04 - La famille Minari

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    Un voile sombre et frais commençait à lentement tomber sur la banlieue de Tokyo alors que Maeko enfourchait son vélo. L'humidité des soirées était arrivée en même temps que ce début d'octobre, annonçant la fin des beaux jours. Un à un, les lampadaires s'éclairaient le long des rues, dessinant de longues lignes jaunes à travers les quartiers populaires. Un courant d'air venant du nord fit frissonner la jeune fille qui n'avait pas quitté son uniforme d'été. Elle resserra sa fine veste sur elle avant de s'élancer d'un coup de pédale.

Peu inquiète de l'obscurité, mais aussi peu téméraire face au froid, la lycéenne s'empressa d'accélérer, désirant retrouver au plus vite la chaleur du foyer. Prenant garde de circuler bien à gauche, Maeko laissa son esprit vagabonder tout en observant l'espace qui l'entourait. Maeko était de ceux qui observaient, qui admiraient discrètement ce qui l'entourait. Elle avait beau connaître l'emplacement de chaque lampadaire, de chaque voiture, de chaque bouche d'égout, la jeune fille continuait à observer avec un certain plaisir la ville dans laquelle elle vivait. Loin des quartiers chics et populaires de Tokyo remplis de touristes à gogo et d'hommes d'affaires tirés à quatre épingles, les quartiers populaires de la banlieue lointaine paraissaient occuper un autre univers.

Mécaniquement, elle tourna le guidon pour emprunter une route plus étroite avant de retomber sur un boulevard étouffé par des immeubles ternes et imposants, exemple de l'architecture disgracieuse de l'après-guerre. La lycéenne continua de pédaler pendant une dizaine de minutes, longeant ces immeubles tous aussi similaires puis bifurqua à nouveau, s'engageant dans une ruelle mal éclairée et aux effluves peu ragoûtants. Mais Maeko ne prit pas le temps de s'en accommoder et arriva sur un nouveau boulevard qu'elle traversa avant de descendre de sa bicyclette. La peau rougit par le vent froid, la lycéenne poussa son vélo jusqu'à l'immeuble n°345, lui aussi terne et laid.

Elle composa rapidement le code d'accès et poussa la lourde porte grinçante. Pénétrant dans le hall avec son vélo, elle se dirigea vers le garage et y délaissa son moyen de transport. La main droite légèrement tremblante, elle récupéra son sac de cours qu'elle avait déposé dans le panier et quitta la pièce sombre. Sans même prendre le temps de jeter un regard vers l'ascenseur éternellement décoré d'une feuille A4 annonçant HS, elle entama son ascension vers le deuxième étage.

Sa respiration s'alourdissait, au même rythme que ses jambes gravissaient les marches. L'air lui manquait alors qu'elle arrivait au palier du second étage, mais elle ne s'en accommoda pas et s'empressa de pousser la porte la plus proche. Elle pénétra dans l'appartement d'un pas mal assuré. L'air lui sembla encore plus irrespirable lorsqu'elle tira la poignée vers elle, refermant l'accès à l'extérieur.

Ses pas aussi silencieux que ceux d'un chat la portèrent à travers le couloir. Elle s'arrêta devant la porte qui menait au salon et jeta un coup d'œil vers la silhouette devant la télévision diffusant une chaîne d'actualité en continu sans grand intérêt.

— Je suis rentrée, souffla Maeko.

Le son de la télévision fut sa seule réponse et elle tourna les talons, rejoignant rapidement sa chambre. Les pulsations cardiaques de la lycéenne reprirent un rythme normal une fois la porte de sa chambre fermée. Elle déposa son sac sur sa chaise de bureau et s'empressa de se jeter sur son lit, la tête la première dans les coussins. Le souffle coupé par les draps, elle laissa ses paupières se fermer, appréciant le calme de son espace. Elle continuait d'entendre les sons de la télévision, séquelle d'une triste isolation sonore. Rattrapée par le contre-coup de sa longue journée d'études et de travail, Maeko sombra sans peine dans les bras de Morphée.

    Ce ne fut pas les gazouillements des oiseaux qui la tirèrent de son cocon mais le bruit de vaisselle cassée suivi de son nom hurlé à travers les murs fins de l'appartement. Elle se réveilla en sursaut et jeta un coup d'œil à son réveil, la tête dans le gaz. 22h36.

QUELQUES COUPS DE CRAYON ¦ k. akaashiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant