De mes cendres

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« - Oui pourquoi pas. »

Je regrette mes mots à l'instant où ils passent la barrière de mes lèvres. J'aurais du me douter que ça allait tourner au drame cette histoire, j'aurais du m'écouter et prendre un taxi qui m'aurait certes coûté un bras, mais qui aurait au moins laissé ma dignité saine et sauve.

On entre dans sa voiture en silence, je sens son regard s'attarder sur moi mais n'y prête pas attention, préférant faire comme si ce baiser n'avait pas eu lieu. J'aurais du me douter que ne pas en parler allait être difficile, et Ken est le premier à se lancer, après une vingtaine de minutes à se retenir.

« - Tu as passé une bonne nuit ? »

Je m'étouffe avec ma salive, m'attendant à tout sauf à ça, à cette question sortie de nul part. Je ris nerveusement, et finis par répondre ironiquement.

« - C'est gentil de demander, figure toi que oui, comme un bébé, et toi ? Je lui rend la question. »

Je vois un sourire se dessiner sur ses lèvres, il se doute que je mens, mais décide de ne pas relever.

« - Parfaitement aussi, après tout, pourquoi j'aurais eu du mal à dormir ? »

Sa réponse est pleine de sarcasme, et je sais qu'au fond de lui il boue, qu'il est sur le point d'exploser. Je n'en suis pas loin non plus, alors je décide de lancer la bombe, me doutant que je n'échapperais pas à cette discussion de toute façon.

« - C'est vrai, on a passé une excellente journée hier, la meilleure depuis des années, un enterrement, une journée pluvieuse, un égarement, on pouvait pas rêver mieux, je lance avec amertume.

- Un égarement hein ? Il répète, comme si c'était la seule chose qu'il avait retenu.

- Oui c'est bien le mot que j'ai employé.

- Pourtant j'ai pas souvenir que ça avait l'air d'un égarement de ton côté, il ajoute.

- Parce que du tient s'en était un ? Je l'interroge, d'un ton acerbe. »

Il ne répond pas, je vois sa mâchoire se contracter, les jointures de ses mains sont blanchis, preuve qu'il tient durement son volant. Les secondes passent, et je prend peu à peu conscience que sa réponse est probablement sur le point de me détruire, encore une fois. Il ouvre une première fois la bouche mais aucun son n'en sort. Il fait plusieurs fois ce geste, mais ne dit finalement rien.

« - J'ai rompu avec Thibault, je reprend, n'en pouvant plus de cette attente, essayant de combler le vide se créant entre nous et dans mon cœur. »

Je le vois froncer les sourcils et l'entrée de l'aéroport apparaît devant nous. J'attrape mon sac à mes pieds, et à peine la voiture arrêtée que j'en descend hâtivement. Je me dirige vers le coffre et y récupère ma petite valise. Je ferme le coffre avec force, énervée par cette discussion n'ayant mené à rien, et je finis par remarquer Ken juste à côté de moi, me fixant, les mains dans les poches de son jeans.

« - C'était pas un égarement Cléophée. »

Je lève les yeux au ciel, et décide de continuer ma route vers l'aéroport, lui lançant un simple remerciement pour la route. Il n'essaye ni de me parler, ni de me rattraper, comme s'il acceptait ce que notre relation était en train de devenir, une relation compliquée, avec des non-dits, et des faux-semblants.

𝐂𝐈𝐄𝐋 𝐍𝐎𝐈𝐑 | 𝐍𝐞𝐤𝐟𝐞𝐮 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant