens un frémissement et jette un dernier coup d'œil à mon adversaire. Il capte mon regard et murmure du bout des lèvres, sincère :

— Bonne chance.

Je lui souris pour toute réponse et m'avance vers l'échafaudage pour repérer mon emplacement. Je le localise après de longues secondes d'observation. Il est loin, très loin, du sol. Je déglutis et commence mon ascension. Echelles, plateformes, cordes et poutres se succèdent et lorsque je parviens enfin en haut, j'ai le souffle court et ma blessure à la cuisse s'est rouverte, tâchant de sang mon deuxième pantalon de la journée. Haletante, je baisse les yeux au sol et avise mes armes : un arc, un carquois rempli de flèches et un petit poignard. Je m'empresse d'attacher le carquois dans mon dos et coince mon poignard dans ma ceinture. Enfin, j'empoigne fermement l'arc en bois d'if entre mes doigts et me redresse pour balayer du regard l'entièreté de l'édifice.

La construction est immense, imposante et sans aucune logique. Certaines passerelles s'arrêtent au-dessus du vide, et j'avise des poutres trop instables pour être empruntées. De plus, le vent venu de l'océan s'est levé et siffle dans mes oreilles, ramenant des mèches de mes cheveux dans mes yeux. Tout tangue et la plateforme sous mes jambes bouge légèrement en fonction de l'intensité des bourrasques. Le cœur battant, j'essaie de repérer Aïm au milieu de l'édifice en bois. Je cherche du rouge, la couleur de son emplacement, mais cette couleur se dérobe à mes yeux. Je penche la tête, plisse les paupières, mais rien n'y fait. Je me morigène de n'avoir pas regardé où était son emplacement lorsque j'étais en bas. Alors que le top départ ne va pas tarder à retentir, j'inspire longuement et mon regard se perd vers l'horizon. Au loin, derrière la mer de Kamorie, j'arrive à distinguer les lueurs dorées du Grand Désert : le vent qui y souffle emporte avec lui des grains de sable et forme ainsi un nuage de poussière. Tout cela est lointain, inaccessible. Le Grand Désert, pour ceux d'Atielle, c'est la porte d'entrée du reste de l'Oheïana. Y remettrai-je les pieds un jour ?

𝑳𝒂 𝒗𝒂𝒍𝒔𝒆 𝒅𝒆𝒔 𝑳𝒐𝒖𝒑𝒔Où les histoires vivent. Découvrez maintenant